Si vous ne lisez qu’un livre cette année, choisissez La guerre des intelligences, du médecin français Laurent Alexandre (Éditions JCLattès, 2017). Rarement, en 30 ans de journalisme, un livre m’a-t-il autant secouée. L’auteur est un grand vulgarisateur. Vous comprendrez tout et vous ne vous ennuierez pas. Chacune de ces 300 pages vaut son pesant d’humanité. Mais on ne sort pas indemne de ce livre. C’est une bombe à fragmentation qui ne cesse d’exploser des jours après sa lecture. Est-ce vraiment ce qui nous attend, vous demanderez-vous constamment. Comment s’y préparer?
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Votre enfant rêve de devenir radiologiste? Une intelligence artificielle (IA) peut aujourd’hui examiner des radiographies avec un taux de succès de 100 % contre 75 % pour un être humain. Les médecins généralistes font aussi face à une nouvelle concurrence. Le robot chinois Xiaoyi («petit docteur» en mandarin) a brillamment réussi, en 2017, les examens de médecine de l’Université de Pékin. Il sera commercialisé en mars 2018. D’ici 30 ans, peut-être moins, prédit le Dr Alexandre, les médecins tiendront la main des patients. Les IA feront les diagnostics. Avec plus de fiabilité. Tout cela vous semble de la science-fiction? Les avancées scientifiques, technologiques et économiques sur lesquelles l’auteur se base sont pourtant bien réelles. Le Dr Alexandre est chirurgien, neurobiologiste et fondateur du site web Doctissimo. Ce n’est pas un illuminé. Son essai raconte la course entre les États-Unis et la Chine pour développer des intelligences artificielles de plus en plus évoluées. Google, Amazon, Facebook, Tesla travaillent à marche forcée. Les Chinois ont leurs équivalents en Baidu, Tencent et autres, et ils ne sont pas freinés par des contraintes d’éthique ou de protection de la vie privée comme c’est le cas aux États-Unis.
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Ces IA vont nous rendre service, mais aussi détruire des millions d’emplois. Elles soulèveront aussi des dilemmes politiques pharaoniques. Seuils d’immigration et neutralité religieuse seront de la petite bière en comparaison. D’ici une ou deux décennies, moins peut-être, des militants revendiqueront le droit à un quotient intellectuel (QI) élevé pour tous, par manipulation génétique ou par implantation de prothèses cérébrales. La Régie de l’assurance maladie du Québec remboursera-t-elle? Des bioconservateurs refuseront d’augmenter artificiellement l’intelligence de leurs enfants et condamneront ceux-ci à un statut de quasi-déficients au sein de leur société. Aujourd’hui, en Occident, le QI stagne et baisse même parfois. Les chercheurs ne savent trop pourquoi. On ignore tout de l’impact sur nos cerveaux de l’usage de ces IA si séduisantes. Une étude a récemment montré, par exemple, que l’hippocampe des chauffeurs de taxi de Londres s’est atrophié maintenant qu’ils se fient à leurs GPS pour parcourir les rues de la ville au lieu de les mémoriser.
Un million de synapses se forment chaque seconde dans le cerveau d’un enfant de trois ans. Les éducatrices en garderie, prédit le Dr Alexandre, seront dans le futur les piliers bien payés de la société. Elles auront fait de longues études en neurodéveloppement et prépareront les enfants à cohabiter avec les intelligences artificielles. Parions que plus d’hommes œuvreront alors dans les garderies. Les IA, elles, seront-elles machos? Tout dépend de qui les éduquera, selon lui. Et là-dessus, c’est plutôt mal parti…
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Ex-rédactrice en chef et éditrice de L’actualité, Carole Beaulieu est journaliste indépendante.