Les médicaments que Maryse prenait pour soulager les symptômes de sa maladie de Crohn, une affection auto-immune, perdaient de leur efficacité. Son médecin lui a proposé le Remicade, qui influe sur le système immunitaire. Maryse devait-elle ou non essayer ce nouveau traitement?
Inquiète et perplexe, elle tape « Remicade » dans Google. D’un lien à l’autre, elle accède à la monographie du produit, puis à des forums de discussion. « Et là, bingo! je découvre des gens dont l’état s’est amélioré grâce à ce médicament, dit-elle. Sur YouTube, on voyait même des patients recevoir leur injection! » Depuis que Maryse prend ce traitement, elle se porte très bien. Morale de l’histoire : échanger avec d’autres patients nous rassure parfois davantage qu’écouter les arguments de notre médecin.
« Les médecins ne sont plus les dieux au haut de la pyramide. Internet est devenu une force avec laquelle ils doivent compter », affirme Michelle Blanc, auteure du livre Les médias sociaux 101 (Éditions Logiques), paru l’automne dernier.
La gourou du Web 2.0 n’a pas hésité, pour sa part, à consulter les fameux sites RateMDs.com ou RateMyMD.ca – des sites où les internautes sont invités à évaluer médecins et dentistes – lorsqu’elle a dû subir une opération : « Ça m’a rassurée de voir que mon médecin était bien coté, dit-elle. On trouvera toujours un ou deux patients insatisfaits, mais c’est la moyenne au bâton qui compte. »
Que cherche-t-on? Des renseignements sur la nutrition, l’activité physique, les régimes amaigrissants, les maladies, les médicaments et les thérapies « alternatives ». Et on ne se borne pas à consulter des sites comme Medline, Doctissimo ou PasseportSanté.net ; on visite aussi les forums de discussion, les blogues ou Facebook. Parce que ces outils permettent de partager des expériences et, souvent, de trouver des solutions.
Les discussions portent principalement sur les médicaments, leur efficacité et leurs effets secondaires, selon l’ouvrage Les médias et la santé, rédigé par un collectif de chercheurs de l’UQAM. « En fait, les forums sont surtout fréquentés par des gens qui souffrent d’une maladie chronique », précise Marie-Ève Drolet, qui rédige un mémoire de maîtrise sur les jeunes, Internet et la santé.
On peut tout de même dénicher des forums de discussion sur à peu près tout, de l’acné à l’insuffisance cardiaque. « On y trouve aussi des conseils en matière de prévention, un sujet dont les médecins parlent peu. Ces derniers ne démontrent aucun intérêt pour nos découvertes quand on veut leur en faire part », note Nathalie Prud’homme, atteinte du cancer du sein et bien décidée à éviter une récidive.
Le rôle du médecin, qui était autrefois la principale source d’information sur la santé, a été bouleversé par Internet. Les spécialistes parlent d’empowerment – à la fois responsabilisation et prise de pouvoir. Les patients ont maintenant accès au savoir des experts et veulent discuter d’égal à égal avec leur médecin.
Pour le Dr Georges Lévesque, urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal et coanimateur de l’émission Une pilule, une petite granule, à Télé-Québec, l’utilisation du Web comporte des effets positifs, même pour les praticiens. « Un patient informé est plus facile à soigner qu’un autre qui ne l’est pas, dit-il. Il y a 30 ans, bien des gens ne connaissaient pas le nom de leurs médicaments ni pour quelle raison ils étaient prescrits. Certains ne savaient même pas pourquoi on les avait opérés! » Bien sûr, il existe des casse-pieds qui argumentent à propos de chaque traitement parce qu’ils ont lu le contraire sur le Net. « Mais des patients difficiles, il y en a toujours eu! » ajoute-t-il en riant.
Conseils d’experts
Pour les meilleurs blogues sur la santé, visitez toutlemondeenblogue.com, dans la section Québec. Cliquez sur Santé. Ou, en anglais, allez à technorati.com et cliquez sur Health.
Comment font les cracks d’Internet pour accéder aux meilleurs forums de discussion? « Exactement comme vous, répond la chercheuse Marie-Ève Drolet. Ils tapent leur mot-clé dans Google. »
On peut trouver des blogues ou des forums rattachés à des sites comme Doctissimo. Selon Michelle Blanc, le site le plus complet à ce titre est celui de l’institut Douglas.
Si vous souffrez d’un problème de santé peu répandu ou pour trouver de nouveaux traitements, tapez « Alerte Google ». Suivez les instructions et un courriel vous avertira des découvertes récentes.
Pour valider un renseignement, vous avez besoin non pas de deux, mais de plusieurs sources crédibles. « Dans le doute, consultez un professionnel de la santé », conclut Michelle Blanc.
Et que penser de Twitter? « C’est un média social qui est en train de se construire, dit Marie-Ève Drolet. Mais il est possible d’y suivre certaines organisations, comme Santé Canada ou la Coalition Poids, qui ont commencé à twitter. »
L’engouement dont jouissent les médias sociaux s’explique aussi par l’utilisation qu’on en fait : ils deviennent parfois des groupes de soutien. Dans leurs forums de discussion, on peut dire bien des choses sous le couvert de l’anonymat. C’est ce que Michelle Blanc appelle l’effet de catharsis : se confier procure un certain soulagement. Quant aux blogues, ils reflètent la personnalité de leur créateur, mais les internautes peuvent s’y exprimer.
Après avoir raconté son histoire dans les pages de Châtelaine, Nathalie Prud’homme a ouvert son propre blogue sur le site du magazine. Pendant un an, elle y a relaté ses bons et ses mauvais jours. « Le blogue ne m’a pas apporté de réconfort, mais il m’a permis d’aider les autres », dit-elle. Bref silence. « Non, ce n’est pas tout à fait exact. Me confier en sachant que j’étais lue m’a fait du bien. » Nathalie a déjà fréquenté des groupes de soutien, mais elle préfère les médias sociaux. « On n’a pas à se déplacer ou à faire du bla-bla et on écrit quand on en a envie. »
Mais les forums de discussion peuvent aussi être démoralisants. On risque de s’y retrouver en grand nombre, tous plus découragés les uns que les autres, sans découvrir de solution à ses problèmes. Blessures sportives qui ne guérissent pas, opérations qui tournent mal, médicaments qui restent sans effet… Comme le dit une ancienne abonnée de ces sites aux prises avec une douleur chronique aux genoux : « Quand je lisais tout ça, j’avais l’impression d’avoir plus mal. »
La chose fait rire Nathalie Prud’homme. « Imagine quand tu souffres d’un cancer! s’exclame-t-elle. Si je croyais tout ce que je lis, les cheveux me dresseraient sur la tête. »
Autrement dit, lorsqu’on voyage sur le Net, il ne faut jamais se départir de son sens critique! « Les récits qu’on lit sur les forums sont souvent anecdotiques, explique le Dr Lévesque. En prenant ce médicament, Unetelle est presque morte. Un autre a failli perdre sa jambe. Les médias sociaux servent à ventiler les angoisses et les frustrations et non à échanger de l’information scientifique. »
Et que penser de Facebook? De plus en plus d’organismes et de centres de santé y sont inscrits. La grande force de ce réseau, c’est qu’il permet de se regrouper. À preuve : le traitement controversé du Dr Zamboni contre la sclérose en plaques. On sait depuis des années que cette maladie est une affection auto-immune. Or, à l’automne 2009, un médecin italien a annoncé qu’on peut la traiter grâce à une dilatation des veines jugulaires (du cou). Les neurologues, pour leur part, prétendent que c’est de la foutaise.