Cette semaine, je suis tombée sur un phénomène que je ne connaissais pas : les feeder fetishes. En gros, les feedees sont des personnes qui retirent du plaisir sexuel à manger et à afficher des courbes corporelles très voluptueuses. Passons sous silence le fait que je me suis sentie comme une véritable matante devant cette préférence sexuelle. Chacun fait bien ce qu’il veut sous la couette même si, à force de parcourir internet, j’en suis venue à la conclusion que je suis assez traditionnelle merci.
Je suis tombée sur les feeder fetishes la même semaine où le blogue This is better than porn publiait de magnifiques photos où on peut admirer la photographe Julie Artacho dans son costume d’Ève (taille plus). Même si les photos de la série n’ont rien à voir avec le mouvement fétichiste dans je parle plus haut, je me suis dit que c’était quand même intéressant de tomber sur ces corps atypiques à quelques jours d’intervalle. En parcourant Facebook, j’ai vu que Julie avait elle aussi vu la vidéo mettant en scène les fétichistes de la bouffe et y allait d’une explication sociologique fort intéressante. Je suis certaine qu’elle ne m’en voudra pas de la citer : «Je me dis que dans une société où on nous culpabilise toujours sur la bouffe qu’on ingère, c’est comme aller chercher le plaisir dans cette sorte de libération-là, mais d’une manière vraiment grandiose. Je peux comprendre le plaisir associé à ça. En même temps, y’a plein de fétichismes qui existent et qui n’affectent pas la santé physique des gens impliqués. C’est sûr que dans ce cas-ci, je peux pas ne pas y penser et trouver ça troublant.» C’est intéressant parce que le commentaire de Julie m’a fait comprendre pourquoi le mouvement feeder fetishes et les photos publiées sur This is better than porn, même si elles sont magnifiques et importantes, m’ont un tantinet bouleversés sur le moment. C’est que je ne m’autorise pas cette liberté là. Je m’interdis de manger ce que je veux et surtout, je ne montrerais jamais mon corps obèse nu si obèse j’étais.
Quand on pense à l’obésité, on songe tout de suite aux problèmes de santé qui y sont associés. Et c’est souvent la raison qu’on se donne pour intimider et diminuer les personnes en surpoids. «Ce n’est pas bon pour ta santé», qu’on leur dit. Et on y va de nos conseils condescendants sur comment perdre du poids et se remettre en forme. Pourtant, on se tait devant une personne qui se surentraîne et/ou se sous-alimente même si les risques pour sa santé sont aussi grands. On n’oserait jamais critiquer leur mode de vie parce que la société et le discours médical le valorisent.
Parler contre les gros, c’est donc accepté socialement. Avoir une opinion sur leur corps aussi. Lorsqu’on voit des gros qui affichent leurs rondeurs sans complexe apparent et nous les projettent en pleine face, je pense qu’il faut voir au-delà du simple désir de montrer des corps différents.
D’ailleurs, j’attire votre attention sur la couverture du numéro sur les corps atypiques du magazine Jeu, où Debbie Lynch-White apparait dans toute sa magnificence. On l’a donc trouvé courageuse d’oser se montrer ainsi. Il faut s’enlever de la tête que c’est courageux de la part des personnes obèses de montrer leur corps nu. Et je crois que c’est réducteur d’associer cette photo et celles de Julie à la notion de courage. Oui, les personnes aux corps atypiques ont le courage d’affronter les jugements de la société par rapport à leur corps, mais ces personnes existent chaque jour dans le corps qu’ils ont et se faire dire que ça prend du courage pour le faire, c’est un peu insultant pour eux. Ceci dit, ça fait du bien de voir des femmes et des hommes qui osent exposer leur corps surdimensionnés. C’est selon moi une réaction saine à toute la maigreur ambiante. En montrant des corps obèses, on pose un geste militant. On dit que les gros ont le droit d’exister et qu’ils ont aussi le droit d’être bien dans leur corps, de vivre, de manger et de baiser peu importe ce que la médecine ou les ayatollahs de la minceur en pensent.