Culture

Laucolo, l’illustratrice écolo, dessine fruits et légumes de nos jardins

Laurence Deschamps-Léger dessine les fruits et légumes locaux avec simplicité et finesse. Grâce à elle, ils s’affichent sous leur meilleur jour toute l’année. portrait d’une artiste aussi craquante que ses illustrations.

illustrations laucolo

Illustrations: Laurence Deschamps-Léger

Rarement a-t-on évoqué avec une telle tendresse la coupe transversale d’un chou rouge. « Ses formes complexes sont presque psychédéliques, c’est vraiment magnifique », s’enthousiasme Laurence Deschamps-Léger. Elle pointe du doigt, sur son cahier de recettes, la jolie sphère aux lignes zébrées dont elle a fait sa signature, juste au-dessus de son nom d’artiste, « Laucolo ».

Les végétaux qui décorent ses créations sont aussi mignons qu’elle. Avec sa tresse posée sur l’épaule, l’artiste de 32 ans est désarmante de naturel et de spontanéité.

Une passion dévorante

« J’ai une grande capacité pour l’émerveillement », confie Laurence en racontant comment elle a commencé à dessiner des fruits et légumes sans se douter qu’elle en ferait un jour une carrière. C’était en 2014, alors qu’elle travaillait comme chargée de projets aux Fermes Lufa, une entreprise agricole et technologique réputée pour avoir érigé la première serre commerciale du monde sur un toit d’immeuble. 

« On venait de recevoir 22 variétés de tomates différentes à l’occasion d’une journée portes ouvertes. Je ne savais même pas qu’il en existait autant! J’ai décidé de les dessiner sur un grand tableau pour montrer aux clients cette incroyable biodiversité. Tout a débuté comme ça… »

Aujourd’hui, Laucolo (pour « Laurence colorie ») crée des affiches, des calendriers et des carnets de recettes offerts dans sa boutique en ligne ainsi que dans plusieurs points de vente au Québec. Elle travaille aussi pour différents clients, et ses images décorent des sacs réutilisables, des livres de recettes ou des pages de magazine (elle a même dessiné pour Châtelaine!).

Éduquer, aussi

Laurence Deschamps-Léger n’est pas du genre à peindre des couchers de soleil pour les accrocher dans son salon. 

Pour elle, le dessin est avant tout un moyen de communiquer, à mi-chemin entre l’art et la vulgarisation scientifique. « Je dessine parce que j’ai envie d’expliquer quelque chose. Cela me permet de mettre mes idées en vie », lâche-t-elle.

C’est la raison pour laquelle, quand elle travaille sur un projet, la recherche l’allume tout autant que la création. « Je tiens à la rigueur. L’objectif n’est pas que mes plantes soient belles ou sans défauts, mais qu’elles ressemblent à la réalité. »

N’empêche, les illustrations de Laucolo sont fort décoratives. « Je peins surtout à l’aquarelle, le médium idéal pour capter la rondeur organique des plantes et des aliments. C’est magique de voir les pigments se promener dans l’eau et être absorbés par le papier. Ça a un côté imprévisible », explique celle dont les grands yeux bleu-vert semblent avoir été coloriés au pinceau.

Ni la botanique, ni l’amour du jardinage, ni même des études en arts n’ont conduit Laurence Deschamps-Léger vers l’illustration agroalimentaire. C’est son intérêt pour l’alimentation qui l’anime. Laurence a étudié en développement international à l’Université McGill avant de s’envoler pour Genève en 2009, où elle a obtenu une maîtrise au prestigieux Institut de hautes études internationales et du développement. « Je voulais comprendre les grands enjeux mondiaux, et je me suis rapidement rendue à l’évidence que l’accès à la terre, la sécurité alimentaire et, d’une manière générale, l’agroalimentaire représentaient une constante dans les problèmes géopolitiques. »

Ses végétaux pleins de vie visent donc avant tout à transmettre un message. « J’aime que mes illustrations soient une porte d’entrée pour des conversations sur l’alimentation durable et la biodiversité, des sujets qui me tiennent à cœur », souligne-t-elle.

Jardiner en belle compagnie

En parallèle à sa carrière d’illustratrice, Laurence s’est lancée en 2016 dans une autre aventure pour sensibiliser ses concitoyens.

Avec son amie Sara Maranda-Gauvin, une ancienne collègue d’université, elle a fondé On sème, un organisme au nom inspiré qui veut notamment valoriser le travail des producteurs et créateurs locaux. Entre autres activités, l’organisme propose depuis trois ans une université d’été dans un jardin collectif du campus MIL, à Montréal.

« C’est un projet porté par l’Université de Montréal. Elle fournit le terrain et le matériel, ainsi qu’une salle couverte pour les cours pratiques et théoriques. De notre côté, nous organisons les formations », explique-t-elle. Des techniques de préservation des semences aux murs végétaux, en passant par les insectes et les champignons, 14 cours sont offerts. Les étudiants proviennent autant du quartier que du milieu universitaire.

« J’aime ce mélange des communautés. En plus, ce jardin est une source inépuisable d’inspiration pour le dessin, et il me permet de mettre les mains dans la terre, j’adore ça! » dit cette urbaine originaire de Lachine, en banlieue de Montréal, qui se souvient avec bonheur des promenades au marché de son enfance.

Entre la bêche et le chevalet, Laurence Deschamps-Léger a des idées plein la tête. « Mon fil conducteur, c’est d’informer le plus grand nombre de l’importance de consommer des produits saisonniers et locaux. Pour le moment, ça passe par l’illustration et la papeterie, mais ça pourrait se décliner de plusieurs autres façons, comme des ateliers pour les enfants ou des livres », avance-t-elle.

La jeune entrepreneure pense aussi à réduire sa propre empreinte écologique. « Je veux être cohérente avec moi-même. Quand je vois que mes affiches sont emballées avec du plastique, ça me tracasse beaucoup. Je cherche d’autres solutions. »

Artiste engagée dans la sauvegarde de la biodiversité agroalimentaire (amenez-en, des variétés de tomates!), Laurence Deschamps-Léger voue une admiration sincère aux artisans du terroir, en particulier les femmes. Sur son blogue, elle a même créé une section consacrée à ces héroïnes du quotidien qui, comme elle, font progresser la cause de l’agriculture durable au Québec, telles la semencière de L’Île-Bizard Lyne Bellemare ou la chef végétalienne Mariève Savaria.

Avis aux gourmands, les fruits et légumes croqués par Laucolo donnent envie de s’abonner illico à un panier bio ou d’aller faire un tour dans les champs… un cahier de croquis à la main.

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