Santé

Pollution: effets sur notre santé

À la campagne comme en plein coeur de la ville, nous sommes tous touchés par la pollution. Portrait de la situation.

Josef Lindau / Corbis

Il y a deux ans, Ann Ross s’est mise à tousser. Une petite toux sèche, persistante. Un pneumologue du Centre universitaire de santé McGill a diagnostiqué une inflammation chronique des bronches, maladie souvent liée au tabagisme. Or, Ann n’a jamais fumé. « Le médecin attribue le problème à mon environnement : j’ai vécu toute ma vie à Montréal et je travaille dans un bureau du centre-ville », dit-elle. Elle se trimballe maintenant avec une pompe utilisée pour le traitement de l’asthme. « Ça va mieux, mais je toussote encore un peu. »

Pour beaucoup de gens, la pollution demeure un concept abstrait. On a tendance à croire qu’elle peut affecter les vieillards et les tout-petits, mais pas nous, adultes dans la force de l’âge! À la Direction de la santé publique de Montréal, le Dr Stéphane Perron se fait rassurant. « La situation est bien moins pire à Montréal que dans des villes comme Mexico ou Le Caire », dit-il. Soit, mais les polluants atmosphériques entraînent tout de même, chaque année, 1 500 décès prématurés sur l’île.

Ceux qui vivent loin des centres urbains ne sont pas pour autant épargnés. En 2009, la qualité de l’air a été jugée mauvaise pendant 139 jours à Témiscaming, 82 à Sorel-Tracy et 59 à Shawinigan, comparativement à… 68 à Montréal!

En dehors des grandes villes, à qui la faute? Pas uniquement aux industries locales. Parce que les particules toxiques voyagent! D’ouest en est – elles suivent la trajectoire des vents dominants. Selon Environnement Canada, 85 % des polluants atmosphériques détectés dans l’Outaouais proviennent des provinces ou des États voisins.

Qu’est-ce qui contamine l’air qu’on respire? Le dioxyde de soufre, le mono­xyde de carbone, le dioxyde d’azote, le monoxyde d’azote, entre autres choses. « Le taux de ces polluants a beaucoup baissé. Par contre, des appareils plus sophistiqués nous ont permis d’en détecter de nouveaux, dont on ne soupçonnait même pas l’existence », dit Diane Boulet, chimiste responsable du Réseau de surveillance de la qualité de l’air (RSQA) à la Ville de Montréal.

C’est le cas des « particules fines », découvertes en 1997. « Elles sont causées par les véhicules routiers, les industries et le chauffage au bois », explique la chimiste. Eh oui, les douillets feux de foyer sont responsables de la moitié des émissions de particules fines causées par l’activité humaine au Québec, d’après le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.

« À Saint-Sauveur, le samedi soir, tout le monde se fait un petit feu, poursuit Diane Boulet. C’est romantique… mais à l’extérieur l’air devient irrespirable. » En région, le chauffage au bois pollue davantage que la circulation routière.

Qu’importe la source, les particules fines sont nuisibles. « Certaines sont si minuscules qu’elles passent directement des alvéoles pulmonaires à la circulation sanguine. Elles irritent les vaisseaux et causent une inflammation qui entraîne la formation d’athérosclérose, au même titre que la fumée du tabac et les mauvais gras », dit le Dr François Reeves, cardiologue et professeur à l’Université de Montréal.

Ces composés toxiques endommagent le coeur. « Ils causent de l’arythmie, de l’insuffisance cardiaque, des infarctus et des AVC », précise-t-il. Le spécialiste juge le problème si important qu’il y a consacré  l’an dernier un livre, Planète Coeur, Santé cardiaque et environnement (Éditions du CHU Saint-Justine et MultiMondes).

Et il n’est pas le seul à sonner l’alarme. En mai 2010, l’American Heart Association déclarait que le lien entre pollution et maladies du coeur devenait de plus en plus évident. Les gens qui habitent à moins de 300 mètres d’un axe routier majeur courent 50 % plus de risques de souffrir d’un trouble cardiaque, selon des études.

Le Dr Mark Goldberg, épidémiologiste à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, montre lui aussi du doigt la circulation automobile, cette fois en lien avec le cancer du sein, en hausse chez les femmes vivant près de grandes artères. « On ne peut pas encore affirmer que les émanations des voitures sont responsables, mais cette hypothèse mérite d’être examinée de près, dit-il. Les cas de cancer du sein se multiplient, et seulement 30 % d’entre eux peuvent s’expliquer par les facteurs de risque connus, comme les antécédents familiaux. »

Comment protéger sa santé? Faut-il porter un masque? « Ceux que l’on trouve en pharmacie ne filtrent pas grand-chose », répond le Dr Stéphane Perron.
 
Alors on oublie le jogging et le vélo en ville? Non, pas du tout. « Les bénéfices de l’exercice l’emportent sur les risques », souligne-t-il. C’est en tout cas ce qu’a démontré une recherche menée en 2010 auprès de cyclistes européens. Les bienfaits de l’activité physique sur la santé se sont révélés chez eux neuf fois plus importants que les dangers de l’exposition aux polluants.

Les véritables solutions sont collectives, avance le cardiologue François Reeves : « Il faudra repenser l’organisation des villes, planter des arbres et apprendre à délaisser la voiture. »

 4 astuces antipollution

  • Faire le plein d’antioxydants Les polluants de l’air ont un effet oxydant sur l’organisme. Manger des fruits et légumes colorés, riches en antioxydants, limite les dégâts.
  • Restreindre les activités physiques extérieures Mieux vaut faire une pause d’entraînement lors des alertes de smog, surtout si on souffre d’une maladie respiratoire ou cardiovasculaire, indique le Dr François Reeves.
  • Éviter les grandes artères En auto comme à vélo, on est surexposé aux polluants dans les rues achalandées. « Les pistes cyclables sont souvent aménagées sur des artères passantes », dit le Dr Mark Goldberg, qui conseille de privilégier les petites rues.
  • Changer son vieux poêle à bois Depuis 2009, ces appareils de chauffage répondent à des normes plus sévères – celles de l’Association canadienne de normalisation (ACNOR) ou de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (US/EPA).

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