La lointaine Asie, qui s’étend de l’Inde au Japon, n’a jamais été aussi près de nous. Dans nos armoires, l’étiquette Made in China est omniprésente, et bien des décors sont ponctués de notes asiatiques. Même les uniformes de nos athlètes olympiques sont fabriqués en Chine ! Et cette influence gagne notre façon de concevoir la santé et la spiritualité. L’Asie change… et nous change.
Les communautés asiatiques installées au Québec nous initient à leur façon de vivre, à de nouvelles saveurs. Les enfants commencent la journée avec les animations japonaises diffusées à la télé, tandis que les hommes d’affaires lisent L’Art de la guerre, du général chinois Sun Tzu, pour en tirer des stratégies gagnantes. D’après Serge Granger, auteur de Le Lys et le Lotus (VLB), rien de nouveau sous le soleil : la fascination du Québec pour la Chine remonte aux Jésuites de la Nouvelle-France ! À l’époque où Jacques Cartier accostait ici, l’Empire du Milieu était la première puissance mondiale.
Dans les années 1880, la compagnie Canadien Pacifique fait venir 15 000 ouvriers, les « coolies », pour construire le chemin de fer transcanadien. À Montréal, le peuple du dragon s’installe rue de La Gauchetière et alentour : le quartier chinois prend naissance. Au tournant du XXe siècle, missionnaires et laïcs québécois rapportent de Chine des récits de voyage. Dans les années 1950, les petits Chinois de la Sainte Enfance, « achetés » 25 cents par charité, marquent l’imaginaire des écoliers.
Si, à la fin de la guerre du Vietnam, les boat people affluent de l’Asie du Sud-Est, le Japon connaît un miracle économique et les petits tigres (Taïwan, Hongkong, Singapour) voient une croissance supérieure à 10 % dans les années 1980. Corée du Sud, Thaïlande et Vietnam s’engagent sur la voie de l’industrialisation dans les années 1990. Le dragon chinois s’éveille, passant de la pauvreté (la dernière grande famine date de 1960) à une croissance moyenne annuelle de 10 % depuis 1990. On découvre que le futur, c’est l’Asie. Et que l’Asie est partout dans nos vies.
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· Art de vivre (jardins, décoration, mode et beauté, calendrier des événements)
· Économie, immigration asiatique au Québec
· Santé (alimentation, médecines douces, exercice, spiritualité)
Aussi :
* La Chine
* Les mots venus d’Asie
ART DE VIVRE
Jardins
Jardin botanique de Montréal (Michel Tremblay)
Le Pavillon japonais et le Jardin de Chine (le plus grand hors de Chine avec 2,5 hectares) du Jardin botanique de Montréal sont des havres de paix dans la métropole. « Les vieux Chinois l’ont adopté et viennent y faire leurs exercices tôt le matin », dit Claire Huot, agente culturelle du Jardin de Chine, qui a passé plus de huit ans dans l’Empire du Milieu. Chaque année, ce jardin accueille 247 000 visiteurs. « Les gens sont sensibles à l’atmosphère du lieu, » explique Claire Huot. Ils viennent puiser des idées d’aménagement paysager dans cet espace qui doit beaucoup au très sinophile ex-maire Pierre Bourque.
Décoration
Les architectes s’intéressent au feng-shui, cet art d’harmoniser son habitat avec le ciel et la terre et de faire circuler les énergies, ainsi qu’à l’influence zen dans l’aménagement japonais. « Ce que les gens cherchent, dit Aurélien Deluc, gérant de la galerie d’antiquités japonaises Tansu, à Montréal, c’est la simplicité, le minimalisme et le pratique. Les meubles japonais répondent à ce besoin. »
Les meubles indonésiens ont aussi la cote. Le Québécois Denis Bergeron en fait l’importation dans sa salle d’exposition Antipode, à Montréal. « Au Québec, on aime le bois travaillé à la main, et les meubles asiatiques se marient bien aux antiquités québécoises. »
Mode et beauté
Les créateurs d’origine asiatique influencent fortement la mode québécoise. Outre le Cantonnais Simon Chang, les Vietnamiens Andy Thê Anh, Dinh Bà et Yso ont fait leur marque ici. Marie Saint Pierre se reconnaît une parenté avec le couturier japonais Issei Miyake : « Les Japonais ont envahi le marché occidental avec une esthétique qui casse tout ce qui avait été fait avant ». Elle utilise des polyesters japonais, « les plus fins au monde ».
Le maquillage pâle, style geisha, est sur tous les podiums cette année. Et côté coiffure, le carré asiatique revient régulièrement. Cette saison, on en trouvait une version asymétrique. Surtout, les rituels de beauté qui nous aident à combattre le stress s’inspirent beaucoup de l’Asie avec les bains japonais ofuro et les massages indonésiens…
Calendrier des activités
Célébration du Nouvel An chinois, janvier
Festival Accès Asie de Montréal, mai
Festival de cinéma Fantasia, juillet
Festival international de courses de bateaux-dragons de Montréal, juillet
Magie des lanternes au Jardin de Chine (Jardin botanique de Montréal), octobre 2008
ÉCONOMIE
L’an dernier, la journaliste américaine Sara Bongiorni a raconté dans un livre son expérience : vivre un an sans Made in China (A Year Without « Made in China » : One Family’s True Life Adventure in the Global Economy, Wiley). Mission impossible, conclut-elle. La Chine nourrit notre hyperconsommation. Wal-Mart (qui a sa centrale d’achats internationaux à Shanghai) et les Dollarama n’existeraient pas sans elle.
Au Québec, la concurrence chinoise est souvent rentable pour le consommateur. Par exemple, la production en Chine d’appareils électroniques avec une marge bénéficiaire minime a mis cet équipement à la portée des petits budgets. On produit même des lecteurs DVD et des ordinateurs… sous la barre des 100 $.
Ce pays au décollage presque vertical s’est hissé en 2007 sur le podium des grandes puissances économiques mondiales, raflant le troisième rang à l’Allemagne. « On peut prévoir que d’ici 10 à 20 ans, la Chine dépasse les États-Unis et le Japon, dit Loïc Tassé, chargé de cours en sciences politiques à l’Université de Montréal et spécialiste de l’Asie. La Chine développe aussi les secteurs de la pharmaceutique, de l’aéronautique et de la haute technologie. Dans quelques années, cela pourrait faire très mal à nos propres exportations… et elle se lance également dans le secteur des services et des assurances. »
Immigration asiatique au Québec
• Le tiers des immigrants admis au Québec entre 2001 et 2005 venaient d’Asie et la Chine se classe au premier rang.
• Près du tiers des Chinois nés à l’étranger ou au Canada avaient une formation universitaire en 2001, soit près du double du taux de 18 % observé pour l’ensemble de la population.
• Jean Chen souligne que la répartition géographique chinoise dans la métropole se fait souvent par métiers : « Les chimistes et les pharmaciens vivent surtout à Saint-Laurent, près des sociétés pharmaceutiques. Du côté de la rue Chabanel, il y a les couturières, les dépanneurs. À Brossard et à l’Île-des-Sœurs, on trouve les Chinois des classes plus aisées. »
• Dans son plan d’action 2008, le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec prévoit l’accueil de 6500 gens d’affaires, en majorité asiatiques en raison d’« une forte offre d’immigration » dans cette partie du monde.
SANTÉ
Les Asiatiques ont une approche holistique de la santé, où le corps et l’esprit s’influencent l’un l’autre.
Alimentation
Restaurants asiatiques et surtout comptoirs à sushis ont poussé comme des champignons au Québec. Jean Chen, originaire de Shanghai et professeur de cuisine chinoise à l’Académie culinaire, a constaté une évolution : « La cuisine de Sichuan (très épicée, célèbre pour le tofu aux épices et le poulet impérial) a supplanté la Cantonaise (appréciée pour les dim sun, le poulet croustillant et les côtes levées). Par contre, comme elle a été adaptée aux palais occidentaux, elle a perdu un peu de son authenticité. »
Les gens apprennent à cuisiner au wok et, dans l’espoir de se garantir une bonne forme physique, copient le régime Okinawa (végétaux, poisson, riz), une petite île du Japon où il y a beaucoup de centenaires. « Quand j’ai commencé à enseigner, en 1978, c’était tout un tralala de trouver des ingrédients frais ici, dit Jean Chen. Aujourd’hui, les légumes chinois sont cultivés à Saint-Hyacinthe. Le champignon shiitake, le poulet à viande noire et le canard viennent d’ici et tous les supermarchés ont leur rayon asiatique. »
Médecines douces
Elles se fondent sur des pratiques millénaires. La pharmacopée chinoise, à base de plantes, a ses adeptes ici (vérifiez les recommandations de Santé Canada, car elle peut comporter des risques pour la santé), ainsi que la médecine indienne ayurvédique, méthode holistique basée sur le type individuel de constitution. L’acupuncture est désormais reconnue par le système de santé (mais pas encore remboursée).
Exercice
Difficile de trouver un centre sportif sans cours de yoga ou de tai-chi ! « Les gens nous voient pratiquer dans les parcs, dit Yao-Chih Lu, instructrice à la Société de Tai Chi taoïste. Ils viennent prendre des cours par curiosité et découvrent que c’est excellent pour la posture et la relaxation. Mais c’est très exigeant ! »
Les arts martiaux se multiplient, du judo (où le champion québécois Nicolas Gill s’est bâti une réputation internationale) au karaté, en passant par la boxe thaï et le Kung fu. On trouve aussi des ateliers de Qi Gong (gymnastique chinoise taoïste basée sur le travail du souffle), auquel on prête des vertus pour traiter l’hypertension et même la toxicomanie.
Spiritualité
Le vide religieux actuel a créé un intérêt pour le bouddhisme sous sa forme zen, un mot devenu synonyme de sérénité. La spiritualité sans le dogme…
Situé au bord de la rivière des Prairies, le Centre Zen de Montréal compte 220 adeptes. Selon son fondateur, le Dr Low, « ils vont à la quête d’une nouvelle façon de se percevoir, de percevoir le monde. Le zen n’est ni une philosophie ni une doctrine théologique. Bien des gens pratiquent la méditation à cause de ses effets bénéfiques sur la concentration. » La pensée taoïste voit l’homme uni au cosmos à travers le souffle, tandis que notre vision est beaucoup plus individualiste. Mais il y a eu de nombreuses influences mutuelles. Qui sait aujourd’hui que le rosaire de nos grands-mères est d’origine indienne ?
La Chine, c’est….
• 4 600 ans d’histoire
• 5 fuseaux horaires
• 1,3 milliard d’habitants
• 221 millions de connexions Internet (premier rang mondial)
• 42 millions de blogueurs
• 574 millions d’utilisateurs de cellulaires
• Une croissance record de 11,1 % en 2006
• Près de 40 millions de voitures individuelles
Quelques préjugés envers la Chine à nuancer
• La Chine nous vend des produits dangereux.
« Sur le nombre de ses exportations, dit Loïc Tassé, soit bientôt 10 % du volume mondial, il n’y a pas eu tant de cas négatifs. » En 2006, environ 430 produits chinois ont été retirés du marché au Canada par sécurité. Le gouvernement chinois resserre toutefois les contrôles de qualité. En 2001, la Chine a adhéré aux normes de l’Organisation mondiale du commerce.
• La Chine n’innove pas, elle copie.
En ce qui concerne la contrefaçon (qui sévit aussi à Hongkong et à Taïwan), la Chine tente d’améliorer la situation en inscrivant des sanctions dans son code pénal. Sur le plan de l’innovation, avec un million de chercheurs en recherche et développement, on peut s’attendre à une croissance en flèche dans ce domaine. L’exposition universelle de Shanghai, l’« Olympiade économique », qui aura lieu en 2010, devrait fournir une vitrine planétaire.
• La Chine est le principal pollueur de la planète.
La pollution urbaine causerait 750 000 morts prématurées par an. Cependant, la Chine innove de manière spectaculaire avec la construction de Dongtan, une ville « vertwee », entièrement autosuffisante sur le plan énergétique. Un superministère de l’Environnement a été créé et 400 villes de ce genre devraient être construites dans les prochaines décennies.
LES MOTS VENUS DE L’ASIE
La plupart des mots asiatiques utilisés ici couramment viennent du japonais, à l’exception de ceux des religions orientales et des arts.
FENG-SHUI (art traditionnel d’aménagement de l’espace, de la maison – Chine) ;
FUTON (literie composée d’un léger matelas et d’une couette fait en coton, qu’on range dans un placard pendant la journée – Ici, le mot sert à définir un genre de canapé-lit qui n’a rien à voir avec le futon utilisé au Japon) ;
GEISHA (courtisane – femme adonnée aux arts d’agrément – Japon) ;
GO (jeu de société – Chine)
GURU ou GOUROU (maître spirituel, maître à penser – Inde) ;
KAMIKASE (littéralement « vent divin » – analogie avec le typhon qui repoussa une invasion mongole au XIIIe siècle – pilotes d’un avion-suicide pendant la Deuxième Guerre mondiale (guerre du Pacifique) – Japon) ;
MANGA (bandes dessinées – Japon) ;
MISO (pâte de soya, de blé ou de riz à laquelle on ajoute du sel, de la sauce soya et un ferment. Utilisée pour préparer des soupes et des condiments – Japon) ;
ORIGAMI (art de plier le papier – Japon) ;
SAKE (alcool de riz – Japon) ;
SAMOURAÏ (guerrier ou chevalier au service du shogun – Japon) ;
SHOGUN (chef militaire et politique à l’époque féodale – Japon) ;
SOYA (légumineuse voisine du haricot qu’on utilise pour la sauce, le lait, les pâtes et la margarine – Japon) ;
SUDOKU (casse-tête – Japon) ;
SUSHI (boulette de riz recouverte d’une tranche de poisson cru ou de légume et parfois enrobée d’algue marine – Japon) ;
TATAMI (cadre de bois tendu d’une natte matelassée qui recouvre le plancher de la maison – Japon) ;
TOFU (lait caillé de soya qui, une fois raffermi prend différentes textures. Vendu sous forme de pain – Japon) ;
TSUNAMI (raz-de-marée provoqué par un tremblement de terre ou une éruption volcanique – Pacifique) ;
UDON (nouilles de farine de blé – Japon) ;
WASABI (tubercule qui une fois râpée est utilisé comme condiment surtout pour relever la saveur des sushis – Quoique très différent par la forme, la couleur et le goût, il est comparé au raifort – Japon) ;
WOK (ustensile de cuisine semblable à une casserole, mais en forme de demi-lune ou de demi-cercle – Chine) ;
ZEN (variante du bouddhisme – tradition chinoise, indienne, japonaise – les Asiatiques le voient comme une « esthétique, un moyen libératoire » et non comme une religion, une philosophie, une psychologie).