Culture

La face cachée de Marie Soleil Dion

On connaît la comédienne hilarante et l’animatrice exubérante. Mais on en sait peu sur la nature pudique de celle qu’on verra partout au cours des prochains mois. Rencontre avec une femme libre et résolument engagée.  

Marie Soleil Dion

Photo : Andréanne Gauthier

Pour Marie Soleil Dion, tout a commencé par une humiliation. À l’aube de la vingtaine, elle se pointe à une formation pour apprivoiser la caméra. Toisant l’aspirante comédienne de haut en bas, la maître de stage lui balance qu’elle ne fera jamais de télé si elle ne perd pas de poids. Puis elle en rajoute une couche : « Mais fais attention, ma cocotte : maigris pas trop, sinon t’auras plus ton casting de p’tite grosse ! » Dix-sept ans plus tard, ce mauvais souvenir la pique toujours au vif. « Heille, j’avais juste 10 livres de plus qu’aujourd’hui ! » me raconte-t-elle devant mon air médusé. N’empêche, ça l’a marquée. « Ça a troublé mon rapport à ma propre image. J’étais la bouboule ou la jeune première ? »

On le sait aujourd’hui, c’est la jeune première qui l’a emporté. La blonde solaire au regard bleu limpide et au sourire désarmant est partout cet automne. Elle joue à la télé – sur plusieurs chaînes – et au cinéma, et s’offre même une petite parenthèse dans l’univers du documentaire. Pas mal pour une fille à qui on avait prédit un maigre succès…

Je rencontre Marie Soleil entre des plants de tomates et un agile chat tigré, sur une terrasse du quartier Villeray, à Montréal. Elle a peu dormi, mais rien n’y paraît. Elle affiche une douceur qu’on lui connaît peu à l’écran. Même sa voix de monitrice de camp de jour survoltée est plus posée que d’habitude. Craquante dans un chemisier et un jean qui révèlent sa silhouette tonique, elle retire tout naturellement ses baskets et s’assoit en tailleur sur le canapé.

Le ton est donné. Pour la vedette chérie du grand public, cet entretien ressemble à une pause dans le tourbillon de ses tournages et l’entrée à la maternelle de Léon, son plus précieux trésor. « Je ne m’appartiens plus. C’est fou ! Je pense que c’est mon année ! » se réjouit l’artiste et maman débordée.

Marie Soleil Dion

Photo : Andréanne Gauthier

Tout Noovo, tout beau

Nouvelle tête d’affiche de Noovo, Marie Soleil Dion a pratiquement fait de cette chaîne télé son deuxième chez-soi. Cet automne, elle passe avec aisance de la comédie Contre-offre, où elle campe pour la quatrième saison la fonceuse courtière immobilière Christine Lévesque, aux émissions de divertissement La guerre des fans et Plus ou moins misérable.

Dans un tout autre registre, elle y reprendra le flambeau de la populaire téléréalité L’amour est dans le pré, qui sera diffusée à compter de janvier 2024. Marie Soleil sait qu’elle est très attendue par les fans de l’émission où cinq agriculteurs et agricultrices rêvent de trouver l’amour. Mais qu’on ne s’y trompe pas : celle qui assure la relève de l’humoriste Katherine Levac – sa bonne copine avec qui elle s’est éclatée dans l’émission à sketchs Like-moi – entend bien apporter sa propre couleur à l’animation.

« Je vise l’authenticité : c’est ce qui m’a séduite dès le premier épisode, en 2011. On y voit des personnes vraies et sincères, en quête du grand amour. Ça me touche. Et avec la crise climatique qui frappe si durement les agriculteurs, je veux les mettre en lumière et les aider à trouver l’âme sœur qui prendra le relais sur le tracteur ! »

La 12saison de la série rurale fait de nouveau place à la diversité des genres, à tous les types de silhouettes et à toutes les groupes d’âge. Ce qui ravit la future meneuse de troupes : « Si on veut que la télé survive, il faut faire en sorte que les gens s’y reconnaissent. Sinon, tranche-t-elle, ils s’en désintéresseront et iront voir ailleurs. »

Marie Soleil Dion

Photo : Andréanne Gauthier

Une comédienne engagée

On le sent, l’engagement pour une société plus juste et équitable n’est jamais loin chez Marie Soleil Dion. Quitte à surgir là où on ne l’attendait pas : plus tôt cette année, elle a troqué son chapeau d’actrice comique contre celui de militante, en scénarisant et animant le documentaire Les héritières, qui souligne le 50anniversaire du Conseil du statut de la femme. « Cette belle aventure et ce devoir de mémoire m’ont permis de rencontrer des battantes remarquables et plurielles. Elles héritent aujourd’hui de toutes les avancées des pionnières auxquelles on doit beaucoup », explique la féministe assumée, encore grisée par l’expérience.

Marie Soleil sera aussi de la distribution de FEM (abréviation du mot « féminin », prononcé « faime »), un drame musical dans lequel Zav, un musicien de 16 ans (Lenni-Kim Lalande), s’interroge sur son identité de genre. Elle y incarnera Kim, sa mère bienveillante et dépassée. « Elle aime Zav inconditionnellement. Mais comme il lui manque des clés pour le comprendre, elle multiplie les maladresses… »

Ce rôle tout en nuances, elle l’a accueilli les bras et le cœur grands ouverts. « Ça m’a fait du bien de jouer des scènes plus dramatiques », avoue l’habituée du genre comique. « Oui, la série peut choquer, mais j’espère qu’elle suscitera aussi des questionnements. » Car à ses yeux, la fiction doit servir à quelque chose. Comment y arriver ? « En créant un attachement si fort aux personnages qu’elle fait réfléchir et change les mentalités », fait valoir l’alliée de la communauté LGBTQ+, pour laquelle elle craint des reculs sociaux. La série, signée Marianne Farley d’après une idée originale de Maxime Beauchamp, un artiste franco-ontarien, sera diffusée cet hiver sur Unis TV.

Marie Soleil Dion

Photo : Andréanne Gauthier

Le jeu et rien d’autre

Que sait-on de Marie Soleil Dion ? Peu de choses, à vrai dire. Sinon qu’elle est fille unique de parents qui ont tous deux fait carrière dans le monde de l’enseignement. Des parents qu’elle vénère, d’ailleurs, pour leur foi en l’éducation et en la culture québécoise. Marie Soleil a grandi à Charlesbourg, arrondissement verdoyant en banlieue de Québec. Toute petite, elle brille déjà par son sens de la répartie. « J’ai toujours été show-off ! lance-t-elle spontanément. Petite, je disais tout le temps “Papa, papa, filme-moi ! filme-moi !” pour être de toutes les vidéos de famille. »

Cette soif d’attention l’entraînera à faire de l’improvisation dès l’école primaire… jusqu’à la trentaine, notamment au sein de la LNI, où elle est sacrée Recrue de l’année en 2009. « Je dois beaucoup à l’improvisation. Ça t’apprend à faire équipe, à oser, à te planter. Ça te donne aussi de grandes leçons d’humilité : un jour, t’es l’étoile du match, et le lendemain, t’es poche. C’est la vie et on s’en remet ! » scande celle qui, très jeune, se voyait déjà devenir « une artiste » – et rien d’autre. Elle l’avait écrit noir sur blanc dans l’album de sa classe de… maternelle. Le destin lui a donné raison. À 19 ans, elle entrait au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Et si elle n’y avait pas été acceptée ? « Je me serais réessayée l’année d’après ! »

Et sa carrière a vite pris son envol. En 15 ans de métier, on l’a vue attachante dans L’échappée, désopilante dans La théorie du K.O., Caméra café et Like-moi, animatrice entraînante dans Lip Sync Battle : Face à face et C’est humain, puis collaboratrice distrayante dans La semaine des 4 Julie . Et quoi encore ? Lauréate de deux Gémeaux pour son jeu déjanté dans Like-moi , elle fait aussi une incursion au cinéma cet automne. On peut la voir dans Testament, dernier opus de Denys Arcand. J’ai soudain une pensée pour une certaine maître de stage…

Celle qui veut tout

On la croit fille de gang, elle est plutôt « discrète et assez solitaire ». On l’imagine fille de party ? Erreur. « Oui, je suis pétillante et chaleureuse, mais une fois le tournage terminé, ce n’est pas moi qui fais rire le monde quand on va prendre une bière. J’ai un grand besoin d’air. Et j’ai une bulle immense, confie-t-elle. Je peux aller très mal sans que personne le sache. »

L’aveu est candide. J’en suis bouche bée. Ça explique sans doute sa nature entière et fidèle en amitié. Ses vrais amis, le plus souvent d’enfance, se comptent sur les doigts d’une main. Ce qui ne l’empêche pas de remplir souvent sa maison de gens qu’elle « aime profondément ». Elle pense tout particulièrement au dramaturge, metteur en scène et comédien Steve Gagnon, dont elle a eu le plaisir de jouer dans trois pièces.

Ah oui, et Marie Soleil est allergique aux potins. Tournant résolument le dos à l’enfant show-off qu’elle était, elle déteste désormais être le centre d’attention. Car non, son aura « telllllement intéressante » de comédienne ne devrait pas éclipser celle des autres. « Il y a des rôles beaucoup plus essentiels que le mien, comme celui des profs », souligne-t-elle.

Esprit libre à la curiosité insatiable, sans cesse partante pour faire rire, réagir ou émouvoir, la créatrice carbure à être tout et son contraire. N’est-elle jamais satisfaite ? « Je ne sais pas si je réussis à l’être vraiment. Je suis une sorte d’Emma Bovary, mais en plus conquérante, lâche-t-elle, sourire en coin. J’en veux plus, tout le temps ! » Elle admet d’ailleurs avoir été une maman « très, très intense de 33 ans », capable de texter son chum « 26 fois par jour » pour s’assurer que Léon, leur fils, alors tout petit, allait bien. « Mais je m’améliore ! » assure-t-elle.

D’où lui vient cet appétit dévorant ? « De moi seule ! Je me suis toujours mis de la pression pour me dépasser. » Une pression qui a atteint son paroxysme à la fin du secondaire.

Première de classe au Programme d’éducation internationale, elle devient capitaine de la troupe d’improvisation de son école, fait du théâtre, s’implique dans Amnistie internationale en plus de « jouer au magasin » comme vendeuse chez Simons, le week-end. La jeune fille ambitieuse à la redoutable efficacité ne s’arrête jamais. Jusqu’à ce qu’elle craque. Une dépression dont elle a parlé ouvertement sur plusieurs tribunes, ce qui lui a valu d’être porte-parole, puis ambassadrice de la Journée Bell Cause pour la cause.

Cela dit, celle qui s’avoue « heureuse et anxieuse » à la fois n’a rien perdu de son énergie débordante. Elle a seulement appris à ralentir dans les tournants.

Marie Soleil Dion a l’indignation facile. « Ça a toujours fait partie de moi. L’injustice et l’intolérance sous toutes ses formes me choquent ! » Si bien qu’elle a souhaité mettre à profit sa popularité grandissante pour s’exprimer ouvertement sur les enjeux sociaux qui la préoccupent. Le résultat ? Elle est la porte-parole de la Course pour les enfants RBC au profit de la Fondation CHU Sainte-Justine. Un événement qui la touche de près puisque Léon, né il y a bientôt six ans avec un seul rein fonctionnel, bénéficie de soins spécialisés à cet hôpital. « Il va super bien ! Il ne peut pas pratiquer de sports violents pour ne pas risquer de recevoir de coup au dos. Mais la vie est bien faite : mon fils a une âme d’artiste ! »

Marie Soleil est aussi la porte-parole d’ÉquiLibre, un organisme qui prône l’image corporelle positive. Sa mission : contribuer à nous affranchir, entre autres, de notre dépendance toxique aux réseaux sociaux. « On scroll , on se compare aux autres, on tente de ressembler à quelque chose qui n’existe même pas ! On est tous et toutes pognés là-dedans ! » s’insurge-t-elle.

À la fin de la trentaine, a-t-elle encore tendance à se comparer aux autres ? « Je me trouve plus intéressante aujourd’hui qu’à 20 ans. Je suis plus en paix, moins dans le désir de plaire. Je pile moins sur mes idées et mon cœur. Et puis, je veux faire plus de choses qui donnent un sens à ma vie. Ça n’enlève rien à mon envie de divertir les gens, mais j’ai besoin de me sentir utile. De participer à quelque chose de plus grand que moi. » Une façon bien à elle de se libérer du poids des apparences.

Le Noël de Marie Soleil

La comédienne ne s’en cache pas, elle est folle du temps des Fêtes, dont les préparatifs s’amorcent dès la mi-novembre, quelques jours après l’anniversaire de son petit Léon. « D’ailleurs, son prénom se lit Noël à l’envers ! » rigole-t-elle.

Sa liste d’écoute

Les listes d’écoute tournent en boucle jusqu’au début janvier. Ses classiques ? « Je tripe sur tous les albums de Noël d’Elvis Presley et de Maryse Letarte, ainsi que sur les chansons d’Elliot Maginot, que j’adore ! »

Son endroit pour célébrer

Chez elle, près de l’imposant foyer en pierres des champs, avec ses amis et sa famille. « On chante, on danse, on sort les jeux de société, on profite du temps qui passe. La maison est encore plus magique pendant les réjouissances. »

À lire aussi : Marie Soleil Dion : les coulisses de notre séance photo

 

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