Culture

Sophie Desmarais : rencontre avec une actrice hors norme

À chacune de ses apparitions au théâtre, au cinéma ou à la télé, Sophie Desmarais laisse une trace unique, indélébile. 

Trois mot qui me définissent

Curieuse, obstinée et intense, je pense. J’ai beaucoup d’intensité.

Une passion qu’on ne me connaît pas

La parfumerie. J’ai toujours adoré les parfums, surtout ceux dits de niche. Je les collectionne, je m’informe, je lis sur cet univers. Pour moi, c’est un art au même titre que la musique, la photographie… Le parfum m’accompagne dans ma vie de tous les jours. Je choisis celui que je vais porter dans la journée selon mon humeur, selon ce que j’ai envie d’évoquer.

Mon parfum préféré

Je suis obsédée par Mitsouko, de Guerlain, que je n’arrive pas à porter en public. Il est trop daté, trop ancien. Je le porte parfois chez moi. En privé. À l’automne. Il a été créé par monsieur Guerlain en 1912. À l’époque, c’était un parfum révolutionnaire, féministe, très mystérieux, un chef-d’œuvre !

Un endroit où j’irais vivre demain matin

J’adore Paris, mais y rester trop longtemps finirait par m’étouffer. En fait, je n’ai jamais vécu ailleurs. J’aimerais ça. J’irais quelque part de plus wild. La Tanzanie, par exemple. À Zanzibar, tiens ! Pour vivre autre chose, manger autre chose, me coucher à d’autres heures, entendre d’autres sons.

La personne qui me touche le plus

Mes parents. Ils sont gentils, pas compliqués, beaucoup dans le don de soi, jamais dans la médisance. Ce sont des gens profondément bons. La bonté me touche. La vraie bonté, pas celle qui est intéressée.

Une qualité que j’aimerais développer

La patience. J’ai un tempérament très dans l’action. J’ai parfois de la difficulté à comprendre pourquoi c’est lent, pourquoi c’est long. Et en cinéma, on attend beaucoup. Alors, j’ai toujours un livre avec moi. Il faut que j’accomplisse des choses pendant que j’attends, je ne veux pas passer mon temps sur mon iPhone. J’en profite pour me lancer dans des lectures qui demandent un effort intellectuel, voire émotionnel. Comme L’ordre du temps, du physicien et mathématicien italien Carlo Rovelli, que j’ai lu récemment. C’est un livre vraiment extraordinaire. Il faisait chauffer mes neurones ! Je devais choisir les bons moments pour me plonger dedans.

Salé ou sucré ?

Salé. Olives, fromages, verre de vin, mon bonheur. J’essaie d’arrêter de manger du pain et du fromage, mais je n’y arrive pas. Sophia Loren disait : « J’aime mieux avoir 10 livres en trop et manger du fromage et boire du vin. » Je pense comme elle.

Une folie que j’aimerais faire avant de mourir

Visiter la maison de Schubert, à Vienne. J’aime beaucoup le classique, en particulier la musique de chambre de Schubert, que j’ai découverte par le cinéma grâce au film La pianiste, de Michael Haneke. Le personnage très complexe, interprété par Isabelle Huppert, joue du Schubert. Cette musique m’a happée. Schubert et moi, on aurait été de bons amis. On a un univers sensible commun. J’ai envie d’aller dans sa maison.

Un film qui a changé ma vie

La graine et le mulet, d’Abdellatif Kechiche. Je l’ai vu au cinéma, et j’en suis sortie avec un besoin de m’aérer, de respirer. C’est un film nerveux, hermétique, centré sur le rituel du repas. Il a changé ma vie, car je me suis dit : ça peut être ça, le cinéma. Il y a une vérité dans ce film que je trouve très difficile à atteindre non seulement au cinéma, mais dans l’art en général.

J’ai peur de…

Mon dieu, de deux millions d’affaires ! La folie, les maladies graves, les accidents. Je peux être très hypocondriaque.

J’aimerais partager un repas avec…

Patti Smith, pour sa musique, sa poésie, sa rébellion… On aime les mêmes choses. William Blake, Baudelaire, Rimbaud, les auteurs qui ont marqué son adolescence sont les mêmes que moi. Relire Patti Smith ou l’écouter en entrevue me fait du bien. Je passerais une belle soirée avec elle.

Un don que j’aimerais avoir

Faire pousser des fleurs avec mon doigt. Je pointe un endroit et une fleur y pousse. Je dis orchidée, et hop ! une orchidée pousse. Je créerais des jardins partout, j’embellirais le monde.

Mon premier emploi

Crémière, pendant trois étés. J’ai aimé ce contact avec la joie. Les gens sont joyeux quand ils viennent chercher un cornet.

Si je n’avais pas été artiste, j’aurais été…

Comme j’adore les enfants, je pourrais être enseignante. Je me sentirais utile. Car en vérité, je me sens terriblement inutile. J’ai des idéaux de communauté, d’entraide. Dans mon building, il y a des médecins, des thérapeutes… On pourrait tous s’entraider. Mais moi, qu’est-ce que je peux faire, moi ? Aller leur dire un poème ? Ben non. Ce n’est pas intéressant. Avoir le sentiment de contribuer à la société, je trouve ça important. Mais mon métier n’est pas un acte de générosité. Quand je travaille, je n’ai pas l’impression de contribuer, je suis ma passion. En revanche, quand je garde les enfants de ma voisine exténuée, par exemple, je me sens utile. Bref, être enseignante, j’aurais pu le faire.

Un défaut que j’avais et que j’ai corrigé

Vouloir plaire aux autres. Je me suis longtemps sentie différente, et ça m’a complexée. Alors pour obtenir la validation des autres, je me suis censurée. Ça ne me tente plus. Tranquillement, je redeviens moi-même, j’assume mon univers singulier. Et j’essaie d’expliquer à mon fils que ce qui nous rend uniques nous rend plus forts. Quand tout autour de nous crie « conforme-toi, sois comme les autres, pense comme les autres, habille-toi comme les autres », c’est facile de se laisser emporter par le courant de la conformité. Alors je tente de lui apprendre que chacun a ses dons, sa lumière, sa personnalité. Et qu’il est important de ne pas perdre cette lumière, car c’est à ce moment-là qu’on s’éteint, qu’on devient moins intéressant.

Une leçon que la vie m’a donnée

Ça ne sert à rien d’être trop volontaire. Il faut mesurer nos ambitions, laisser la vie nous montrer le chemin et rester ouvert. Il ne sert à rien de toujours être en mode « je voudrais faire ci, je voudrais faire ça ». Savourons ce qui est là et cessons d’être tout le temps dans l’insatisfaction. Ça fait partie de l’humain d’être insatisfait et d’en vouloir toujours plus, mais c’est un puits sans fond.

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