Entrevues

Maman Dion : la bonne fée des fournitures scolaires

À la rentrée, le quart des élèves québécois n’auront pas ce qu’il faut pour démarrer l’année.

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À la rentrée, le quart des élèves québécois n’auront pas ce qu’il faut – fournitures, vêtements neufs, lunettes – pour démarrer l’année scolaire du bon pied. Heureusement, une bonne fée aux cheveux blancs pense à eux. 

Maman Dion est en feu. Elle blague avec la maquilleuse. Jette un œil vers la photographe, qui cherche le bon angle. Poursuit une conversation avec Claudette, l’une de ses neuf filles, qui la couve du regard. Répond à Liette Dion, sœur de l’autre, affectée à la réception. Tout cela sans rater le tempo. Môman, comme dit Céline, se mettrait à giguer que personne ne serait surpris. Paraît qu’elle a 87 ans ? On veut des preuves !

Pêle-mêle sur une grande table, vêtements, sacs à dos et crayons attendent d’être inspectés, classés puis empaquetés avant de partir vers les quatre coins de la province et les 2 000 enfants qui les attendent. Les témoignages de reconnaissance de leurs prédécesseurs tapissent le mur de lettres et de dessins pleins de cœurs, d’étoiles et de « Merci, Maman Dion ».

Le siège social de la Fondation maman Dion, à Charlemagne, en banlieue de Montréal, n’a rien de glamour. Malgré l’aura quasi palpable de Céline – née à un vol de colombe de là – et le boulevard Céline Dion, visible des fenêtres, la vedette ici, c’est Thérèse. Avec les années, par association, par sa personnalité également, Thérèse Tanguay-Dion est passée de mère courage (élever 14 enfants avec peu de moyens mais beaucoup d’imagination) à mère de star planétaire. En chemin, elle a gagné un nouveau prénom (ce sont les Français qui ont commencé à l’appeler Maman Dion, et c’est resté). Et une place dans le folklore québécois. « Moi-même, quand je repense à ma vie, j’y crois pas. Je me demande souvent : mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? »

En attendant une réponse, elle donne. Son temps, entre autres. « Cette année, nous avons reçu plus de 6 000 demandes, et j’ai ouvert pas mal toutes les lettres. » Depuis le mois de mars, elle passe ses journées à la Fondation, sauf le week-end : « Je reste à la maison, faut ben que je fasse mon lavage. »

Elle utilise sa renommée – et son charme de grand-maman gâteau maison iconique, pour lequel Nicolas Sarkozy et Nelson Mandela, pour n’en nommer que deux, ont craqué – pour attirer des partenaires, comme Lunetterie New Look, qui offre l’examen de la vue et les verres correcteurs. Et recruter des personnalités capables de soulever les foules ou de collecter des fonds : la dragonne Danièle Henkel, la productrice Denise Robert, le touche-à-tout Marc Hervieux… Comment dire non à Maman Dion ?

L'événement annuel «Une soirée où le rire fait du bien», au profit de la Fondation Maman Dion, aura lieu en octobre prochain au Golf Le Mirage, à Terrebonne (propriété de Céline et René).

L’événement annuel «Une soirée où le rire fait du bien», au profit de la Fondation Maman Dion, aura lieu en octobre prochain au Golf Le Mirage, à Terrebonne (propriété de Céline et René).

Elle-même ne sait pas dire non. « Mon père, mon idole, donnait tout à tout le monde et me disait : “Partage, Thérèse.” » Jouir d’un accès direct à Céline et avoir le cœur sur la main est un problème : le flot des quémandeurs est incessant, les drames toujours plus déchirants. Pour juguler le torrent, l’un de ses fils lui a un jour suggéré de créer sa propre fondation, il y a une dizaine d’années, raconte Maman. Ainsi, elle ferait sa part pour soulager un peu la misère dans un cadre défini. Le choix de s’occuper des enfants était naturel ; jeune fille, en Gaspésie, elle rêvait de devenir infirmière et de « sauver les p’tits Chinois en Afrique ». Elle n’a pas changé, sauf pour une amélioration notable en géographie, à force d’accompagner Céline en tournée dans le monde. « Je suis chanceuse de me battre pour les jeunes. Comme me le dit ma sœur Jeanne, qui a 95 ans : “T’es une battante et tu l’as toujours été.” »

Malheureusement, ces jours-ci, elle doit se battre davantage. « La Fondation a connu une légère baisse de revenus, entre autres parce qu’il y a beaucoup de chômage », analyse Maman Dion. Qui a dû combler les trous en puisant dans son bas de laine. Des économies amassées pendant ses cinq années d’émissions de cuisine « très bien payées » à TVA, suivies de trois années de tournées dans tout le Québec.

La fierté faite femme, Maman Dion ne veut pas demander d’aide à Céline (qui lui prête main-forte quand même : « Elle m’a donné 100 000 dollars cette année »). « Elle a ses causes [dont Sainte-Justine], René aussi [une chaire contre le cancer au CHUM porte son nom], on ne peut pas mélanger tout ça. » Malgré tout, la fortune de sa cadette – estimée à 721 millions par le magazine Canadian Business – en fait tiquer quelques-uns. Certains lancent des remarques fielleuses : « Pourquoi vous vendez des billets ? Avec Céline, vous avez pas besoin d’argent. » « Ça fait mal, mais j’essaie d’oublier ça. C’est du négatif. Je pense positif. »

Maman pense surtout à démolir la maison familiale, sise à deux rues de la Fondation, où une plaque rappelle qu’un destin exceptionnel y a vu le jour en 1968. Vide depuis des années, elle appartient toujours à la veuve d’Adhémar, qui refuse qu’on en fasse un musée, malgré les pressions municipales et celles de certains fans. « René me retient depuis sept ans, mais là, je suis tannée. Je veux faire construire un édifice à la place, avec des condos à vendre et la Fondation au rez-de-chaussée. Le loyer coûte cher ici, on garderait cet argent-là pour les enfants. »

 

Pour plus d’informations sur les activités de la Fondation maman Dion, rendez-vous sur fondationmamandion.org.

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