Fawzia Koofi, Lettres à mes filles, Michel Lafon, 330 pages
Ce récit de Fawzia Koofi, députée et présidente de l’Assemblée nationale de l’Afghanistan, est saisissant. Il s’agit d’une véritable leçon d’Histoire, de courage et de rage, mais aussi d’amour de son pays, qu’elle dédie à ses fillettes, âgées de 11 et 12 ans. Ayant appris très tôt « combien il est difficile d’être une fille en Afghanistan », Fawzia a bataillé ferme depuis l’enfance pour prendre sa place. Son père avait sept épouses, et c’est sa mère, analphabète, qui l’a poussée à aller à l’école, du jamais vu pour les filles de sa famille. Elle a grandi entre les coups d’État (son père fut assassiné), l’occupation russe, les atrocités de la guerre civile et, finalement, la terreur absolue avec l’arrivée des talibans. À 29 ans, elle fait le saut en politique, où, depuis 2005, elle milite pour que les Afghanes, « des femmes fortes, fières, intelligentes », soient considérées comme des citoyennes à part entière. Malgré les menaces de mort (elle a déjà été victime d’un attentat), elle entend se porter à la présidence de son pays, aux élections de 2014.
Janine Sutto, Vivre avec le destin, par Jean-François Lépine, Libre Expression, 392 pages
C’est à son gendre, le journaliste Jean-François Lépine (mari de sa fille Mireille Deyglun), que Janine Sutto a confié son album de souvenirs. Et quels souvenirs! La comédienne, qui fêtera ses 90 ans, le 20 avril, est intimement liée à la vie culturelle du Québec, depuis plus de sept décennies. Audacieuse, perfectionniste, Janine Sutto a participé à l’éclosion de nombreuses troupes de théâtre ainsi qu’à la naissance de la télévision, y interprétant des centaines de rôles. Parallèlement à cette vie professionnelle riche, elle a connu des « amours difficiles, secrètes », des passages à vide et des renaissances. Mère de jumelles, Mireille et Catherine, qui est trisomique, elle a gardé cette dernière à la maison jusqu’à tout récemment, la confiant à « des gardiennes fidèles et attentionnées », lui permettant de travailler sans inquiétude. Infatigable, elle s’est également impliquée dans des organismes venant en aide aux parents d’enfants handicapés.
Ma voie – Mémoires, par Barbara Hendricks, Les Arènes, 496 pages
« Malgré les difficultés et les peines, être femme, noire et pauvre a considérablement enrichi ma vie », affirme la célèbre diva dans son autobiographie imprégnée de son indépendance d’esprit et de sa force de caractère. Née en 1948, en Arkansas, Barbara Hendricks passe son enfance dans un climat de ségrégation raciale, où les « Interdit aux Negros » et « Réservé aux Blancs » sont affichés partout. Fille de pasteur, elle commence à chanter dans l’église de son père tout en brillant à l’école, notamment en sciences. Sa voix, déjà unique, est repérée par un mécène, et elle obtient une bourse de la Juilliard School de New York. Le reste appartient à la légende… Sous la direction des plus grands chefs, elle chantera sur toutes les scènes du monde, de l’opéra aux negro-spirituals, enregistrera une centaine de disques et tournera au cinéma, sans jamais oublier ses origines, sa « médaille d’honneur et sa force ». Militante, elle s’engage au HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) avant de créer la Fondation Barbara Hendricks pour la paix et la réconciliation. Aujourd’hui, elle se partage entre la Suisse, où vivent ses deux enfants adultes, et une île de la Suède, pays de son deuxième mari.
Helena Rubinstein, la femme qui inventa la beauté, par Michèle Fitoussi, Grasset, 496 pages
Le parcours fascinant d’une petite fille, née en 1872, à Cracovie, dans une famille juive orthodoxe modeste, devenue « la prêtresse de la beauté ». À 24 ans, Helena, aînée de huit sœurs, tourne le dos à un destin conventionnel et quitte sa famille pour l’Australie. Dans ses bagages, 12 petits pots de la crème de beauté fabriquée par sa mère et une détermination à toute épreuve. Cet onguent, elle va l’améliorer et le proposer aux Australiennes, qui se l’arracheront. Puis, elle va ouvrir un premier institut, suivi d’un deuxième, puis d’un troisième… Après, c’est la conquête de Londres, Paris et New York, où « Madame » règne en souveraine. Par le biais de son premier mari, Helena fréquente des intellectuels, artistes, écrivains et peintres, dont certains, Picasso, Dali, Dufy, Marie Laurencin, deviendront des amis et feront son portrait. Grâce à son goût avant-gardiste, son flair certain, elle collectionne des œuvres d’art, qui seront qualifiées de « chefs-d’œuvre sans précédent ». Bourreau de travail, elle néglige ses deux fils, ce qu’elle regrettera, à la fin de sa vie. En 1965, à 93 ans, elle meurt multimilliardaire. Lui survit la Fondation Helena Rubinstein, qui attribue chaque année des bourses « principalement destinées à l’éducation, à la santé, à la culture. […] Ma fortune provient des femmes et doit leur profiter, à elles et à leurs enfants afin que la qualité de leur vie en soit améliorée ».
Madame Chiang Kai-shek, un siècle d’histoire de la Chine, par Philippe Paquet, Gallimard, 784 pages
À l’heure où l’on célèbre le centenaire de la République de Chine (fondée en 1911 par Sun Yat-Sen, le mari de l’une des sœurs Soong), l’auteur nous invite à suivre le destin fabuleux de Mayling Soong, madame Chiang Kai-shek, à travers cette brique passionnante, que l’on dévore comme un roman. Née en 1898 dans la société bourgeoise de Shanghai, Mayling Soong fait ses études aux États-Unis, comme ses deux sœurs aînées et leur père, avant elles. En 1917, c’est une Américaine qui rentre en Chine. Elle, que sa famille appelle « le diamant étincelant de la couronne dynastique des Soong », a du mal à se réadapter. Surtout, elle hésite à se marier, « je suis une âme très indépendante », écrit-elle à une amie. Pourtant, en 1927, à 29 ans, elle épouse le généralissime Chiang Kai-shek, de 11 ans son aîné, qui deviendra président de la Chine nationaliste, puis de Taiwan. Une alliance de raison, l’amour viendra plus tard… Pendant 48 ans, elle jouera à ses côtés davantage le rôle de femme d’État que celui de première dame, l’épaulant et le conseillant, au cours des terribles bouleversements internes de la Chine et des tragédies mondiales. À la mort de son mari, en 1975, elle s’installe à New York, où elle s’éteint, en 2003, à l’âge de 105 ans. « … sans Madame Chiang, sans la fascination qu’elle exerça pendant plusieurs décennies aux États-Unis… l’histoire de la Chine en aurait été changée », conclut son biographe.