Dehors, les flocons cotonneux tombent à plein ciel. L’hiver québécois est bon. Il réconforte, apaise, procure un répit. Il crée l’illusion qu’on peut décélérer, arriver en retard ou se terrer chez soi jusqu’au prochain dégel.
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Un peu de neige, et tout est en suspens. Bien emmitouflée, j’aime croire que mes dimanches de paresse hivernale sont hors de portée du tumulte. Mais, en dehors de mon cocon, de ces quelques heures de détente, le monde s’agite.
La vie va. Avec ses moments de grâce, ses revers et ses coups de pied au cul. Personne n’est à l’abri des épreuves. Personne. Ça nous tombe dessus sans avertir. Bang ! Tous, nous sommes démunis devant les pertes soudaines, les brusques changements de trajectoire – pour nos proches comme pour nous-mêmes. Ici, des collègues qui se retrouvent sans emploi, là, un ami qui perd l’amour de sa vie.
Quand je cherche des réponses, j’ouvre les livres de ma bibliothèque. Et je relis les passages que j’ai soulignés, annotés, marqués d’astérisques. Je suis tombée sur Sable mouvant – Fragments de ma vie (Seuil) de Henning Mankell, que j’ai lu il y a plusieurs mois. Après avoir reçu un diagnostic de cancer, l’écrivain suédois s’est mis à raconter son existence à travers des anecdotes toutes simples, des paysages grandioses et des rencontres marquantes en Argentine, en Espagne, ou encore au Mozambique, où il a vécu. « Tous, nous nous interrogeons. C’est un trait que nous avons en commun. Je ne connais personne qui n’ait jamais regardé les étoiles par une froide nuit d’hiver en s’interrogeant sur le sens et les aléas de la vie. Beaucoup renoncent, cessent de poser des questions, haussent les épaules et vaquent à leurs occupations quotidiennes comme s’il n’existait pas d’énigmes. Certains abandonnent dès leur jeunesse, d’autres s’entêtent un peu plus longtemps. Mais le haussement d’épaules philosophique intervient tôt ou tard. Pour des milliards d’êtres humains, on peut comprendre que la simple possibilité de réserver du temps à la réflexion est un luxe inaccessible. C’est là l’une des injustices les plus flagrantes du monde dans lequel nous vivons. Que certains aient le temps de réfléchir alors que d’autres n’en ont pas le loisir. Chercher le sens de la vie, cela devrait être inscrit dans les droits fondamentaux de l’homme », a-t-il écrit avant de s’éteindre à l’automne 2015.
C’est l’une de ces journées où, pour moi, il n’y a que cette phrase interrogative qui résonne : « Pourquoi ? » Je ne suis ni déprimée ni angoissée. Seulement sans voix devant une petite question. Il reste heureusement les mots-réconfort de Mankell. « Nous devons sans cesse veiller à ce que l’espoir soit plus fort que le découragement. Sans espoir, il n’y a pas, au fond, de survie possible. Cela vaut pour le cancéreux comme pour tout un chacun. »
Dehors, les flocons virevoltent. Dans ma cour, un épais duvet blanc a fait disparaître toute trace de végétation. Mais je sais qu’au prochain printemps se pointeront crocus, jonquilles, pissenlits… Comme un éternel et joyeux recommencement.
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