Peut-on aimer une étude scientifique d’un amour pur et sincère? Parce que je ressens un bonheur intense à la lecture de cet article paru dans le numéro d’avril du Journal of Marriage and Family. Trois chercheuses en sociologie se sont penchées sur une question qui génère énormément de culpabilité chez les mères, surtout celles qui travaillent: est-ce que le nombre d’heures consacrées à nos enfants fait une différence dans leur développement?
On s’attaque ici à un mythe qui a la couenne dure: plus les mères passent de temps avec leur progéniture, plus ce sont de bonnes mères. J’utilise le mot «mythe», car les conclusions de cette vaste enquête ne peuvent être plus claires. L’omniprésence maternelle comme gage du bien-être des enfants est une croyance, voire une idéologie. Les résultats indiquent que le nombre d’heures passées en compagnie de maman n’a aucune incidence sur le comportement, les performances scolaires et l’état émotionnel des enfants.
Si je jubile, c’est parce que nous avons enfin la démonstration empirique que notre valeur de mère n’est pas directement liée au fait qu’on soit présente un peu, beaucoup ou passionnément dans leur vie. Ce qui importe, ce n’est pas la quantité de temps qu’on passe avec nos enfants, c’est la qualité de ces moments en famille.
Un principe qui tient du gros bon sens, mais qu’on tend à oublier quand le discours dominant qualifie le temps d’une mère d’essentiel et d’irremplaçable. C’est plaisant de se sentir importante, mais c’est également beaucoup de pression quand on se fait rappeler sans cesse qu’il ne tient qu’à nous d’assurer un avenir glorieux à nos enfants.
Ce standard est irréaliste. Vous l’observez comme moi, toute une génération de femmes est en train de crouler sous la culpabilité de ne pas être suffisamment «là». Lorsqu’on sait que 4 mères québécoises sur 5 travaillent à temps plein, c’est aussi l’épuisement qui nous guette à essayer de cumuler le plus de minutes en famille possible dans des journées qui ont invariablement 24 heures.
Ce que cette étude nous dit, c’est que la culpabilité de ne pas passer assez de temps avec ses enfants est plus nuisible que le temps réel qu’on ne passe pas avec eux. Autrement dit, une mère a tout avantage à allonger sa journée de travail si ça lui permet d’avoir l’esprit plus tranquille et d’être plus disponible une fois de retour à la maison.
Il est tout à fait normal de ressentir un pincement au cœur avant de partir au boulot parce qu’on désirerait rester avec nos enfants. Il nous arrive toutes de souhaiter passer plus de temps avec eux, on les adore! Toutefois, penser qu’on est en train de les scraper parce qu’on s’en va, c’est se taper sur la tête inutilement.
Autre fait très intéressant, la recherche révèle qu’un autre facteur influence davantage le développement des enfants: le statut social de la mère. Son niveau d’éducation et le revenu familial pèsent beaucoup plus dans la balance que le fait qu’elle occupe un job à temps plein. Ce que je comprends, c’est que si on se souciait réellement du bien-être de nos enfants, en tant que société, on arrêterait de juger les performances des mères selon leur présence physique individuelle. L’interminable mommy war qui oppose les mères au foyer et les mères travailleuses n’a aucune raison d’être. Ce serait plus efficace de trouver des solutions collectives afin de faciliter l’accès aux études et aider les familles dans un état de précarité financière. En somme, tout le contraire des mesures d’austérité de notre gouvernement actuel.