Depuis la fin du mois d’août, plus de 620 000 Rohingyas ont fui leur domicile au Myanmar et trouvé refuge dans des camps au Bangladesh, afin d’échapper aux violences des forces armées du pays (le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a évoqué une campagne de nettoyage ethnique). Les Rohingyas sont une communauté musulmane minoritaire établie dans l’État de Rakhine, au Myanmar, à qui l’on refuse la citoyenneté depuis 1982, et qui fait l’objet de persécution depuis les années 1970.
Début novembre, deux travailleuses d’Oxfam Canada ont visité les camps d’Unchiprang et de Balukhali, dans le sud du Bangladesh, afin de se rendre compte des conditions de vie des réfugiés et de la façon dont Oxfam répondait à leurs besoins. « On peut difficilement se faire une idée de l’ampleur de la crise avant d’arriver sur place, témoigne Brittany Lambert, spécialiste en politiques concernant les droits des femmes auprès de l’organisme. « Même si l’on connaît les chiffres, quand on arrive et qu’on aperçoit tous ces gens, entassés, et les abris qui s’étendent à perte de vue... » Brittany Lambert et sa collègue Kate Higgins, directrice des politiques et des campagnes chez Oxfam Canada, ont rencontré plusieurs familles dans chacun des camps. Elles nous livrent le portrait de cinq femmes, avec un bref récit de l’histoire de chacune.
Arefa et ses six enfants, âgés de 4 à 19 ans, vivent au camp de réfugiés d’Unchiprang depuis environ un mois. Le mari d’Arefa n’est pas avec eux; il a dû se rendre à un camp plus grand afin de recevoir des soins médicaux. Sa famille a mis une semaine pour se rendre à Unchiprang, un trajet effectué sous la pluie incessante et sur des chemins boueux. Le bateau sur lequel ils ont traversé le fleuve Naf, qui sépare le Myanmar et le Bangladesh, était si chargé de passagers qu’une femme est tombée par-dessus bord. Comme les familles ne reçoivent qu’un seul coupon de rationnement au camp, la famille d’Arefa souffre souvent de la faim. Sa fille et son gendre, qui vivent au camp de réfugiés de Balukhali, sont venus l’aider pendant l’absence de son mari.
Azara vit au camp de réfugiés d’Unchiprang avec son mari et leurs quatre enfants, âgés de 6 à 15 ans. Ils ont fui leur demeure après que des hommes vêtus d’uniformes de l’armée eurent attaqué leur village et les eurent fouillés en leur arrachant leurs vêtements. Le frère d’Azara a été tué, et sa belle-sœur et la famille de celle-ci ont fui avec eux. Ils sont parvenus au camp au bout de trois jours et ont été parmi les premiers réfugiés du camp. Azara dit recevoir suffisamment à manger, mais doit, pour s’approvisionner en eau, parcourir une longue distance sur un chemin escarpé et difficilement praticable. Elle est aussi tombée à plusieurs reprises en se déplaçant dans les sentiers étroits et boueux du camp.
Noor a quatre enfants et est enceinte de son cinquième. Sa famille a marché pendant plusieurs jours sous la pluie avant d’arriver à Unchiprang. Son mari transportait leurs biens et elle a porté leurs deux plus jeunes enfants, âgés de trois et d’un an, pendant presque tout le trajet. Elle et les enfants ont tous été malades depuis leur arrivée, mais Noor dit qu’ils se sentent en sécurité au camp. C’est leur fille de sept ans qui a poussé Noor et son mari à fuir au Bangladesh, parce qu’elle craignait qu’ils seraient tués s’ils restaient.
Rajuma est arrivée au camp de réfugiés de Balukhali au bout de 17 jours de marche. Elle a fait le voyage avec sa fille, elle-même mère et en fin de grossesse. Incapables de trouver un bateau pour traverser au Bangladesh, elles ont dû se construire un radeau avec des branches et abandonner toutes leurs possessions. À Balukhali, Rajuma habitait dans un abri de fortune aux confins du camp, près des latrines. Elle a contracté une diarrhée grave, probablement, croit-elle, en buvant de l’eau contaminée puisée d’un trou à même le sol. Elle ne savait où aller ni à qui s’adresser pour obtenir de l’aide médicale.
Yasmine vit avec son fils, sa bru et ses deux petits-enfants. Ils se sont rendus à Unchiprang à pied, se reposant dans des habitations abandonnées le long de la route. Yasmine a des problèmes de santé et a besoin d’une chirurgie à l’estomac. Elle est allée à la ville de Cox’s Bazar pour consulter un médecin, qui lui a dit que l’opération coûterait 20 000 takas bangladais (environ 310 $CA). Comme elle n’a pas cette somme, elle est retournée au camp et endure une douleur chronique, malgré les analgésiques que lui fournit Médecins sans frontières. Elle espère retourner au Myanmar un jour et retrouver sa maison et ses biens. Si d’autres retournent, elle les suivra.
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