Entrevues

Rencontre avec Jessica Valenti, féministe engagée et bonne vivante

À 36 ans, Jessica Valenti est une écrivaine, féministe et blogueuse américaine engagée. Ce qui ne l’empêche pas d’adorer la cuisine ou d’afficher ses photos de mariage! Rencontre avec une fille qui ne craint pas de déranger.

Jessica-Valenti

Jessica Valenti (Photo: Andrew Testa / eyevine)

Je suis depuis longtemps une fan inconditionnelle de l’auteure féministe new-yorkaise Jessica Valenti. Je ne sais plus comment ça a commencé. Probablement à la sortie du livre The Purity Myth, dans lequel elle s’attaquait à la droite religieuse américaine hyper conservatrice obsédée par la virginité. Ou peut-être grâce à feministing.com, le blogue qu’elle a créé en 2004, alors que ce type de plateforme en était à ses débuts : moderne et révolutionnaire pour l’époque ! Je l’ai souvent interviewée sur des sujets d’actualité américaine et elle se montre toujours disponible, drôle, même si elle est très sollicitée.

Âgée d’à peine 36 ans, mère d’une fillette de 5 ans, elle a apporté une bouffée d’air frais au mouvement féministe américain en s’intéressant à la sexualité comme à la techno. Elle a fait des gestes perçus comme pas « politiquement corrects » par ses pairs plus radicales, plus traditionnelles, comme afficher ses photos de mariage sur Internet. Une féministe ! Impossible ! Ça ne l’a pas empêchée de publier ensuite Why Have Kids?, un livre-choc sur l’hypocrisie de la culture américaine, profamille dans son discours mais anti-familles et anti-mères dans ses mesures sociales.

J’adore aussi le fait que Jessica affirme, dans sa biographie officielle sur Twitter, être une « grosse mangeuse ». Ça énerve tous ceux qui croient qu’on ne peut s’intéresser autant à la cuisine qu’à la politique. Et ça déplaît aussi à ceux qui pensent que la gourmandise est une faute inavouable en cette époque de lutte obsessionnelle, aux États-Unis, contre tout ce qui n’est pas « minceur » et « santé », peu importe ce que cela signifie vraiment. Aujourd’hui, la jeune femme signe des chroniques dans The Guardian US et publie une infolettre dans laquelle elle parle à la fois de recettes, de politique et de culture populaire – toujours avec son regard féministe. Savoureux.

Que faites-vous pour vous sentir belle ?Parfum-Jo-Malone
Je devrais sans doute répondre quelque chose comme : « Je me sens belle quand ma fille me regarde » ou « quand je suis en train de jardiner, les deux mains dans la terre… » Mais, honnêtement, ma réponse, même si ce n’est pas féministe, est : « Avec une belle robe et du rouge à lèvres écarlate ».

Quel parfum portez-vous ?
J’ai longtemps été fidèle à Chanel No 5 parce que ça me rappelait ma mère. C’était son parfum quand j’étais enfant. Maintenant, j’aime bien Wild Bluebell Cologne, de Jo Malone. C’est estival et ça me fait oublier que je vis dans une ville qui sent souvent mauvais.

Quels sont vos personnages historiques féminins préférés ?
De vraies femmes : la journaliste afro-­américaine Ida B. Wells et la pilote d’avion Amelia Earhart. Des personnages fictifs : Anne (du roman La maison aux pignons verts), Maude Lebowski (l’artiste excentrique jouée par Julianne Moore dans le film Le grand Lebowski).

Quelle est votre personnalité politique féminine contemporaine préférée ?
Hillary Clinton, pour des raisons évidentes. Elle me fascine et j’ai hâte de voir comment va se dérouler la campagne de 2016.

Pourriez-vous vous présenter en politique un jour ?
Oh ! mon Dieu ! non ! Trop de squelettes dans le placard ! Aussi, j’aime bien exprimer le fond de ma pensée. Ce n’est pas exactement le meilleur trait de caractère pour réussir en politique.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus et le moins dans votre travail ?
J’apprécie le sentiment de changer les choses, d’avoir de l’impact, d’aider la cause. Mais je déteste la violence verbale qui accompagne cela. J’aimerais me réveiller un matin sans avoir de messages me traitant de « connasse » dans ma boîte courriel.

Tacos

Photo : Pavel Gramatikov / Stocksy

Si vous pouviez changer de métier, que feriez-vous?
Je serais chef. J’adore cuisiner et je commence à écrire sur ce sujet. En fait, il serait sans doute plus réaliste pour moi d’envisager de devenir journaliste culinaire ! Ce serait chouette de pouvoir m’échapper des horreurs du sexisme et de la misogynie pour rédiger tout simplement des textes sur les pâtes.

Si vous êtes seule à la maison, que cuisinez-vous pour vous faire plaisir ?
Je ne prépare jamais rien pour moi toute seule. J’ai été élevée dans une famille italo-américaine et je suis habituée aux portions gigantesques. Quand je suis seule, je me commande des tacos et la plus grande portion possible de guacamole, avec beaucoup de crème sure.

Quel est votre apéritif, cocktail ou vin préféré ?
Mon mari concocte des Manhattan du tonnerre, mais j’aime aussi beaucoup les vins Porter Creek, un petit vignoble de Californie. La salle de dégustation est installée dans une remise et on a construit la table avec le bois d’une allée de quilles. C’est une entreprise familiale et ses vins sont délicieux.

Quel serait le petit-déjeuner idéal ?
Du café. Je ne prends presque jamais de petit-déjeuner. À moins qu’il y ait des biscottis pas loin.

Que pensez-vous des régimes ?
Je n’en fais jamais.

Si vous pouviez déménager dans n’importe quelle ville, ce serait où ?
Probablement à La Nouvelle-Orléans. Cette ville est spéciale – de la cuisine à la musique à la culture. Je nous imagine très bien y prendre notre retraite, mon mari et moi.

Nouvelle-Orleans

Photo: istock by Getty Images

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans la maternité ? Le moins ?
Je suis fascinée par l’enthousiasme de ma fille face à la vie, que ce soit devant un insecte ou un biscuit. Tout est FORMIDABLE pour elle et c’est fantastique d’être témoin de cet émerveillement. Mais je m’ennuie des grasses matinées. Ça fait cinq ans que je n’ai pas dormi passé 8 h. Ça me manque.

Que pensez-vous des remplisseurs, lisseurs, injections de Botox et autres interventions esthétiques ?
Plus jeune, j’avais une attitude pas mal plus dure à ce sujet. Mais ça me dérange encore de savoir que, pour être vues, les femmes doivent trafiquer leur apparence. Cela dit, ce que les gens font de leur visage, c’est leur affaire, ça ne me regarde pas.

Vous êtes plus talons hauts, baskets ou Birkenstock ?
Je possède les trois, mais ce sont les talons que je préfère !

Vous vous aimez quand vous vous regardez dans le miroir ou sur des photos ?
Dans le miroir, oui. Sur les photos, rarement.

Avez-vous un livre fétiche ?
Oui ! Je relis chaque année Cent ans de solitude, de Gabriel García Márquez. J’ai dû en acheter un nouvel exemplaire il y a quelques mois parce que le mien était en lambeaux.

Comment faites-vous pour rester si posée quand on vous attaque à la radio, à la télé ou sur les réseaux sociaux ?
Oh, mais je ne le suis pas toujours ! On m’a parfois vue en train de lever les yeux au ciel (c’est pas mal plus facile de faire des grimaces à la radio !). Pour être efficace dans les médias, la perception d’honnêteté est cruciale. Et s’exprimer avec honnêteté peut vouloir dire « avec passion ». Ce qui m’aide aussi, c’est que j’ai pas mal tout entendu. Alors, plus grand-chose ne me surprend dans ce que les conservateurs peuvent dire aux féministes.

Marie-Claude Lortie est chroniqueuse à la Presse.

À VOIR: Le féminisme, qu’ossa donne? Martine Delvaux, Noémi Mercier, Monique Simard et Aurélie Lanctôt en discutent avec Marie-Louise Arsenault.

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