Ce soir-là, j’étais encore à bout de souffle après avoir gravi trois étages avec mes sacs d’épicerie. « Je vieillis », ai-je pensé, en me laissant tomber dans le fauteuil le plus proche. La semaine précédente, je m’étais étiré un muscle en déneigeant l’auto…
« Si vous continuez à être sédentaire, vous allez finir par avoir des problèmes cardiaques, m’a dit mon médecin de famille. Sans compter que vous aurez mal partout. »
C’est triste à dire mais, avec les années, je me suis enracinée dans mon canapé. Dans une autre vie, je me rendais au bureau à bicyclette et je nageais 60 longueurs de piscine trois fois par semaine. Mais des années de boulot en position assise, un horaire chargé et quelques bobos de sportif ont fini par me statufier dans mon salon. Ma seule activité aérobique hebdomadaire, c’est de passer l’aspirateur.
Je ne suis pas la seule à être aussi sédentaire. La moitié des Québécoises de 25 à 44 ans ne bougent pas assez, selon Kino-Québec, dont la mission est de promouvoir l’activité physique. Aucune surprise : les femmes en couple avec enfants font cinq fois moins d’exercice que les célibataires. Les mères de famille sont beaucoup plus sédentaires que leur conjoint ; pendant que Monsieur joue au squash, Madame prépare le souper. Parmi les obstacles qui les empêchent de faire de l’activité physique, les femmes citent le cumul des tâches ainsi que la culpabilité de consacrer moins de temps aux enfants.
Pourtant, il faut placer l’exercice en tête de nos priorités, assure le docteur Martin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal. Quand on bouge, on réduit les risques de maladie cardiovasculaire de 30 % à 40 %, on prévient l’ostéoporose, la dépression, l’anxiété de même que certains cancers (sein, côlon, poumon, endomètre). « C’est presque miraculeux ! » affirme le cardiologue.
Et le miracle se produit rapidement. Dès les premières séances, le corps relâche des endorphines (hormones reliées au bien-être), la tension artérielle baisse, le sommeil s’améliore. Au bout de six semaines, on est moins essoufflée, on perd du poids, les muscles sont plus forts, le tour de taille diminue, le taux de cholestérol aussi.
D’accord. Mais quelle activité choisir ? Combien de minutes par semaine ? Juste d’y penser, je sens venir un mal de tête… Au printemps dernier, Kino-Québec a émis de nouvelles recommandations en matière d’activité physique. « Les anciennes directives laissaient croire qu’un nombre minimal de minutes hebdomadaires garantissait une vie en santé, explique le chercheur Guy Thibault, de la Direction du sport et de l’activité physique. Hélas ! Il n’en est rien. D’après les études, plus on bouge mieux on se porte. »
Comme les gens ont besoin de repères, on suggère aux adultes de 18 à 64 ans de faire 150 minutes d’exercice d’intensité moyenne ou élevée par semaine.
Que signifie une intensité légère, moyenne ou élevée ? Marcher tranquillement, effectuer des travaux de jardinage et faire des étirements sont des activités d’intensité légère. Marcher d’un bon pas, faire de la bicyclette, pelleter, nager ou danser constituent des activités modérées. Dans le cas de la marche rapide, du jogging ou de la danse aérobique, on parle d’activité intense.
Le degré d’intensité d’une activité dépend aussi de sa condition physique, ajoute Guy Thibault. Pour les sédentaires, une marche d’un bon pas peut représenter une activité intense.
« La meilleure façon de s’y retrouver, dit-il, c’est de surveiller l’essoufflement. Une activité de faible intensité n’essouffle pas. Une activité de moyenne intensité s’accompagne d’un essoufflement léger qui permet tout de même de parler sans effort alors que celle d’intensité élevée entraîne un essoufflement qui gêne la conversation. »
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut diviser ces 150 minutes en tranches de 10 minutes réparties dans la semaine, poursuit Guy Thibault. « Les recherches indiquent que de courtes périodes d’activité intense sont peut-être plus efficaces que de longues périodes d’activité modérée. »
Et des séances plus courtes encore pourraient l’être davantage. La toute dernière nouveauté en matière d’activité physique, c’est l’exercice intense par intervalles, qui fait alterner 15 secondes d’exercice intense avec 15 secondes de repos. Un bon exemple : le cardiovélo (spinning). Sur des vélos stationnaires, les participants pédalent normalement jusqu’à ce que le coach donne le signal de l’entraînement intensif. À « Go ! », on pédale à fond 15 secondes. Puis on revient à un rythme plus lent les 15 secondes suivantes et ainsi de suite, pendant quatre minutes.
« Au Centre Épic [centre de médecine préventive et d’activité physique de l’Institut de cardiologie de Montréal], on a découvert que ce type d’exercice procurait plus de bénéfices pour le cœur et la masse musculaire que 30 minutes de mouvement continu, explique le docteur Martin Juneau. Et tous peuvent le pratiquer, y compris les personnes âgées et les cardiaques, s’ils s’entraînent depuis au moins six semaines. »
Mais revenons à celles qui, comme moi, végètent devant la télé ou l’ordi. Par quoi commencer ?
« Il faut choisir une activité qui nous plaît ! dit Marie-Ève Mathieu, professeure en éducation physique à l’Université de Montréal (UdeM). Rien ne sert de s’abonner au gym si on déteste la musculation : on finira inévitablement par laisser tomber. »
On aime les sports d’équipe ? La danse sociale ? Les activités en pleine nature ? Les arts martiaux ? Les vidéos d’exercice dans l’intimité de son salon ? Tous ces choix sont valables.
À condition d’éviter les blessures.
L’enthousiasme de la débutante lui fait parfois oublier que le corps est une machine qu’il faut entraîner progressivement. « Celle qui commence peut avoir tendance à se lancer trop fort et trop vite », constate Marie-Ève Mathieu.
Quand on se remet à bouger après des années de sédentarité, on doit compter de six à huit semaines avant d’atteindre les 150 minutes hebdomadaires recommandées par Kino-Québec.
Reste que l’espoir est permis, selon la kinésiologue Chantal Daigle : « J’ai vu des femmes inactives depuis 15 ans qui, 5 ans après avoir recommencé à faire du sport, pratiquaient le kickboxing. »
Wow ! Toutes ces bonnes nouvelles sont excellentes pour mon moral… et bientôt pour mon corps. C’est le coup de pied que j’attendais pour prendre congé de mon salon. Gym et piscine, attention, me voici !
Quand la rouille nous guette
Ankylosée par des années d’inactivité ? Le spécialiste à voir, c’est le kinésiologue. Il pourra évaluer votre forme physique (fréquence cardiaque au repos et à l’effort, endurance, puissance musculaire, posture, flexibilité…), vos habitudes de vie et vos risques de souffrir de certaines maladies. Avec toutes ces données en main, il concoctera un plan d’entraînement sur mesure. Et c’est moins cher que ça en a l’air.
À noter que l’UdeM offre à moindre coût les services de ses étudiants du Département de kinésiologie, supervisés par des professionnels.