Mariloup est matinale, et elle a un horaire de ministre. J’étais attendu à 7h30 tandis qu’elle devait partir de chez elle à 9h pile. Ma seule requête: qu’il y ait du café à volonté.
Notre dernier tête-à-tête remontait à trois ans, pour Châtelaine. La moitié blonde d’un des couples-vedettes de l’heure m’avait invité – contre l’avis de la moitié brune, Guillaume Lemay-Thivierge – dans le petit coin de paradis au sud de nulle part et à l’est d’Éden que le duo partageait avec enfants, chats et quelques poules. Elle s’apprêtait à jouer la nouvelle prof de 30 vies, en plus du rôle d’Agathe, gardienne de prison dans Unité 9. De quoi combler la comédienne, mais contrarier la maman… Ces contrats l’obligeraient à passer la semaine à Montréal, loin de son nid, de son chéri et de ses petits, Manoé et Miro, alors âgés de trois ans et un an et demi.
Depuis? Une tornade est passée. 30 vies a pris fin. Agathe est morte. Guillaume a une nouvelle flamme et est papa pour la quatrième fois (il avait déjà une fille, Charlie, 15 ans, d’une union précédente). Le paradis? Vendu. Les poules aussi. Et Mariloup? Tandis qu’elle me préparait une double dose de caféine dans sa cuisine flambant neuve, je me disais que mon hôtesse aussi avait changé. Pas physiquement: j’ai dû consulter mes notes pour confirmer qu’elle venait de souffler 39 bougies (et ne s’en cache pas). Non, c’était autre chose…
«T’as l’air heureuse, presque plus que quand je t’ai vue il y a trois ans.
– (Grand sourire) C’est fou! Tu vas l’écrire?
– Si tu veux.»
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Elle a fait oui de la tête, a dit «ça me fait plaisir que tu trouves ça», puis a embrassé du regard son nouvel univers: une coquette demeure sur trois niveaux qu’elle a fait retaper du toit au rez-de-chaussée à grands frais et avec un goût sûr. «J’aime ma nouvelle vie.» La native du Plateau-Mont-Royal est revenue au bercail. «J’ai grandi à cinq minutes de marche d’ici, à côté du parc La Fontaine. Dans ce temps-là, près de l’étang principal, il y avait le Jardin des merveilles, une sorte de zoo, et de ma chambre, j’entendais les éléphants. Et les paons, ça crie super fort. Les sons de mon enfance.»
Son père habite toujours la résidence familiale, au rez-de-chaussée, et son frère occupe l’étage du dessus. Ils débarquent à l’improviste, s’amusent avec les garçons, mangent un morceau, puis repartent. Une proximité retrouvée que chérit Mariloup. «J’adorais ma maison dans les Laurentides, la nature; mais ce n’est pas très réaliste, quand t’as la vingtaine, trentaine, de vivre si loin de tout, avec de jeunes enfants. Je me retrouvais très seule.»
Tout va bien
Désormais, elle n’est jamais seule, même les matins, comme celui-là, où Manoé et Miro sont chez Guillaume. Deux beaux matous, Johnny Test et Everest, veillent sur leur maîtresse. «Des noms de personnages de bédé que mes fils trouvent très cool.» L’un des minous se toilettait dans un coin du salon, juste en dessous d’un tableau représentant un homme et une femme en bas-relief, dans une pose qu’on devine coquine.
«C’est une œuvre de ta mère, non?
– Oui, comment tu sais ça?» Tout de suite, une émotion… aussitôt chassée.
Je me souvenais de la description qu’elle m’avait faite du style d’œuvres signées Denise Bouchard, une infirmière devenue artiste, décédée à 55 ans, en 2000. En novembre dernier, à l’émission Accès illimité (TVA), Mariloup a craqué en évoquant l’absence de sa mère. Elle en avait déjà parlé et, normalement, la comédienne parvient à contrôler sa peine. Sauf cette fois-là et elle s’en veut. «Je ne pensais pas pleurer. C’était le décalage horaire [le tournage avait lieu au Maroc], la fatigue, je ne sais pas. Mais je ne veux pas pleurer à la télé.» Ni devant un journaliste, et encore moins devant ses enfants.
Et pourtant, des larmes, il y en a eu. Des torrents après la séparation, rendue publique par un communiqué de presse le 13 novembre 2015. «Je mentirais si je te disais que ça n’a pas été difficile… J’ai vu une psy, j’ai travaillé sur moi-même. Je devais transpirer la tristesse par tous mes pores, il fallait que je me ressaisisse devant mes fils. Ils m’ont sauvée.»
Pour eux, elle s’est forgé une carapace. «Mais je ne m’apitoierai pas sur mon sort, c’est mon côté battante.» Un trait de caractère qu’elle s’est découvert à travers les épreuves.
Bref, Mariloup a passé l’année 2016 en mode survie… tout en tournant Sur-Vie.
Alerte à Mariloup!
Réflexion sur l’actuelle soif de célébrité, Sur-Vie suit les aléas du destin de Frédérique Boileau (Mariloup), vedette locale très populaire qui, rêvant d’être big, a tenté sa chance à Hollywood. En vain. De retour au Québec, la star déchue et ruinée se voit obligée de participer à une téléréalité, campée dans un «château» de banlieue.
Au milieu d’autres aspirants – dont une actrice porno – manipulés par le producteur (Luc Picard) et tous prêts à vendre leur mère pas cher pour des miettes de gloire, Frédérique devra survivre aux manigances, crocs-en-jambe et bitcheries. On salive déjà.
Surtout depuis qu’on sait que Pamela Anderson incarne l’animatrice de ce show télévisé. Un coup de maître de la productrice, Fabienne Larouche, et des souvenirs de tournage impérissables pour Mariloup.
«En vrai, elle est comme sur les photos, dit la comédienne, encore étonnée. Comme si elle était retouchée en tout temps. Elle est magnifique, toute refaite, toujours en talons hauts. Une beauté de cette magnitude, avec quelque chose de Brigitte Bardot, c’est intrigant. Elle arrivait sur le plateau coiffée et très maquillée, d’une façon qui ne se fait plus aujourd’hui à cause du HD. Mais j’ai vu le premier épisode et ça ne paraît pas tant que ça qu’elle a six pouces de make-up de plus que nous.»
Non, les deux blondes ne sont pas devenues BFF [best friends forever]. «Elle était toujours protégée.» Toutefois, un selfie témoigne d’un fugace rapprochement. «J’ai voulu en faire un autre, je n’étais pas certaine du résultat, à cause du soleil.» Négatif: «Just one, Mariloup.» La photo est quand même réussie, et la star de Sur-Vie n’a pas à rougir de la comparaison avec la sex-symbol internationale aux 15 couvertures de Playboy.
«Avec les années, j’aime moins me voir à l’écran. Pas qu’avant j’appréciais la chose, mais ça ne me dérangeait pas vraiment. Maintenant, je trouve ça plus dur, et je sais que les gens qui vont lire cette phrase vont capoter, parce qu’on me dit toujours que j’ai tellement l’air jeune. Quand on tournait Sur-Vie, j’ai remarqué que j’étais éclairée différemment, avec une lumière qui venait par en dessous, qu’on n’utilisait pas avec les actrices de 20 ans. Tant mieux, merci. Mais c’est rushant quand même. J’ai davantage envie d’être derrière la caméra, où je ne suis pas confrontée à mon image.»
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Ça tombe bien, puisque Mariloup mène aussi une belle carrière de réalisatrice. Ce métier, on le lui a enseigné à l’Université Concordia. Celui de comédienne, elle l’a appris sur le tas. Avoir deux cordes à son arc apaise (un peu) ses angoisses d’artiste pigiste. «Je vais être honnête : en décembre dernier, je n’avais aucun contrat à l’horizon pour 2017, à part un petit truc qu’on m’avait proposé, qui se résumait à 18 jours de tournage à Québec. C’était tout.» Et puis trois offres de réalisation sont tombées du ciel, mais pas par hasard. Son travail sur la première saison de la télésérie à succès Ruptures a été remarqué. (Sans compter qu’il s’est déroulé dans des conditions difficiles, dont un débrayage de l’équipe de techniciens.) «J’ai choisi le projet qui m’allumait le plus, même si son financement n’était pas conclu. J’ai “gamblé”, j’ai mis les deux autres en attente… et j’ai bien fait!»
Les lèvres lui brûlaient de m’expliquer de quoi il retournait, mais l’annonce n’avait pas encore été faite officiellement. Quelques jours après notre rencontre, j’apprenais dans La Presse+ qu’elle pilotera la prochaine série très attendue créée par Richard Blaimert (Nouvelle adresse, Les hauts et les bas de Sophie Paquin) pour ICI Radio-Canada Télé.
Solide chef d’orchestre
Je l’imaginais, mains délicates et visage de madone, dirigeant du haut de ses cinq pieds deux pouces une grosse équipe fortement masculine, en me doutant qu’elle avait dû bosser fort pour s’imposer. Avec raison. «Il a fallu que je me batte, que je lutte contre mon image, que je sois même plus préparée qu’un gars. J’ai vécu des situations stressantes quand j’ai réalisé mon premier film, Les pieds dans le vide: un budget de 4,2 millions, avec des cascades, des responsabilités immenses, et j’avais 30 ans. Depuis, j’ai pris de l’assurance, j’ai appris à gérer mon stress. Je fonctionne mieux aux tapes dans le dos qu’aux crises de nerfs. Oui, on fait un métier extraordinaire, et non, on ne sauve pas des vies.»
Son nouveau cheval de bataille: rappeler aux producteurs qu’elle est aussi une maman. «Cette semaine, je fais passer des auditions aux comédiens. Ça devrait se terminer vers 17h, mais je dois aller chercher mes enfants plus tôt, alors je vais finir à 16h. Et vendredi, j’ai fait déplacer une réunion ici – j’irai chercher les garçons à l’école, ils joueront ou regarderont la télé pendant qu’on va travailler. Je n’ai pas le choix d’imposer cela. Avant, ça me mettait mal à l’aise, maintenant je m’assume: vous m’avez choisie, c’est ma vie. Je sais que je vais regretter davantage de ne pas avoir été une bonne mère que de ne pas avoir été une bonne réalisatrice qui répond à tous ses courriels en soirée et n’a pas le temps de chanter des comptines au dodo. Il faut faire des choix pour être en paix avec soi-même, et je le suis de plus en plus.»
Il faut lire les commentaires de plusieurs de ses 100 000 amis Facebook pour constater combien ils sont préoccupés par l’après-Guillaume. La principale intéressée n’est pas pressée de retomber amoureuse. «Ce qui est spécial dans mon cas, c’est que, quand je me suis séparée, à cause du communiqué de presse, tout le monde a su que j’étais célibataire. Tout d’un coup, je me faisais cruiser, ce qui ne m’était pas arrivé depuis 15 ans. C’est déstabilisant.»
Elle a débarrassé la table, puis rassemblé ses idées avant de reprendre: «Je ne dis pas non à ça, faire entrer quelqu’un dans ma vie, mais plus à temps partiel. Guillaume, c’était mon amoureux, mon chum, mon amant, mon confident, mon meilleur ami, mon partenaire dans tout. Il remplissait toutes les cases. Je ne veux plus ça. Peut-être que j’équilibrerai mieux ma prochaine relation. En ce moment, la case amour et affection est comblée par mes enfants. La case amitié aussi.»
À la blague, je lui ai demandé: «Et la case amant?» Elle a ri. Il était 9h15, je devais partir. Mariloup, on se revoit dans trois ans?
Sur-vie, le jeudi à 22h, sur les ondes de séries+ (jusqu’au 11 mai).
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