Chère Léa,
Suis-je dans les tubercules? Il me semble qu’avoir ou non des enfants est la seule décision vraiment irréversible. On peut larguer son conjoint, déménager à St-Glinglin puis à Tombouctou, reprendre ses études, changer de job. On peut même effacer le papillon qu’on s’est fait tatouer sur l’épaule à 16 ans. Mais on ne peut décider à 30 ans qu’on n’aura pas d’enfant puis changer d’idée à 45 ans. Et encore moins en faire un ou deux puis revenir sur sa décision par la suite. Sauf dans quelques cas toujours très graves.
En plus, cette décision détermine une grande partie de ce que sera ta vie d’adulte. Et (tape-moi dessus si tu veux), elle l’est encore plus pour une femme, je dirais. Même de nos jours. Et, comme le yogourt, la question porte la mention Meilleur avant. Si tu n’y réponds pas au bon moment, la décision se prendra sans toi.
Bref, bien assez de pression comme ça. Pas besoin, me semble, de se soucier en plus de ce qu’en pensent Pierre, Jean, Jacques, Maïthé et Frédérique.
D’autant que, quoi que tu décides, il y aura toujours des gens pour critiquer. Tu ne veux pas d’enfants? Tu es une égoïste qui ne pense qu’à son plaisir et sa tranquilité. Ou une carriériste. Probablement les deux, d’ailleurs.
Tu en veux? Tu es une égoïste qui n’a pas réfléchi à la vie que ce petit ange aura sur notre planète malade. Mais tu DOIS l’allaiter. Si tu restes à la maison quelques années, tu mets ta sacro-sainte carrière en péril. Mais si tu l’envoies à la garderie, tu es une égoïste, encore. Et puis, de toute façon, ta belle-sœur et le voisin d’en face ne seront jamais d’accord sur tes méthodes d’éducation.
On n’en sort pas. Alors, vraiment, la seule opinion qui compte c’est la tienne, non? Et celle du chéri avec qui tu t’embarquerais, ou non, dans cette aventure. Qu’est-ce que vous voulez, vous, vraiment?
La seule chose que je puis te dire d’expérience, c’est que oui, il y a de la place pour les femmes sans enfants. Et qu’il y a même moyen d’être très heureuse.
Louise
Louise Gendron | Photo : Maude Chauvin
