Santé

Talons hauts attention, danger !

Le Dr David B. Agus nous dit comment vivre jusqu’à 100 ans.

Photo: Plainpicture/Ponton

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On souhaite vivre jusqu’à 100 ans mais, pour cela, il faudrait laisser ses talons hauts dans le placard… Voilà l’une des prescriptions parfois étonnantes du Dr David B. Agus, médecin de Steve Jobs.

On en rêve toutes : vieillir en forme et s’éteindre doucement à 100 ans, sans passer par une longue maladie cruelle et débilitante. Ce fantasme – jusqu’ici réservé à une poignée de chanceuses – est sur le point de devenir réalité pour une majorité, selon le cancérologue David B. Agus. Il écrit dans La fin de la maladie, qui vient de paraître en français, qu’« au cours des 10 prochaines années, les médecins apprendront à aborder les maladies davantage comme des météorologues que comme des biologistes ».  Pour mieux prévoir les tempêtes… et prévenir les catastrophes. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’aura pas une (grande) part à assumer. « Il n’en tient qu’à nous de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à la maladie », souligne-t-il. Et l’une d’elles serait de ne plus porter de talons hauts !

À part nous faire mal aux pieds, comment les escarpins peuvent-ils nuire à la santé ? Qu’avez-vous contre les talons hauts ?
Rien, pourvu qu’ils soient confortables ! Sinon, la douleur causée est banale, mais elle crée de l’inflammation. L’inflammation, ce sont la rougeur et l’enflure qui apparaissent autour d’une coupure. La même réaction se produit à l’intérieur de l’organisme quand il combat un corps étranger ou fait face à un irritant. C’est un mécanisme de défense naturel, mais, quand l’inflammation devient chronique, elle mène à des maladies comme le cancer. C’est pourquoi il est important d’en minimiser les sources inutiles, comme les chaussures inconfortables. Même chose pour la grippe. Sur le coup, l’attraper n’est pas dramatique : quelques jours au lit et on est guéri. Mais, dans 10 ans, les risques de maladie seront plus élevés [à cause de l’inflammation, qui fait entre autres vieillir les vaisseaux sanguins]. Je conseille donc à tous de se faire vacciner chaque année.

Partout, autour de soi, des gens sont aux prises avec le cancer ou des troubles cardiovasculaires. Comment pouvez-vous prétendre à la fin des maladies ?
On est en mesure de retarder l’apparition de ces maladies et de mieux les traiter une fois qu’elles sont déclarées. Mais, pour cela, on doit envisager la santé et le corps humain sous un angle différent. Depuis des décennies, la médecine cible la maladie. Mais, contrairement aux bactéries et aux virus, les maux d’aujourd’hui (cancer, maladies cardiaques, alzheimer, diabète, etc.) ne sont pas des agents extérieurs qui attaquent le corps. Pour les prévenir ou les traiter, il faut agir sur l’organisme en entier ; changer le terreau pour que la graine cesse de pousser. Nous disposons déjà des médicaments nécessaires pour le faire, il s’agit de les utiliser de façon optimale.

Deux de ces médicaments sont les statines et l’aspirine, dont vous recommandez la prise quotidienne. En quoi celles-ci sont-elles bénéfiques ?
Les statines ont été développées pour empêcher la production de mauvais cholestérol (LDL) et réduire les risques de maladies du cœur, ce qu’elles font très bien. Mais leur réelle action est de bloquer l’inflammation. Et on sait, après des années de recherche, que l’inflammation chro­nique augmente le risque de cancer, de maladies cardiaques, d’alzheimer, de diabète, etc. Prendre une statine par jour réduit donc le risque de souffrir de ces maladies. Même chose pour l’aspirine. Ces médicaments sont faciles à trouver et ils ne coûtent presque rien. Presque tout le monde devrait en prendre, avec l’aval d’un médecin. Mais beaucoup de gens se braquent à l’idée de consommer des médicaments – on m’ac­cuse d’ailleurs d’être à la solde des entreprises pharmaceutiques, ce qui est tout à fait faux. Paradoxalement, ils avalent sans problème des vitamines et des minéraux. Or, les suppléments altèrent l’organisme au même titre qu’un médicament. Et ils sont fabriqués par les mêmes pharmaceutiques !

Vous déconseillez la prise de suppléments, même les multivitamines et la vitamine D tant acclamée. Pourquoi ?
Malgré ce que porte à croire leur excellente mise en marché, les suppléments n’ont pas fait leurs preuves. Un exemple parmi tant d’autres : aucun de la soixantaine d’essais réalisés dans le monde sur les multivita­mines n’a démontré de bienfaits. Dans certains cas, elles causent même du tort. Une étude menée sur une période de 19 ans a conclu que les femmes qui en prenaient avaient un taux de mortalité plus élevé que celles qui n’en consommaient pas. En plus, les suppléments contiennent des doses inutilement élevées. Mieux vaut laisser le corps retirer les nutriments nécessaires de vrais aliments. Pourquoi prendre des capsules d’huile de poisson quand on peut mettre du poisson dans son assiette ?

Vous privilégiez les aliments frais, mais vous mettez aussi en garde contre « l’illusion de la fraîcheur ». Qu’entendez-vous par là ?
Les fruits et les légumes commencent à se dégrader dès qu’ils sont cueillis. On croit bien faire en achetant une belle tomate bio, mais si elle dort sur l’étalage depuis quatre jours, ou si elle a mis beaucoup de temps pour y arriver, sa valeur nutritionnelle est faible. L’idéal, ce sont les aliments locaux arrivés la journée même. Hors saison, les aliments surgelés, congelés aussitôt après avoir été cueillis, sont souvent plus santé que ceux qui sont supposément « frais ».

Vous êtes aussi sceptique par rapport aux aliments dits anticancer…
Aucune donnée probante ne confirme leurs effets. Par exemple, le curcuma a tué des cellules cancéreuses chez des souris de laboratoire, mais on ne peut extrapoler ces résultats à la condition humaine. Le cancer est une maladie terrible… et je comprends l’attrait d’une solution aussi simple que manger certains aliments. Dès que leurs effets seront prouvés, je serai le premier à les recommander. D’ici là, créer de faux espoirs est déplacé.

Pourquoi est-ce nécessaire d’adopter une routine quotidienne ?
Le corps a besoin de constance. Prendre ses repas et des collations, dormir et faire de l’exercice à heure fixe contribuent à son fonctionnement optimal. Par exemple, dîner à 14 h quand on a l’habitude de le faire à midi force l’organisme à se mettre en mode « survie » pendant deux heures, ce qui crée du stress. Les gens qui mangent à des heures irrégulières ont un taux de diabète 81 % plus élevé.

Selon vous, l’exercice ne suffit pas. On doit s’activer tout au long de la journée. Pourquoi ?
Notre conception de l’exercice est la suivante : suer une heure au gym puis passer le reste de la journée assis. Mais s’asseoir pendant cinq heures est aussi domma­geable pour le corps que fumer un paquet et quart de cigarettes ! En plus de faire de l’activité physique plusieurs fois par semaine, il faut bouger tout au long de la journée. Au bureau, on peut marcher quelques minutes toutes les demi-heures, discuter avec les collègues en arpentant les corridors ou encore utiliser un casque téléphonique sans fil et prendre ses appels debout. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait pendant notre conversation !

Bio express: qui est David B. Agus?
Ce cancérologue californien a connu un énorme succès avec The End of Illness (La fin de la maladie), paru l’an dernier. Le bouquin a figuré des semaines sur la liste des meilleurs vendeurs du New York Times. Pour la petite histoire, c’est Steve Jobs qui a trouvé le titre accrocheur. Le Dr Agus était l’un des médecins du fondateur d’Apple et les deux hommes se sont liés d’amitié. « Je l’avais intitulé Qu’est-ce que la santé ? dit-il. Steve m’a dit : “Tu vas faire fuir les lecteurs avec le mot santé. Il faut un titre positif, déclaratif et persuasif.” »

la-fin-de-la-maladie

La fin de la maladie, par le dr David B. Agus, Les Éditions de l’Homme, 27,95 $

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