Reportages

Aimer l’école, ça se peut!

Le secret pour qu’un enfant réussisse ses études? La motivation!

Au Québec, 31 % des jeunes de 20 ans ne possèdent pas leur diplôme d’études secondaires.

Pourquoi? Voilà la grande question à laquelle répond le psychoéducateur et orthopédagogue Germain Duclos dans son livre La motivation à l’école, un passeport pour l’avenir, aux Éditions du CHU Sainte-Justine. Ce chiffre renvoie sans doute aux failles de notre système d’éducation, dit-il. Mais aussi à notre rôle de parents.

Car nous sommes les premiers à pouvoir transmettre à nos enfants le goût d’étudier et d’y trouver un profond plaisir.

1. La plupart des jeunes qui abandonnent volontairement l’école, dites-vous, le font parce qu’ils ne sont pas motivés. Mais comment définissez-vous la motivation?
Il y en a deux sortes. La motivation extrinsèque, c’est-à-dire qui vient de l’extérieur : c’est le jeu de la récompense et de la punition, de la carotte et du bâton, que tout le monde emploie, à un moment ou à un autre, mais qui ne dure pas. Et la motivation intrinsèque, qui vient de l’intérieur, de la personne elle-même, et que je compare à l’appétit. Elle ne s’impose pas, mais elle se favorise. Et elle est contagieuse : quand le parent a de l’appétit pour la découverte et l’apprentissage, il y a des chances que l’enfant en acquière aussi.

Le mot motivation vient du verbe latin motivere, mettre en mouvement. En somme, se motiver, c’est être auto-mobile! Mais pour que son moteur fonctionne, il faut lui mettre de l’essence (c’est la motivation intrinsèque). En panne sèche, on peut pousser sa voiture (c’est la motivation extrinsèque), mais c’est très temporaire. Mieux vaut que l’enfant ait de l’essence en réserve et qu’il sache où il peut en trouver!

2. Le parent ne peut donc pas être motivé à la place de son enfant. Mais il peut le stimuler intellectuellement pour déclencher sa motivation intrinsèque. Comment?
En nourrissant sa curiosité naturelle. Il faut le faire très tôt, car la motivation à l’école débute bien avant l’école. Tout jeunes (de 9 à 18 mois), les enfants aiment fouiller, par exemple, les bas d’armoires, et découvrent comme ça, en s’amusant, les caractéristiques (textures, poids, dimensions, fonctions) d’une foule d’objets. Le rôle des parents consiste à stimuler ce goût de la découverte. De 2 à 4 ans, la curiosité intellectuelle des petits s’éveille, alors ils posent sans cesse des questions. Les parents doivent leur répondre et les amener plus loin dans leur questionnement. À 7 ans, l’enfant passe du pourquoi au comment : c’est donc qu’il est motivé à aller plus loin dans son apprentissage. Là encore, il faut le soutenir.

Une chose très importante : montrer l’exemple de l’activité intellectuelle. Les parents doivent lire pour eux-mêmes et lire des histoires à l’enfant. Saviez-vous que 9 enfants sur 10 veulent aller à l’école d’abord pour apprendre à lire? Les enfants sont très intrigués par la lecture. Ils veulent rapidement avoir accès à ce code secret. À preuve : l’une des caractéristiques généralisées chez les jeunes qui abandonnent l’école est qu’ils ne lisent pas et viennent de milieux familiaux où on ne lit pas. Car c’est la pauvreté culturelle et non pas économique qui fait obstacle à la motivation à l’école. Quand on lit, on met des images mentales sur les mots : la lecture est un déclencheur d’imaginaire (ce qui n’est pas le cas des maths). La lecture est la clé, la porte d’entrée de tous les apprentissages. Il faut la donner à nos enfants si on veut qu’ils aient du plaisir à étudier.

3. Mais donner l’exemple du plaisir intellectuel, est-ce suffisant pour développer la motivation de l’enfant?
Il faut aussi développer son estime personnelle. J’ai inventé un outil d’appoint pour ça : le carnet de fierté. C’est comme un journal dans lequel on note tous les succès, même les plus petits – et pas seulement scolaires –, de l’enfant. Il voit ainsi clairement ses forces et ses progrès. Et ça donne à ses parents une bonne idée de son rythme d’apprentissage, qu’il est très important de respecter (en évitant de tout lui donner tout cuit dans le bec ou de le forcer à aller plus vite).

Pour donner à l’enfant le goût d’aller à l’école, le parent doit aussi s’intéresser pour vrai à ce qu’il a fait dans sa journée, à ses activités, travaux et devoirs, à son bulletin. Accorder plus d’importance à ses apprentissages qu’à ses notes, même si elles sont élevées. Et puis, accorder de la valeur à l’éducation en général, au savoir, pas seulement à la job et au salaire. Prouver ça en participant aux rencontres et à la vie scolaire, en collaborant avec les enseignants. Et en donnant à l’enfant des modèles de personnes motivées, savantes et passionnantes dans leur domaine.

Fréquemment, il faut expliquer aux jeunes l’utilité de ce qu’ils apprennent et font à l’école. « À quoi ça sert dans la vraie vie? » est une question très fréquente! Imposer aux jeunes des apprentissages sans leur en expliquer l’importance, c’est faire insulte à leur intelligence. Par exemple, quand on exige la mémorisation d’une notion, expliquer que mémoriser, c’est comme mettre de l’argent à la banque ou stocker des données en vue d’un projet. Le plus souvent possible, encourager l’enfant à mettre en pratique à la maison ce qu’il a appris à l’école.

Et puis, comment un enfant peut-il avoir le goût d’aller à l’école si ses parents racontent leurs mauvaises expériences scolaires ou bien dénigrent les professeurs devant lui? Bref, il faut valoriser l’école et montrer de l’intérêt pour ce qu’il s’y passe.

4. On connaît l’importance de l’hygiène de vie dans l’apprentissage. Les parents tiennent là un rôle important…
Oui. On parle ici d’alimentation saine, de sommeil suffisant, d’activité physique. Un enfant mal nourri et qui manque de sommeil n’a pas l’énergie pour apprendre. Comment peut-il alors aimer l’école?

Mais on parle aussi de vie familiale équilibrée. Et d’effort.

Je suis en train d’écrire sur le stress chez l’enfant. Ce que je vois, ce sont des parents tellement occupés que l’enfant a toujours l’impression de déranger. Ça, ça touche directement l’estime de soi. C’est de la négligence affective. Beaucoup d’enfants, aujourd’hui, vivent dans un désert affectif. Or, la motivation des enfants passe par l’interaction avec les parents…

Ce que je vois aussi, c’est que nous sommes dans une culture de facilité. Pas besoin de se lever pour ouvrir la télé… la technologie réduit ou même élimine les efforts. Nos enfants vivent dans ce contexte. Nous mettons nous-mêmes beaucoup d’énergie à économiser nos énergies… Alors, comment inciter nos enfants à l’effort? Nous leur lançons un message contradictoire!

Au mot effort je préfère d’ailleurs le mot persévérance. C’est le manque de persévérance que déplorent surtout les enseignants chez leurs élèves. À la maison, les parents doivent exiger que l’enfant persévère. Car abandonner ses projets en cours de route finit par susciter un sentiment d’échec, du découragement et une perte de confiance en soi.

On ne le répètera jamais assez, l’un des grands problèmes de l’enfant à l’école, c’est qu’il n’est pas suffisamment en forme pour bien apprendre! Au Québec, c’est dramatique. L’école devrait tripler les heures d’éducation physique! Nos enfants sont fatigués, ils ont des difficultés d’attention, de concentration. Ils ne bougent pas assez! Ma fille est travailleuse sociale, en Bolivie, dans un milieu très pauvre. Les enfants vont à l’école à pied, à cinq kilomètres dans la montagne. Ils ne possèdent rien et ils ont tout contre eux, sauf une activité physique intense. Eh bien, leur motivation pour apprendre est à toute épreuve!

En résumé, souvenons-nous que la motivation est l’anticipation d’un résultat plaisant. Si apprendre, étudier, est présenté à l’enfant comme une source importante de plaisir, il sera motivé. Et il persévérera.

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