Entrevues

Mariloup Wolfe fait le grand saut

On connaît la comédienne, mais que sait-on de la cinéaste ? Cet été, son film Les pieds dans le vide nous la fera découvrir dans ce nouveau rôle. Rencontre avec une artiste en train de se redéfinir.

J’attendais une blonde. C’est une rousse qui arrive. « C’est pour les besoins d’un rôle », explique Mariloup Wolfe avec sa voix qui sautille. « J’ai hâte de redevenir blonde, même si, au Québec, ce sont les brunes qui ont les rôles-titres. Les blondes jouent les séductrices ou les bitches finies. » Bang. Spontanée et directe, la Mariloup. Elle sait toujours ce qu’elle veut… sauf en ce moment.

Hier, elle a jeté les boîtes où elle conservait ses cahiers d’école. Il y a peu de temps, elle a décroché tout ce qui était aux murs de sa maison. Un ménage symbolique. « Mon chum capote de me voir aller, mais j’ai besoin de faire de la place. » Place pour quoi ? Elle prend sa tasse de thé vert, me fixe de ses yeux pers. « Je ne sais pas. Je suis en… questionnement. »

Question un : Qui est-elle maintenant ? Pour le moment, elle sait surtout qui elle ne veut plus être. Pendant huit saisons, de 2001 à 2008, elle a incarné Mariane, étudiante en design de mode, dans le téléroman Ramdam. Ce rôle a fait d’elle une star auprès des 15 ans et moins. À preuve, cette gamine aux yeux brillants d’admiration qui interrompt notre conversation pour réclamer un autographe.

Le problème, c’est que Mariloup Wolfe a beau avoir joué dans mille téléséries (La Vie, la vie, 2 frères, Caserne 24, C.A.) et films (À vos marques… Party ! 1 et 2), avoir tenu la barre de Fais ça court !, une émission sur le court métrage, rien n’y fait : Mariane lui colle à la peau. Certes, le costume lui a plu mais, à 31 ans, il ne lui convient plus. Elle cherche de nouveaux habits – sur mesure.

Question deux : que veut-elle faire ? Ici, deux identités s’affrontent : la comédienne qu’on connaît et la réalisatrice qu’on s’apprête à découvrir – son premier long métrage, Les pieds dans le vide, sortira en salle le 14 août prochain. Une histoire de triangle amoureux, de relation mère-fille, d’homosexualité, d’avortement, de mort et d’espoir, sur fond de parachutisme. Comédienne, réalisatrice, laquelle aura le dernier mot ?

C’est clair, Mariloup Wolfe vit un moment charnière. « Ça m’insécurise un peu », avoue-t-elle. À l’approche de la sortie du film, l’angoisse se lit dans son regard. « Certains critiques m’attendent avec une brique et un fanal », laisse-t-elle tomber.

Pourquoi ne la prendrait-on pas au sérieux ? D’abord, il y a ce visage angélique et cette stature frêle (1,55 m – 5 pi 2 po) qui lui donnent l’air d’avoir 18 ans et demi. Le tout assorti d’une allure très fashion qui s’apparente à celle – eh oui, encore elle ! – du personnage de Mariane, plutôt déluré. « Je suis tout le contraire de ça. Mes amis me surnomment “Cendrillon-qui-s’en-va-avant-minuit” tellement je suis sage. En fait, j’aimerais être plus fofolle. » Elle ajoute être heureuse loin des clameurs, en compagnie de son amoureux, le comédien Guillaume Lemay-Thivierge.


 

Mariloup nous dévoile ses coups de coeur cinématographiques.


 

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Éric Bruneau, Laurence Lebœuf et Guillaume Lemay-Thivierge dans Les pieds dans le vide.

Ensuite, qui connaît ses talents de cinéaste ? D’ailleurs, quand on lui a confié les commandes des Pieds dans le vide, plus d’un a été surpris. Le choix était d’autant plus étonnant dans un contexte où, encore récemment, des réalisatrices québécoises montaient aux barricades, se plaignant de devoir ferrailler plus fort que leurs vis-à-vis masculins pour pouvoir tourner leurs films. Comment Mariloup Wolfe, débarquée de nulle part, a-t-elle pu le faire si aisément ? D’abord, précise-t-elle, il y a erreur sur la personne. « J’ai fait mes classes durant des années. Tenir une perche, rouler des câbles, être assistante à la caméra, réaliser des pubs et des courts métrages… je connais. Que je dirige ce film ne tient pas pantoute du conte de fées », tranche, polie mais visiblement excédée, la diplômée en production cinématographique de l’Université Concordia.

Aller voir des films, en écouter en boucle chez elle, les analyser… « Le cinéma, c’est mon travail et mon passe-temps. C’est ma vie. » Et ça vient de loin… « Ma passion pour l’écran est un héritage paternel », dit la fille de Marcel Wolfe, un psychiatre fou de cinéma. Il possédait des centaines de cassettes VHS : de grands classiques, mais aussi d’autres films plus obscurs. Il traînait la petite Mariloup à des projections au Festival des films du monde. « Je détestais ça ! Mais, petit à petit, la flamme a grandi. »

Au cégep, elle s’est d’abord inscrite en sciences (pour devenir une scientifique, comme papa)… puis a bifurqué vers les communications. Car, au final, c’est en faisant ce qu’elle aime qu’elle rend son père le plus heureux. « Devenir cinéaste était son rêve. »

Ses premiers courts métrages (Les petits souliers en 1997, Open Mind et Fly Fly en 2001), elle les réalise pendant ses études collégiales et universitaires. En parallèle, elle entame une carrière de comédienne. C’est par la figuration qu’elle a découvert cet univers, son frère aîné travaillant alors dans une agence de casting. Mais au-dedans, elle piaffe : elle veut réaliser.

En 2004, le patron d’une firme de relations publiques retient ses services pour l’aider à décrocher un contrat de pubs gouvernementales destinées aux ados. « J’ai dit : ‘‘Parfait. Mais, si tu l’emportes, je réalise.’’ Et il a gagné ! Quand je me suis présentée sur le plateau, j’entendais les techniciens soupirer : ‘‘Oh boy ! Avec elle, ça va être long” », raconte en riant celle qui depuis a signé une dizaine de publicités.

N’empêche. Avec un long métrage comme Les pieds dans le vide, on change tout de même de ligue, non ? Elle sourit. « Quand Vincent [Bolduc, comédien et auteur du scénario auquel elle a collaboré] m’a présenté les producteurs, ils m’ont dit : “Tu n’as pas assez d’expérience, tu n’y arriveras pas.’’ Aïe ! J’ai répondu net : ‘‘Je veux faire ce film. J’ai ce qu’il faut pour réussir.’’ Quand tu ne doutes pas, les gens cessent de douter. »

Bien sûr, le scénariste est son ami. Bien sûr, son chum est copropriétaire d’une école de parachutisme (Voltige), le sport en vedette dans le film (plusieurs scènes y sont tournées). Bien sûr, tout cela n’a pas nui. Mais on s’entend : il en faut pas mal plus pour confier un budget de quatre millions de dollars à quelqu’un.


 

Sous ses allures de poupée fragile, Mariloup Wolfe a la détermination du soldat qui monte au front. « Je fonce. Mais je ne sais pas toujours vers quoi », dit-elle avec honnêteté. Après la première journée de tournage, elle a pleuré. « Les contraintes techniques, la responsabilité du budget, la direction d’acteurs, je croyais ne pas y arriver… Mais je l’ai fait et je recommencerais demain. »

Si son amour du cinéma est un legs de son père, son opiniâtreté lui vient de sa mère, la peintre et sculpteure Denise Bouchard, qui a succombé à un cancer du poumon il y a huit ans. Elle n’avait que 53 ans. Un départ qui laissera à jamais une empreinte sur sa fille. « Elle était trop jeune pour mourir. Elle avait des espoirs et plein de projets. J’ai compris qu’il faut tout faire pour vivre ses rêves. Tout de suite. »

Le deuil reste encore à faire. « J’en ai beaucoup voulu à ma mère de continuer à fumer, de ne pas se battre. Pendant, et après aussi. Et puis, j’ai des regrets. J’aurais dû arrêter mes cours pour rester avec elle. » Pause. « C’est dur de ressasser tout ça… »

La religion, avec ses espoirs d’un au-delà, n’est pas présente chez les Wolfe. Pourtant, un signe fait croire à Mariloup que, d’où elle est, sa mère veille sur elle. « Quelques mois après son décès, j’ai rencontré Guillaume. Elle l’a mis sur ma route. Je l’appelle “mon ange”… » Un ange passe. Et repart aussitôt.

« Ç’a été une période terrible, mais je ne me suis pas écrasée, je suis restée debout », conclut-elle, tête bien haute. Mariloup ne flotte jamais longtemps dans les nuages. Vite, elle redescend sur Terre.

Justement, revenons à ses valses-hésitations actuelles. S’il fallait choisir entre… « Réalisatrice ou comédienne ? coupe-t-elle, flairant l’inévitable question. Je ne veux pas choisir. » Mais s’il le fallait ? « Alors, ce serait la réalisation. » Parce que c’est plus créatif et qu’être au cœur d’un projet l’allume « au boutte, au boutte ». Ensuite, parce que la réalisatrice a le contrôle. « Comme comédienne, on est toujours trop blonde, trop petite. Trop ou pas assez. Voir sans cesse son image attaquée, c’est “toffe” », soupire-t-elle.

Parlons-en, de cette image. Malgré son air juvénile, l’an dernier, dans le cadre de l’antigala KARV de VRAK.TV, des centaines de jeunes l’ont élue dans la catégorie « L’artiste québécoise que vous voudriez comme mère ». « Ça m’a euh… étonnée ! Puis flattée : une mère, c’est quelqu’un en qui on a confiance. Guillaume a été choisi comme père ! Les jeunes nous envoyaient le message qu’on ferait des parents cool, je crois. Après tout, j’ai l’âge d’avoir un enfant de 8, 10 ans, non ? »

Sauf que le premier bébé n’est pas encore né ! Le couple y travaille. Guillaume, lui, a déjà une fille de huit ans, Charlie. « Entre nous deux, l’apprivoisement s’est fait peu à peu. Aujourd’hui, elle vit avec nous une semaine sur deux : on s’entend très bien. » Elle poursuit : « L’idée de prolonger l’histoire d’amour que je vis avec Guillaume par un trip familial, ça me tente, même si j’ai peur de perdre ma liberté. » Si un garçon naît, il se prénommera Émile. Comme dans Monsieur Émile, l’irrésistible ti-cul incarné en 1985 par le jeune Guillaume Lemay-Thivierge dans le film Le matou. Et si c’est une fille ? « Ça reste à décider ! »

D’ici là, dans la maison au bord de l’eau de Sainte-Anne-des-Lacs, dans les Laurentides – où la fille élevée sur le Plateau-Mont-Royal a accepté d’emménager pour plaire à son « homme du Nord » –, Mariloup peaufine un scénario sur la mort. Et un autre avec Guillaume, où se multiplient les scènes d’action « parce que ça nous plaît. Tant pis si c’est mieux vu de faire des films intellectuels ! »

Jouer l’intello ? Pas son truc. Elle n’hésite pas à dire que la psycho pop l’aide à vivre. Certaines recettes lui ont réussi. « J’avais lancé deux souhaits dans l’Univers : réaliser un long métrage au tournant de mes 30 ans et obtenir un rôle principal dans une série qui me montrerait sous un nouveau jour. » Objectifs atteints.

Au moment de notre rencontre, elle achevait le tournage de la télésérie Musée Éden, d’où la chevelure rousse (sortie prévue en 2010). Elle y incarne la propriétaire d’un musée de cire qui reconstitue des scènes de crime dans le Montréal des années 1910. « Elle est austère, limite plate. Difficile de demander mieux. »

Tout est parfait, à part ces deux « petites » questions qui restent ouvertes. Qui est-elle ? Que veut-elle ? « Pour la première fois, je n’ai pas la réponse. » Elle sait par contre qu’au lendemain de la sortie des Pieds dans le vide, il y aura un gros party chez elle. « J’aurai besoin de mes amis. Pour célébrer ou pour me consoler. » Un bon accueil signifierait une nouvelle étape. Elle retient son souffle.

Un vrai suspense ! À cette remarque de ma part, elle s’illumine. « Suspense : oui c’est ça, je me sens comme en suspens. En attente de, à la veille de quelque chose… » La suite dans un cinéma près de chez vous.

Bio express
1978 Naît à Montréal le 3 janvier, d’un père psychiatre et d’une mère peintre et sculpteure. Elle a un frère, Sébastien, de six ans son aîné.
1985-1988 Suit des cours de piano au Conservatoire de musique de Montréal.
1997 Passe près de cinq mois en Angleterre pour y apprendre l’anglais. « Mais je n’ai pas le don des langues. »
1998 Termine un D.E.C. en arts et communication au Collège André-Grasset, à Montréal.
1999 S’inscrit en production cinématographique à l’Université Concordia.
2001 Joue une ex-blonde dans la populaire série La Vie, la vie (Radio-Canada). Ce sera un de ses premiers rôles dignes de ce nom à la télévision.
2001 Débuts de l’émission jeunesse Ramdam. Mariloup se glisse dans la peau de Mariane. Cette performance lui vaudra au fil des ans un MetroStar, deux Artis et un Gémeaux. C’est aussi cette année-là qu’elle croise Guillaume Lemay-Thivierge, qui joue Max dans la série. Ils sont ensemble depuis.
2005 Incarne Brigitte dans le film C.R.A.Z.Y., de Jean-Marc Vallée.
2006-2007 Réalise trois épisodes de la série Kif-Kif à Radio-Canada.
2007-2008 Est animatrice de la série Fais ça court ! sur les ondes de Télé-Québec.
2007 et 2009 Personnifie Sandrine dans les films À vos marques… Party ! 1 et 2.
2009 Signe son premier long métrage, Les pieds dans le vide.

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