La semaine dernière, l’émission Remue ménage à Radio-Canada proposait un reportage fascinant sur les noms de famille composés. Après avoir connu des jours glorieux dans les années 1980 et 1990, le double patronyme n’est plus un choix prisé par les parents d’aujourd’hui. Moins de 10 % d’entre eux décident de donner deux noms de famille à leur enfant. Juste pour vous donner une idée, en 1992, alors que la tendance était à son apogée, c’était 22 % des enfants qui héritaient d’un nom avec un trait d’union.
Rapidement, on décrit les noms composés comme un gain important de la lutte féministe. C’est qu’au début des années 1980, la réforme du droit de la famille permet enfin aux mères du Québec de donner leur nom de famille à leurs enfants et qu’il soit reconnu légalement. Devant la récente « chute libre » du nom de famille composé, la première question qui vient à l’esprit est : « Le féminisme a-t-il perdu une bataille? »
J’ai envie de répondre: « cette bataille était-elle vraiment gagnée?»
À LIRE: Comment redonner du pouvoir aux mères?
Je ne peux pas croire que personne dans les années 1980 ne s’était douté qu’un jour on se retrouverait avec des parents qui auraient tous les deux des noms de famille à penture? Que ça s’obstinerait et ça se chicanerait dans la cabane pour savoir lesquels allaient passer à la ronde suivante? Personne n’a allumé que si le Code civil du Québec permet de donner deux noms de famille à son nouveau-né, on ne fait que reporter le problème à la génération suivante? Que devant toute cette complexité (et la frustration d’avoir un long double nom qui ne rentre jamais dans les petites cases des formulaires), le potentiel de backlash serait élevé?
Si plusieurs croient à un recul, je pense qu’il s’agit d’une transition, d’une évolution qui était inévitable. On a réglé une partie du problème, le bout évident, essentiel, nécessaire : les mères peuvent léguer leur nom, yé! Mais 35 ans plus tard, il ne s’agit plus seulement de théorie. On constate dans la pratique les limites du choix du nom de famille composé et la loi qui l’encadre.
Aujourd’hui, donner le nom de famille de la mère est perçu davantage comme un choix personnel, plus vraiment comme un geste militant. Il me paraît évident qu’on s’est assis sur cet acquis et qu’on revendique l’égalité homme-femme plus activement dans d’autres sphères de la parentalité, comme la conciliation travail-famille ou le partage des tâches. Dans le doute, l’indifférence ou l’oubli de la lutte de nos mères, on revient à ce qu’on connaît, soit nos bonnes vieilles habitudes millénaires : on donne le nom du père. En 2004, 82 % des enfants québécois ne portaient que le nom de leur père.
À LIRE: Suis-je assez bonne tout en étant assez poche?
Alors, si on doit poursuivre cette bataille, de quelle façon s’y prend-on? Inspirée par quelques solutions égalitaires partagées par mon entourage, j’ai pensé à de nouvelles réformes du Code civil du Québec. Si le nom de famille composé n’est pas la solution idéale, voici trois solutions simples simplistes!
- Les filles devront porter le nom de famille de la mère, les garçons, celui du père.
- Le premier enfant de la famille portera le nom de la mère (on a du retard à rattraper, gang), le second celui du père, le troisième, celui de la mère, etc.
- Les enfants nés un jour pair devront porter le nom de famille de la mère et ceux nés un jour impair, celui du père.
Je blague, évidemment. Jamais je n’imposerais des mesures aussi radicales aux nouveaux parents. Pourtant, le patronyme paternel continue de s’imposer comme le choix par défaut, voire l’unique choix, même en ayant la possibilité d’y lier celui de la mère. J’ai l’impression que ça nous prendra encore quelques générations (et sûrement quelques politiques encourageantes) avant que le nom de famille de la mère, donné seul, soit considéré comme un choix équivalent à celui du père. Et peut-être que les noms composés reviendront à la mode? Ils étaient courants dans le temps de la colonie…
Avez-vous un nom de famille composé? Vos enfants portent-ils le nom de famille de la mère?
À LIRE: Qui est la mère parfaite de l’Internet?
– – –
Pour écrire à Marianne Prairie: chatelaine@marianneprairie.com
Pour réagir sur Twitter: @marianneprairie