Couple et sexualité

Love – Le grand livre de l’amour

Cent chercheurs ont exploré ce grand sentiment.

Dans Love, 100 chercheurs des quatre coins de la planète explorent ce grand sentiment qui est à l’origine du monde. Entrevue avec celui qui les a réunis, Leo Bormans.

Photo : Ae Pictures inc/Getty Images

Photo : Ae Pictures inc/Getty Images

Entrez le mot amour sur Google et vous obtiendrez 300 millions de résultats, dit Leo Bormans, instigateur de ce projet de recueil. Cela montre à quel point ce sujet préoccupe l’être humain.» Après le succès planétaire de son livre Happiness, paru en 2011, l’auteur et journaliste a voulu renouveler l’expérience. Cette fois, il a demandé à 100 chercheurs de résumer en 1000 mots leurs découvertes sur l’amour. «Je voulais des réponses universelles, pas seulement des textes provenant de la France ou des États-Unis», ajoute-t-il. Des psychiatres, des psychologues, des neurobiologistes de 50 pays (Inde, Iran, Chine, Turquie, Serbie) ont donc participé à cette entreprise colossale – dont l’oncologue québécois Christian Boukaram, auteur du livre Le pouvoir anticancer des émotions. Résultat: Love – Le grand livre de l’amour, qui parle aussi bien de désir, de passion et d’attachement que de jalousie…

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Pourquoi, pendant longtemps, si peu de chercheurs se sont-ils intéressés à l’amour? Les universités américaines se demandaient pourquoi elles dépenseraient de l’argent pour faire des recherches sur un sujet qui ne donnait aucun résultat économique mesurable. On préférait étudier les maladies plutôt que de se pencher sur ce qui rendait les gens heureux. Même Freud ne s’est pas intéressé à l’amour! Mais, au début des années 2000, des neuroscientifiques ont découvert que ce sentiment laissait des traces visibles dans le cerveau. C’est là que tout a changé.

Dans votre livre, une psychiatre italienne compare d’ailleurs la passion amoureuse à une maladie mentale. Quand on observe le cerveau des gens amoureux, on voit que la passion abaisse leur taux de sérotonine, tout comme chez les personnes atteintes du trouble obsessionnel-compulsif. Le sentiment amoureux agit à la façon d’une drogue, d’une sorte d’obsession qui donne autant d’énergie que la cocaïne et qui nous amène aussi à prendre des risques. C’est la passion qui pousse Roméo à grimper au balcon pour rejoindre Juliette, un exploit qu’il n’aurait pas accompli dans son état normal. [Rires] On ne pense qu’à l’être aimé, à qui on peut téléphoner 20 fois par jour… Mais, inévitablement, la passion finit par déboucher sur la désillusion.

On ne serait pas programmés pour rester amoureux? Tomber amoureux est instinctif. C’est une idéalisation de l’autre servant à déclencher la reproduction, en vue de la survie de l’espèce. Les recherches démontrent que, au bout de six mois à un an, on se rend compte que l’histoire qu’on se racontait à propos de l’autre n’est pas vraie. On réalise que la personne qu’on aime n’est pas Dieu, mais un simple humain. À ce moment-là, deux choses peuvent se produire: ou on cesse d’aimer, ou la passion amoureuse se transforme en véritable amour. Et ce qui se passe dans le cerveau lors du véritable amour est très différent de l’effet grisant de la passion: on éprouve de la gratitude de pouvoir donner et recevoir un aussi magnifique présent.

Quand on parle de couple, la jalousie n’est jamais très loin, non? Il est naïf de penser qu’il existe une seule personne au monde dont nous pouvons tomber amoureux. Juste une? Le contraire de l’amour n’est pas la haine, mais la jalousie. Nos relations sont souvent basées sur la possessivité: nous ne voulons pas que notre amoureux regarde quelqu’un d’autre, qu’il ait une vie à lui, qu’il réalise ses propres ambitions. Or, c’est un sentiment très destructeur que de vouloir toujours empêcher notre conjoint de faire des choses sans nous. Le véritable amour, c’est aussi donner à l’autre la possibilité de se développer et de devenir lui-même. Si on réussit cela, on a des chances d’établir une relation qui durera longtemps.

Mais il faut aussi s’aimer soi-même… Oui, et s’aimer, ce n’est ni de l’égoïsme ni du narcissisme. C’est être en contact avec sa propre essence, c’est se donner le droit à l’épanouissement, à l’autonomie et à la liberté. Si vous ne vous aimez pas, comment quelqu’un d’autre pourrait-il y arriver? Si vous ne vous donnez pas la permission de vivre votre vie, comment pouvez-vous la donner à l’être aimé?

D’ailleurs, les célibataires seraient-ils moins misérables qu’on veut nous le laisser croire? Tout à fait! Au cinéma, c’est toujours la même histoire: on est seul, on est triste, puis on trouve l’amour et tout devient parfait. La psychosociologue américaine Bella DePaulo, elle-même célibataire, a mené sa propre enquête: en réalité, beaucoup de gens sont seuls, célibataires et heureux. Et ils ne sont pas tous en train de chercher un partenaire de façon compulsive. Plusieurs études ont montré qu’ils sont aussi plus enclins que les personnes mariées à prendre soin de leurs frères et sœurs, de leurs parents, de leurs voisins et de leurs amis.

L’amour peut prendre de multiples formes: l’amour parental, l’amour-­compassion… Vous pouvez aimer vos enfants, vos voisins, vos parents, votre animal de compagnie, vos amis… Ce sont toutes des facettes de la même réalité: être capable de donner et de recevoir de l’amour. Les études des neuroscientifiques, comme l’Allemand Andreas Bartels, indiquent que l’amour maternel, le sentiment amoureux et la compassion activent les mêmes zones cérébrales, riches en récepteurs des hormones de l’amour: l’ocytocine et la vasopressine. Le seul fait de prendre quelqu’un dans ses bras libère de l’ocytocine dans le cerveau, a-t-on découvert. Cette hormone est une substance du cerveau primitif (au sens évolutionnaire du terme). Autrement dit, l’amour fait partie intégrante de notre nature. C’est ce qui explique pourquoi nous en avons tous tellement besoin!

Les animaux éprouveraient-ils aussi de l’amour? On trouve dans leur cerveau les mêmes hormones de l’amour que dans celui des humains. Il y a des espèces, dont les chimpanzés et les bonobos, qui restent ensemble toute leur vie. Certains couples de singes sud-américains passent 20% de leur temps assis côte à côte, la queue enlacée. Chez les animaux monogames, les pères se chargent de porter les petits ou sont les premiers à leur donner des aliments solides, les détournant ainsi de l’allaitement maternel. Chez les animaux non monogames, il existe des liens intimes entre les mères, les filles et les sœurs, et entre les pères, les fils et les frères. Il y a contact physique intime, épouillage mutuel et anxiété lorsqu’ils sont séparés. Tout cela nous rapproche des animaux, même si nous préférons ne pas le savoir.

Pensez-vous déjà à votre prochain livre? Pas vraiment. J’ai étudié le bonheur pendant deux ans, puis l’amour pendant deux autres années. Maintenant, je vais prendre le temps de les expérimenter. [Rires] J’essaierai d’être heureux, d’être amoureux, et on verra…

Leo Bormans met world book of love

Photo : Yann Bertrand


Leo Bormans
est un journaliste et auteur belge. En 2011, il a publié Happiness – Le grand livre du bonheur, qui est devenu un best-seller international.

Une centaine de chercheurs de tous les coins du monde y ont participé, dont le psychanalyste québécois Guy Corneau. Happiness a été offert par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, à tous les dirigeants de la Terre comme cadeau spécial du Nouvel An.

Depuis, Leo Bormans parcourt la planète à titre d’ambassadeur mondial du bonheur et de la qualité de vie. L’an dernier, il a pris la parole aux côtés du Prix Nobel Kofi Annan devant plus d’un millier d’étudiants, dans le cadre d’un congrès inspiré par son œuvre. En 2013, il a aussi publié Optimiste – Guide pratique pour voir la vie du bon côté.

Leo Bormans donnera sous peu une conférence à Montréal. Intitulée Le secret de l’amour et du bonheur, elle aura lieu le jeudi 21 novembre à 19 h au Collège de Maisonneuve.

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Les Éditions de l’Homme, 34,95 $

En librairie le 16 octobre.

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