De quelle façon pourrait-on mieux aider les jeunes en difficulté d’apprentissage?
Il faut agir tôt, et avec force. Je parle souvent de l’importance de la maternelle quatre ans pour détecter rapidement différents troubles, mais même au secondaire, on peut faire de la prévention. La première des choses à faire est de repérer les jeunes qui n’ont pas le niveau en lecture, c’est-à-dire qui ne comprennent pas ce qu’ils lisent. C’est impossible de réussir son secondaire si on a un retard en lecture.
Les enseignants ont-ils la formation nécessaire pour repérer et aider ces jeunes?
Ils sont excellents pour aider un élève qui a des problèmes en lecture, en écriture ou en mathématiques, mais la formation des éducateurs spécialisés et des enseignants pour intervenir auprès des jeunes autistes ou présentant des difficultés de comportement a des lacunes majeures. Les gens sont pleins de bonne volonté. Ils se préoccupent du bien-être de leurs jeunes, les suivent et agissent même parfois à l’extérieur de l’école pour leur venir en aide, mais il faut qu’ils aient accès aux meilleurs programmes.
Qu’est-ce qui fonctionne avec les jeunes qui ont un problème d’adaptation ou de comportement?
Une des interventions les plus efficaces au secondaire est d’avoir recours à un mentor. Le simple fait qu’un adulte se préoccupe d’eux peut changer la situation du tout au tout pour ces jeunes.
Vous dites «un adulte». Il n’y a donc pas que les professeurs ou les intervenants qui peuvent exercer ce rôle?
Absolument pas! Tous les adultes de l’école comptent. J’ai vu il y a quelques années une jeune fille de 14 ans qui n’allait vraiment pas bien, accumulait les absences non motivées et semblait se diriger vers le décrochage. Un matin, pendant qu’elle attendait pour rencontrer la directrice, elle s’est mise à parler avec la secrétaire. Micheline et elle ont discuté de gars, d’amour. Il s’est instauré une petite tradition entre elles, une jasette de quelques minutes, chaque jour. Les professeurs n’avaient pas modifié leur manière d’enseigner, l’école n’avait pas changé, c’est le fait qu’un adulte de l’école se préoccupe d’elle qui a fait pencher la balance pour cette jeune fille. Ce genre de relation est une variable très importante de la résilience et de la persistance scolaire.
Mais cela peut être difficile de tisser des liens avec un adolescent, non?
Il y a cette espèce de mythe qui dit que l’adolescence est une période terrible, bourrée de problèmes. Mais pour la plupart des ados, ce n’est pas le cas. Bien sûr, leur chambre est dans un drôle d’état et ils s’opposent parfois à l’autorité pour mieux se définir, mais ce n’est pas une crise en soi. La majorité des jeunes passent une adolescence normale, tant que des retards scolaires ne minent pas leur confiance en soi. Mais il y en a toujours une petite proportion qui ont besoin de se référer à des adultes solides, à des modèles qui les prennent sous leur aile et ont de l’affection pour eux. Il faut pouvoir leur apporter ce soutien.
À quoi attribuez-vous la différence entre le taux de réussite des jeunes en difficulté au Québec et en Ontario?
Les systèmes éducatifs qui réussissent le mieux sont ceux qui mettent en application les meilleures pratiques. Ils se basent sur des résultats scientifiques, un peu comme en médecine. Si on consulte trois ou quatre médecins spécialistes pour un même trouble, on va recevoir les mêmes réponses de chacun, à peu de chose près. C’est parce qu’ils se fient à la science. On devrait agir de la même façon en éducation. Et il y a bien sûr une question de langue. Les ressources pédagogiques sont plus facilement accessibles en anglais. C’est pourquoi je milite depuis près de 10 ans pour la création d’un institut d’excellence en éducation, pour qu’on puisse rassembler en un seul endroit tout ce qu’on a comme connaissances sur ce qui fonctionne.
Que disent les recherches sur la meilleure manière de mener les jeunes en difficulté à la réussite scolaire?
Entre autres choses, qu’il faut les maintenir dans les classes ordinaires. C’est d’ailleurs ce qui se fait dans les commissions scolaires anglophones. Mais pour que ça fonctionne, il faut que toutes les écoles mettent la main à la pâte. Actuellement, les écoles privées et les écoles publiques à projet particulier attirent les élèves les plus forts. Ce tamisage fait que les classes ordinaires se retrouvent avec une proportion beaucoup trop grande d’élèves en difficulté. Je crois que tous les établissements scolaires devraient être dans l’obligation d’accueillir les élèves en difficulté et de leur fournir des services. Personnellement, je rêve du jour où les écoles, même au privé, développeront des expertises particulières et rivaliseront pour attirer ces jeunes.
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Après des études en chant classique au Conservatoire de musique de Québec, Andréanne Moreau a complété son baccalauréat en journalisme à l'Université du Québec à Montréal (UQÀM) et est devenue journaliste dans les hebdos locaux de TC Média, sur l'île de Montréal. C'est là qu'elle s'est fait remarquer pour ses portraits et ses reportages près du style du magazine et a été recrutée par Châtelaine. Pendant trois ans, elle y a couvert l'actualité féministe mondiale dans la section Planète Femmes, la santé et l'activité physique. Elle a également réalisé quelques longs reportages, notamment au sujet de la grossophobie médicale, de la libido et de l'anatomie féminine. Andréanne met maintenant sa plume au service de l'Orchestre Métropolitain et de son chef d'orchestre Yannick Nézet-Séguin, pour qui elle est conseillère en communications et relations publiques.
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