Entrevues

Entrevue avec Mariloup Wolfe

La nouvelle prof de 30 vies compte profiter au maximum de la sienne.

Rencontrée dans son coin de paradis au cœur des Laurentides, la nouvelle prof de 30 vies croit qu’elle-même n’en a qu’une seule à vivre. (Enfin, jusqu’à preuve du contraire.) Et elle a bien l’intention d’en tirer le maximum.

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Mariloup n’est pas venue m’accueillir toute seule. Elle sortait à peine de chez elle qu’une poule est apparue sur le perron. L’une était beaucoup plus souriante que l’autre. « Eh oui, on a des poules et elles pondent tous les jours », a dit la comédienne d’un ton qui sous-entendait : même moi, qui suis née et ai grandi sur le Plateau-Mont-Royal, j’ai peine à croire que je possède un poulailler. « On en avait cinq mais un renard et un raton laveur en ont mangé deux. » Pauvres volailles : quitter ainsi cet éden aménagé au bord d’un lac de carte postale perdu entre Saint-Jérôme et Saint-Sauveur !

Le paradis, version Mariloup Wolfe – Guillaume Lemay-Thivierge, leur ressemble : chaleureux, sans prétention, visuellement harmonieux. Une fois à l’intérieur de la maison, le charme continue d’opérer. Figurez-vous un chalet tout en bois, une vaste pièce avec piano, foyer et fenêtres panoramiques, un formidable coin de jeu pour enfants avec maisonnette et glissoire juste devant la cuisine ensoleillée et Mariloup qui débouche une bouteille de vin. « Guillaume n’était pas content que tu viennes chez nous », m’a-t-elle dit, sourire coquin aux lèvres. Pour l’amadouer, alors qu’il était devant le fait accompli, elle lui a promis que je viendrais seul, sans photographe. Cela dit, ce n’était pas pour Châtelaine une exclusivité mondiale : l’automne dernier, leur nid laurentien a reçu une équipe télé (Design V.I.P., sur Canal Vie) contre l’avis de Guillaume (encore). Ce que Mariloup veut…

Comme leur papa, Manoé, 3 ans, et Miro, 18 mois, brillaient par leur absence. Mariloup, qui a vécu ses maternités rapprochées en couverture de magazines, doit désormais se défendre d’être, au mieux une Mère Courage, au pire une mère indigne. « Les médias mettent l’accent sur le fait que j’ai deux jeunes enfants et que je travaille. Un exemple : la semaine dernière, j’accorde une entrevue à un hebdo et quel est le titre en première page ? “Mariloup Wolfe séparée de ses enfants !” Séparée d’eux parce que je vais faire 30 vies ! Je suis tannée de ça, d’entendre que ça doit donc être difficile… Une autre fois, on m’a demandé : “As-tu peur de l’image que tu vas projeter ?” Mais plein de femmes retournent au travail à un moment donné ! La seule différence, c’est que je ne reviendrai pas ici les soirs de semaine. »

Le temps du tournage, très intense de la mi-août à la mi-novembre, elle aura un pied-à-terre à Montréal. Fabienne Larouche, qui produit aussi Unité 9, dans laquelle joue Mariloup, s’est arrangée pour que son personnage de gardienne de prison soit moins présent. « 30 vies, c’est trois mois dans mon existence. Est-ce que ça fait de moi une mauvaise mère ? J’adore ma famille [qui inclut aussi Charlie, 12 ans, la fille que Guillaume a eue d’une union précédente et qui vit avec eux une semaine sur deux]. Mais j’ai besoin de m’épanouir professionnellement et ça me fait du bien d’avoir des projets stimulants. »

Pour jongler avec boulot, bambins et bercail, Mariloup et Guillaume peuvent compter sur un ange gardien, Denise, surnommée la « supernounou ». Elle habite tout près du paradis. « Denise a tenu une garderie pendant 35 ans, je lui fais con­fiance les yeux fermés. Pour mes petits, qui l’adorent, c’est un peu la grand-mère qu’ils n’ont pas. »

Françoise Lemay, la mère de Guillaume, est morte en 2011, à 70 ans. Et Mariloup en avait 22 quand le cancer du poumon a fauché la sienne, Denise Bouchard, ex-infirmière devenue artiste peintre et sculpteure. « Elle avait 55 ans et bien des rêves qui sont partis avec elle. » Lui reste son souvenir, que la jeune femme évoque ­simplement, un sentiment d’urgence « de vivre le moment présent », un dégoût de la cigarette et quelques œuvres. « Maman a pratiqué plusieurs styles. Mon préféré : des bas-reliefs assez grands, gonflés avec du papier journal. La surface est composée de photos pornographiques découpées dans des magazines. » En hommage à sa mère, Mariloup a tenu à ce que son personnage dans 30 vies enseigne les arts plastiques. « Fabienne était un peu sceptique au début, surtout à cause du côté intellectuel de l’art, qui est souvent abstrait et difficile à expliquer dans une demi-heure. Mais je l’ai convaincue du contraire », a-t-elle conclu, toute fière.

Les jeunes téléspectateurs de Vrak.TV ont eu raison de donner à Mariloup, à deux reprises, le prix de « la personnalité québécoise la plus cool », remis pendant l’Anti-Gala. Pour ma part, je retournerais bien dans la véranda où la comédienne a déposé un plateau de fruits et de fromages sur la table. Cette fois, sans magnéto, même si l’objet n’a pas empêché mon hôtesse d’être détendue et franche. Elle semblait heureuse de ne pas entendre les questions « songées » habituelles qu’on lui pose, à titre de moitié d’un tandem de vedettes photogéniques à l’existence parfaite, du genre : Histoire de nous rassurer, vous chicanez-vous comme tous les couples normaux ? « Je viens de faire une télé et toutes les questions portaient sur Guillaume, “Toi pis Guillaume”… Comme si ma popularité était toujours en lien avec lui. » Son portable a sonné. Justement, c’était pour Guillaume.

Peut-être parce qu’elle a longtemps incarné Mariane L’Espérance, une ado (alors qu’elle avait 10 ans de plus que le personnage), dans la très populaire série jeunesse Ramdam, la comédienne de 35 ans conserve toujours l’image d’une jeune fille. « J’ai un côté bubbly, pétillant, et c’est ce qu’on veut de moi en interview. Je joue bien ce jeu, mais je sais que ça ne dévoile pas grand-chose. » Ne vous fiez pas à son apparente fragilité : elle cache une forte personnalité. Mariloup regarde la réalité en face, surtout celle d’un métier qui lui a tout donné mais dont la source pourrait se tarir demain. « Je suis une business », dira-t-elle. Comprendre : Je diversifie mes intérêts parce que je ne veux pas vivre dans l’angoisse du téléphone, comme trop d’acteurs. Elle a investi dans un centre de conditionnement physique à Blainville, dessiné des modèles pour Thyme Maternité et, avec son homme, vient de s’associer avec L’Aubainerie pour promouvoir Voltige (du nom de l’école de parachutisme de Guillaume), une ligne de vêtements « au style désinvolte, à l’image du couple dynamique, audacieux et authentique » (dixit le communiqué de presse), destinée aux « préadolescents, adolescents et jeunes adultes ».

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Voilà pour le volet affaires. Ce que les gens connaissent moins, ajoute-t-elle, ce sont ses remises en question. « Véro [Véronique Cloutier, une amie] me dit souvent : “Toi pis tes questions existentielles !” Elle est très hop la vie !, elle vit le moment présent. Moi, je suis plus, euh… enfin moins, tu sais ce que je veux dire ? » Depuis la mort de sa maman, Mariloup s’interroge sur la spiritualité : « Qu’est-ce qui vient après ? Elle est où, ma mère ? Est-ce qu’elle m’observe ? Je n’ai jamais été croyante, je ne le suis toujours pas, mais je cherche des réponses. » Pas dans la Bible : « Je n’aime pas les idées qu’on y trouve. Guillaume m’a suggéré de lire Conversations avec Dieu [de N.D. Walsch], il m’a dit qu’il ne s’agissait pas du Dieu des religions. Moi, dès que j’entends ce mot-là, je pense Jésus et ça me bloque. J’ai été élevée en pensant que j’avais raison de ne pas croire, et que les croyants étaient des faibles. » Sa quête l’a poussée en Thaïlande et en Inde. Le bouddhisme ou l’hindouisme, peut-être… Un choc. « Le fanatisme que j’ai vu était troublant, dérangeant. Les gens se baignent nus dans le Gange, leur fleuve sacré dégueulasse et pollué. Je les regardais en me demandant ce qu’ils avaient compris et qui m’échappait. J’ai beaucoup pleuré. »

Elle a aussi voulu se « trouver » en allant se perdre dans le désert marocain au Rallye Aïcha des gazelles en 2007. « Je m’imaginais comme dans Le petit prince. Je n’étais plus Mariloup la vedette de télé, mais une fille qui veut échanger avec d’autres femmes de partout et connaître un éveil de conscience… » Et alors ? « Rien. Zéro. Je me suis chicanée avec ma coéquipière [la comédienne Jessica Barker] et il nous a fallu un an pour nous réconcilier. » Elle est retournée au Maroc ce printemps, pour faire la paix avec cette odyssée difficile. Et en est revenue avec une idée de film.

Car le cinéma est pour Mariloup davantage qu’un dada, nourri par son papa, un psychiatre fana du septième art et abonné au Festival des films du monde, qui l’a initiée à Fellini à un âge où cinéphilie rime avec La fiancée de Chucky. C’est son premier métier. Elle est devenue comédienne par hasard : son frère travaillait pour une agence de casting, elle a commencé par de la figuration, puis obtenu des petits rôles, pour aboutir à Ramdam, où elle a tout appris. Mais elle a étudié la réalisation à l’Université Concordia, « là où sont passés Podz [Minuit le soir, L’affaire Dumont] et Alain DesRochers [Gerry, Nitro]. J’ai fait des courts métrages, de la publicité… » Et, en 2009, un film d’action et de romance, Les pieds dans le vide. Où elle a dirigé son Guillaume dans le rôle principal d’un casse-cou qui carbure aux cascades. Le long métrage, qui a plutôt bien performé en salle, a été lapidé par la critique. « J’ai lu tout ce qui a été écrit. Ça m’a fait de la peine. J’ai trouvé que ça manquait de rigueur journalistique. Quelqu’un a prétendu que c’était comme Ramdam au grand écran. Eh bien, moi, je lui réponds : “Va faire tes devoirs.” Mon film n’était pas du tout télévisuel. Je connais ses lacunes et celle-là n’en est pas une. »

Réaliser un film figurait sur sa « liste de choses à faire avant 30 ans ». « Je suis une femme à listes et je pratique la visualisation. » Elle se « voyait » tourner Les pieds dans le vide. Et pour cela, elle a défoncé des portes. « Pas facile de convaincre des producteurs de te laisser faire un film dont le budget dépasse les quatre millions quand t’es une femme et que t’as l’air d’avoir 22 ans. » Et aujourd’hui elle se « voit » en tourner un deuxième pour ses 40 ans (une histoire de femmes dans le Sahara inspirée de son expérience de gazelle). « L’an passé, on m’a offert de réaliser un film d’horreur, du type Massacre à la tronçonneuse. Savoir que j’en tournerais 20 dans ma carrière de cinéaste, ça ne me ferait rien d’avoir un massacre dans le lot, mais si je n’en fais que 3, est-ce que je suis contente ? Non. » Alors, comme le sait Guillaume, ce que Mariloup veut…

À suivre, donc, en 2018, dans un cinéma près de chez vous.

Mariloup sur…

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Photo: Lawrence Arcouette

Unité 9

« Quand on m’a offert de jouer Agathe, la gardienne pas fine, j’ai cru qu’il y avait erreur sur la personne. Ce rôle est tellement loin de ce que j’ai fait avant. Jean-Philippe Duval, le réalisateur, était allé visiter des prisons et il avait eu comme guide une fille coquette, avec un petit gabarit comme le mien. Ça lui a plu de casser les clichés. Et il a pensé à moi. J’ai passé deux auditions, que j’ai travaillées avec Guillaume. Je suis arrivée préparée, mais très nerveuse. Au début, ça me plaisait d’entendre que les téléspectateurs me détestaient, enfin, qu’ils détestaient mon personnage. Ça voulait dire que j’avais réussi. Et moi, j’ai appris à aimer Agathe, parce qu’elle est devenue autre chose que froide. Quand elle est sortie de prison la première fois, le costumier ne savait pas comment l’habiller. Moi non plus. Je ne la voyais que dans son uniforme d’agent correctionnel. J’ai essayé plusieurs looks. Le réalisateur l’imaginait vraiment pitoune, pas moi. On s’est rencontrés à mi-chemin, sexy mais pas greluche. Un succès comme ça change une carrière. On espère que ça va apporter autre chose et c’est arrivé : Fabienne, qui ne me connaissait pas vraiment, a eu un coup de cœur pour moi et m’a offert 30 vies. »

 

choix #3-Verticale de Mariloup

Photo: Lawrence Arcouette

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« Mon personnage s’appelle Élizabeth Bergeron. D’où vient son nom ? Quand Fabienne veut t’offrir un rôle, elle t’invite chez elle, à Saint-Sauveur, pour boire un thé vert. Tu arrives et la première chose qu’elle te demande – elle est intense – c’est : “Comment tu t’appelles ?” Euh… “Comment tu veux t’appeler ?” Ensuite, on dresse une liste de prénoms, comme pour un bébé. Celui-là, ça lui va. Celui-ci, moins. Il y avait Élizabeth, Éléonore, plusieurs autres. Tout à coup ça y est, on le tient. Pour le nom de famille, il faut que ça coule pour les comédiens. Une fois que tu as ton nom, que tu es baptisée, nouvelle question de Fabienne : “Tu vas enseigner quoi ?” Quand mon agent m’a appelée juste avant Noël, je lui ai demandé : “Oui, mais prof de quoi ?” La question a été posée à Fabienne, qui n’était pas rendue là dans sa tête. Puis, une fois chez elle, elle m’a proposé prof de musique, parce qu’elle m’avait vue jouer du piano dans Unité 9. Moi, ça m’allumait moins. Je voulais être prof d’arts plastiques… Au début, Élizabeth vivait en colocation, et là je viens d’apprendre qu’elle est mariée. Elle a une belle-mère qui l’aime beaucoup et une fille de neuf ans. Je vais ressembler à ce dont j’ai l’air dans la vie, un style bohème, jean troué, cool. Mais Élizabeth va porter des talons hauts, alors que moi j’en porte rarement. Sinon, comme je suis toute petite et que les jeunes d’aujourd’hui sont grands, j’aurais l’air d’une crotte de nez… »

Mariloup est porte-parole du Fonds Espoir, initiative de Joanna Comtois, fan de l’actrice, décédée d’un cancer à 14 ans. Toutes deux ont eu le temps de créer des liens. Le 10 septembre aura lieu la soirée Belles d’Espoir, un « party de filles » : bar à ongles, styliste, défilé de mode… Le but : amasser de l’argent pour soutenir la recherche sur les cancers pédiatriques.

Pour les photos des coulisses de notre séance photo avec Mariloup Wolfe, cliquez ici.

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