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Fawzia Koofi : du front tout le tour du voile

Son père avait sept femmes et sa mère ne savait pas lire. Elle est pourtant devenue députée et compte prendre les rênes de l’Afghanistan. Rien de moins!

Photo: Johannes Eisele/AFP/Getty Images

Photo: Johannes Eisele/AFP/Getty Images

Les temps sont durs pour les Afghanes. Le gouvernement songe à rétablir la lapidation pour punir l’adultère. Et à interdire aux femmes d’incriminer un membre de leur propre famille. Un obstacle de plus pour les victimes de violence conjugale ou de mariage forcé. En matière de droits, les Afghanes reculent. Déjà qu’elles n’étaient pas très avancées…

« L’égalité est pourtant une valeur islamique », dit Fawzia Koofi. Nous sommes assis dans le salon orné de drapeaux afghans de sa résidence de fonction à Kaboul, devant une tasse de thé digne de l’hospitalité légendaire du pays.

Cette égalité pour les femmes de son pays, Fawzia y croit tellement qu’elle s’est fixé un objectif : devenir la première présidente de l’Afghanistan. En 2019.

Chose exceptionnelle, elle a fait des études en médecine, un domaine en pratique inaccessible aux filles, avant de se tourner vers l’administration et les sciences politiques. « J’ai choisi cette route pour honorer le travail de mon père, dit-elle. Un homme fort, convaincu, qui m’a insufflé des valeurs très progressistes. » Ce dernier, politicien, a été assassiné en 1978 par les moujahidines, qui luttaient à l’époque contre les Soviétiques. Quelques années plus tard, Fawzia a perdu son mari. Emprisonné par le régime taliban au milieu des années 1990, il a succombé à la tuberculose peu après sa libération, il y a 11 ans.

Mère de deux adolescentes, Fawzia aurait pu quitter l’Afghanistan. « Nous pourrions partir pour de meilleurs cieux, en Amérique ou en Europe. Mais mes filles veulent faire leur vie ici. Et c’est mon devoir de m’assurer qu’elles le puissent. » Elle a d’ailleurs écrit deux recueils à saveur politique à leur intention, Letters to My Daughters [Lettres à mes filles] et The Favored Daughter [La fille préférée]. Et a fait le saut en politique.

À 37 ans, Fawzia Koofi est l’une des 41 députées sur les 249 que compte la Wolesi Jirga, l’Assemblée législative afghane, où elle a été élue pour la première fois en 2005.

Pour elle, les femmes ont leur place en politique, malgré le revers important qu’elle a essuyé le printemps dernier. Elle travaillait depuis des années à un projet de loi sur l’élimination des violences faites aux femmes. Il visait entre autres à punir le viol et la violence conjugale et à interdire le mariage des très jeunes filles. Déjà approuvé par décret présidentiel il y a cinq ans, mais déposé en mai 2013 pour être entériné par l’Assemblée nationale, il a été descendu en flammes en moins de 20 minutes par les parlementaires. Ce qui a valu à la députée d’être sévèrement critiquée, entre autres par les féministes afghanes, qui l’ont accusée de gaspiller des munitions précieuses dans un combat perdu d’avance.

« Tant que les mêmes vieux politiciens corrompus traîneront au Parlement, rien ne pourra changer », dit-elle, faisant référence à tous ces seigneurs des guerres passées qui se trouvent toujours investis de positions influentes au gouvernement.

Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, Fawzia Koofi ne s’est finalement pas présentée aux présidentielles qui se tiendront au mois d’avril. Un repli stratégique, assure-t-elle. « Nous devons gagner plus de soutien et peaufiner notre stratégie. Rien ne sert de nous présenter avant d’être complètement prêts. » Rendez-vous en 2019, donc. « Et ce sera une grande victoire pour l’Afghanistan », prédit-elle.

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