Léa & Louise

Léa rencontre Nathalie Petrowski

Une discussion charmante avec la grande baveuse.

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On s’est donné rendez-vous dans un bistro à deux pas de La Presse. À peine attablée, Nathalie s’emporte sur le concept télé de cage de plexiglas. Je me serais attendue à une femme intimidante. Au contraire. J’ai partagé un chouette moment avec une charmante personne, plutôt douce et très drôle. Portrait d’une discussion l’autre midi à l’heure du lunch.

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Comment êtes-vous devenue journaliste?
Au départ, j’ai étudié en cinéma à Concordia. J’ai réalisé des courts-métrages et la dernière année de mon université, j’ai été engagée au Journal de Montréal. À l’été 1975, j’ai débuté ma carrière comme journaliste culturel. Ça fait près de quarante ans. Je n’ai pas de regret.

Pourquoi avez-vous décidé de créer?
L’une des qualités que je vénère, c’est l’indépendance d’esprit et financière. Je ne veux jamais dépendre de quelqu’un au point où cela me paralyse. Même si j’étais dans des journaux syndiqués, je me disais que je ne pourrais pas juste faire cela. Je désirais avoir des soupapes. Assez vite, j’ai écrit un premier roman. Il y avait le journalisme, mais j’avais besoin d’autre chose. J’ai écrit deux romans. Mon intérêt pour le cinéma m’a rattrapée à travers la scénarisation.

Ma mère écrivait. Je me disais que j’allais écrire moi aussi. C’est ce que je fais maintenant.

Est-ce qu’on se tanne d’être baveuse?
On peut être baveuse de façon un peu inconsciente ce qui est dans mon tempérament. Des fois, on prend une vengeance envers la vie. Habituellement, je suis baveuse avec les machos qui dépassent les bornes.

Qui sont vos modèles?

Denise Filiatrault m’inspire beaucoup. C’est une femme créatrice qui s’est réinventée au fil des années. Elle occupait un rôle de subalterne pour ensuite s’imposer et devenir metteur en scène. Elle a su s’affirmer. Je trouve que c’est une superbe trajectoire, réussie. Elle a 80 ans passés, une énergie diabolique.

J’adore également Nancy Huston. Cela n’a rien à avoir avec la femme, que je ne connais pas. Cela a tout à voir avec ce qu’elle écrit. Si j’avais eu à être écrivain, j’aurais voulu écrire comme elle. C’est une féministe qui n’est pas doctrinaire.

J’admire aussi les femmes qui prennent leur vie en main, les femmes de caractère.

Quel terme vous caractérise le mieux?
Énergie… atomique? Mais, ça s’est calmé un peu. Je ne le savais pas. Je l’ai su quand j’ai rencontré Jean-Claude Lauzon qui avait ce trait de caractère. Autrement, la vie serait ben plate.

Vous aimez vous chicaner?
J’aime débattre avec passion. Parfois, les gens pensent que je suis fâchée. Mais, je ne suis pas fâchée! Je suis simplement passionnée par le sujet… j’avoue que je m’embrase parfois.

Votre talon d’Achille?
La culpabilité. Je me sens tout le temps coupable.

Ah oui? Ce n’est pas l’image que je me fais de vous.
Mes cours formateurs viennent des Jésuites. J’ai ce côté judéo-chrétien. La culpabilité est dans mon ADN. Je sais que souvent, je ne devrais pas.

Comme s’excuser dans des textes? (Dis-je avec un sourire)
Rires. Moins que vous!

Ce qui vous révolte?
L’injustice, l’imbécilité, les gens qui massacrent le français. L’écart grandissant entre les riches et les pauvres. Le sort qu’on réserve aux aînés. Et le sort que les aînés se réservent à eux-mêmes. J’ai des parents qui sont totalement autonomes. Ça m’inspire. La vie est courte. Peut-on essayer de la vivre intensément?

Avez-vous peur de mourir?
Oui, depuis l’âge de cinq ans. J’ai peur de disparaître. La disparition m’effraie profondément. L’absence d’une personne m’inquiète. Quand j’étais enfant, c’était quelque chose qui m’angoissait. J’essaie de ne pas penser à cela.

Croyez-vous en Dieu?
Le barbu? Non. Je ne crois pas qu’il y ait quelque chose après la vie.

Pensez-vous qu’il existe une date de péremption au féminin?
Les femmes cessent de séduire après un certain temps, oui. Mais, toutes les femmes ne sont pas obnubilées par la séduction. Personnellement, je n’ai jamais voulu charmer même si je n’étais pas un pichou. Je ne m’aimais pas. Je refusais de voir des photos de moi. Aujourd’hui, je me dis que j’aurais pu en profiter davantage.

J’avais envie de séduire par l’intelligence. Je préfère la pensée plutôt que l’image.

Vous êtes sapiosexuelle?
Comment?

Vous êtes attirée par l’intelligence des autres?
Rires. Oui! Un beau gars un peu stupide, ça ne me séduit pas! Je n’aime pas les bellâtres.

Ce qui vous donne espoir?
Les générations qui s’en viennent. Les jeunes intelligents qui s’expriment et qui sont créatifs.

Vous ne nous trouvez pas cons?
Non, pas du tout.

Qu’est-ce que la beauté?
La nature, le fleuve Saint-Laurent, l’art. Chez les êtres humains, la beauté est quelque chose de très changeant. Les humains qui sont plastiquement beaux nous apparaissent de moins en moins beaux à force de les côtoyer. Et, a contrario, plus on passe du temps avec des moches, plus on les trouve beaux. La beauté, c’est aussi l’éclat dans un regard.

La féminité, c’est quoi?
C’est un état de grâce. C’est une délicatesse, une sorte d’élégance que j’admire beaucoup et que je n’ai pas. Il y a peut-être des hommes qui ont cela aussi. À mes yeux, Charlotte Le Bon et Anne-Marie Cadieux incarnent la féminité.

Qu’est-ce qui vous inspire?
La société dans laquelle je vis que j’observe et que je tente de comprendre. Parfois, cette société me donne espoir. Parfois, elle me désespère. Je ne suis pas née ici, mais j’ai vécu ici et je vais mourir ici. C’est le monde dans lequel je vis qui m’alimente.

Qu’est-ce que vous avez envie de léguer aux nouvelles générations de filles? 

La parole. J’ai envie de leur transmettre le goût de s’exprimer, l’indépendance d’esprit… le courage de leurs convictions même si elles sont parfois à contre-courant. Je leur souhaite de ne pas se laisser écraser par le consensus. Le consensus est lourd à porter. J’ai envie de leur léguer le goût de s’assumer. Les femmes se sentent constamment coupables. Il faut apprendre à prendre sa place.

Votre plus grand rêve?
À mon âge? Je ne sais pas. J’ai des petits rêves de voyages, de rencontres, d’écriture, d’être bien avec mes proches. Mais, un grand rêve? Non, je ne vois pas. Quand on vieillit, on se détache des grands rêves sans tomber dans le cynisme et la désillusion. Sauf que je ne suis pas cynique même si j’ai un sens de l’humour abrasif. Je suis foncièrement optimiste et plutôt positive.

Qu’est-ce que vous a transmis votre mère?
L’amour de son travail, du métier.

La maternité vous a-t-elle transformée?
Elle m’a adoucie. Ça m’a sortie de mon nombril, de mes angoisses existentielles. Maintenant, j’ai des angoisses existentielles pour mon fils.

La question de ma mère : comment envisagez-vous la vieillesse?
C’est sûr que la mort de mes parents me fait craindre. Les deuils à venir seront difficiles. Mais, j’aspire à vieillir sereinement. Je veux voyager, écrire et passer du temps avec ma famille. Je veux vieillir toujours aussi amoureuse de mon chum.

Êtes-vous romantique?
Mon chum vous dirait que non. Je vous dirais que je suis une romantique pudique.

Quels défis vous attendent?
La scénarisation a pris toute la place. J’ai arrêté d’écrire des livres. Quand j’ai publié Portraits retouchés, ça m’a donné le goût de travailler un roman à nouveau. J’ai postulé dans une résidence à Banff sans trop y croire. Et je l’ai eue. Je pars six semaines écrire l’an prochain. C’est une façon de me peinturer dans le coin. Je vais m’enfermer dans une cabane d’écrivain, seule, en hiver. Sans mon chum ou mon fils. Je viens de déposer un scénario et je commence à en écrire un autre.

J’ai comme eu une fringale de faire autre chose. Je me pousse à fond.

Merci Nathalie Petrowski.
Merci Léa Clermont-Dion.

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