« Non maman, je ne veux pas m’inscrire à un site de rencontres. Tu sais que je déteste ça. Tu te souviens de la viande tranchée mince? »
Les réseaux de rencontres en ligne existent depuis à peine dix ans, mais il suffit de dire que vous êtes célibataire et tout le monde, même votre mère, vous recommandera de chercher l’amour en ligne. Et si vous avez le malheur de répondre que vous n’êtes pas un adepte, on vous lancera un regard réprobateur :
« Tu ne veux pas vraiment rencontrer quelqu’un alors! »
Je vous ai déjà raconté deux courtes tentatives de rencontre en ligne. J’annulais généralement mon abonnement après un mois, un peu étourdie et convaincue qu’on ne m’y reprendrait plus. Ma dernière tentative remonte à quelques années et j’aime bien la citer en exemple du gars qui tue.
Je devais être abonnée depuis une semaine lorsqu’un gars, qui me semblait intéressant sur papier, m’a envoyé un courriel qui hérisse le poil. « Est-ce que tu pourrais m’envoyer une photo de toi au complet? Sur ton profil tu as indiqué que tu es «mince» mais il y a plusieurs filles qui ne sont pas aussi minces qu’elles le disent. »
Bienvenue au département de la viande, tranchée mince, je vous prie! Si au moins, nous avions échangé quelques mots avant cette demande de photo. Bravo mon grand! Je me sentais déjà dans un catalogue de marchandises accompagnées d’un descriptif technique. Et toi, tu me demandes une photo plain-pied alors que tu portes un manteau de ski et des lunettes fumées sur ta photo de profil! Est-ce que tu essaies de nous cacher que tu louches et tu portes une jambe de bois? Tiens, j’exige une photo de toi en 3D de dos afin que je puisse juger tes fesses de 1 à 10.
Le plus ironique, c’est que je suis le genre de fille qui ne s’offusque absolument pas de sentir un regard de carnivore sur moi. Honnêtement, bien que je sois plus discrète, on pourrait aussi me surprendre à regarder un beau morceau de viande.
J’ai pensé lui envoyer une photo grotesque de fille obèse et poilue trouvée sur Internet, mais comme je dis rarement non à une bonne bataille, je me suis lancée dans un débat musclé. À mon grand malheur, il se défendait brillamment avec d’étonnantes références littéraires. La petite joute virtuelle s’est poursuivie pendant quelques jours. Je n’y peux rien! C’est un de mes points faibles: j’aime les gars qui peuvent m’obstiner gentiment, sans que la conversation ne dégénère en bataille nucléaire.
Au bout du compte, nos échanges avaient tellement piqué ma curiosité que je lui ai demandé s’il voulait prendre un café: « Réponse: Je préfère ne pas te rencontrer. »
Ah bon! Monsieur s’exerçait simplement à la rhétorique en citant des philosophes grecs. Bon bien tant pis, il ne verra jamais ma photo en bikini… Risible mais néanmoins véridique, cet épisode a mis fin à mon inscription sur les sites de rencontres.
J’avoue que j’ai d’autres bonnes raisons de me tenir loin des réseaux de rencontres. D’abord, je passe déjà environ 9-10 heures par jour devant l’ordinateur. Et puis, c’est le printemps, il est grand temps de sortir de ma tanière!