Blogue La course et la vie

Coureurs des bois

La course en sentier, c’est le retour à l’humilité animale, à notre place dans la nature, à l’instinct.

la-course-et-la-vie-bandeau

En des temps immémoriaux (100 points au Scrabble), nos ancêtres couraient dans la forêt pourchassant le gibier qui servirait à nourrir la petite famille, ou alors s’enfuyant d’un prédateur sanguinaire pour éviter de finir en brunch dominical.

Notre instinct de survie était fort, et nos jarrets encore plus.

En cette ère post-moderne, nous pourchassons le gibier pré emballé au milieu d’une foule excédée, et nous le ramenons à la caverne familiale en voiture.  Notre instinct de survie s’est alangui devant la télé, et je vous fais grâce de l’état de nos jarrets.

Et c’est pour ça, mesdames et messieurs, que la course en sentier est une merveille.

Tu es tout seul dans la forêt.

Tout seul comme le Petit Chaperon rouge qui s’en va visiter sa mère-grand, et qui se fiche éperdument de rencontrer le loup (il n’est pas si méchant que ça).

Tout seul dans le minuscule sentier de terre, de boue, de feuilles. Tout seul avec les parfums de la forêt, humus, tourbe, fougères, oxygène.

Tout seul avec la vue, camaïeu d’ocre qui te fait immanquablement penser à ces tapisseries de sous-sol des années 70 (je sais, c’est d’un kitch effroyable, mais c’est beau pareil), avec ce ciel qui se fraie un chemin en même temps que toi à travers le sentier.

T’as laissé faire le iPod pour écouter le vent dans les branches, l’eau du ruisseau, les pas du coureur derrière toi, jusqu’à ce que tu entendes son souffle d’assez proche pour t’écarter – juste assez – pour le laisser te dépasser. Tacite, l’entente. Vas te péter la gueule avant moi dans cette descente, petit, tu me serviras d’amortisseur.

Il ne se pète pas la gueule, il valse, de roche en roche, avec la légèreté du cabri de montagne qui aurait fait un stage au Cirque du Soleil, et c’est beau à voir.

Mais tu ne contemples pas le spectacle trop longtemps.

T’es dans le carpe diem à fond la caisse. Ça grimpe, ça descend, ça glisse, ça mouille, ça bouette, ça roule sous la chaussure, une roche, une racine, un tronc d’arbre, une branche qui te fouette la joue, la pluie d’hier qui a rendu le tapis de feuilles mortes ultra glissant, une seconde d’inattention, tu pars en vol plané.

Alors t’es concentré. Ici, le pied, là, l’autre pied, un pas à la fois, complètement en symbiose avec les aspérités du sol sous ta foulée.

Tu ne regardes pas ta montre. Pour quoi faire? Ça monte, ça descend, le chrono ne veut plus rien dire. Le temps disparaît, avalé par l’acuité obligée, par l’attention de tous les instants aux exigences du parcours.

Tu ne vois pas les kilomètres passer.

T’es en apesanteur, perdu dans l’espace, à l’affut. Une racine, un billot, un trou d’eau, une roche, deux roches, trois roches, la boue qui colle, le gazon encore vert, un bout de ciel, le moelleux des feuilles.

Instinctif, primaire, léger.

La course en sentier, c’est le retour à l’humilité animale, à notre place dans la nature, à l’instinct.

Ça fait un bien fou.

Istockphoto

Istockphoto

Au Québec, on a de la chance, les lieux où on peut courir en sentier abondent, et les courses de trail également.

Ici, le récit d’un jeune « trailer » français découvrant le Mont-Royal lors de la dernière édition du Tour du Mont-Royal Brébeuf.

Et ici, les aventures boisées de Joan Roch, de Patrice Godin.

POUR TOUT SAVOIR EN PRIMEUR

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.