Société

Avec ou sans soutif ? Pour le meilleur et pour le pire

Nous avons été nombreuses à délaisser nos soutiens-gorges au cours des derniers mois. Ce relâchement aura-t-il des conséquences sur le tonus de nos seins ? Notre journaliste départage le vrai du faux.

Dès les premiers jours de la pandémie, j’ai replié mes soutiens-gorges à armatures tout au fond de mon tiroir. Ils y sont encore. La plupart du temps, je choisis ma bralette préférée, dont le nylon élimé offre à peu près la tenue d’un mouchoir. Et souvent, je ne porte rien du tout.

Je ne suis pas la seule à avoir profité des restrictions imposées par la COVID-19 pour déconfiner ma poitrine. De nombreuses amies m’ont avoué avoir agi de même. Des mouvements tels le No Bra (pas de soutien-gorge) ou le Slow Bra (pas de soutien-gorge contraignant) ne datent pas d’hier, mais ils ont pris un véritable essor ces derniers mois. Pendant l’année qui vient de s’écouler, une seule chose importait : le confort.

L’impulsion s’est aussi fait sentir en France. La proportion de femmes ayant affranchi leur buste de toute entrave y est passée de 3 % avant la pandémie à 7 % en confinement, révèle une enquête de l’Institut français d’opinion publique. Cette tendance est encore davantage marquée parmi les femmes de moins de 25 ans, chez qui ce chiffre est passé de 4 % à 18 %.

Le rôle du soutif

On nous répète depuis l’adolescence qu’il faut mettre un soutien-gorge si on veut maintenir un buste bien galbé. Dans ce cas, ce relâchement risque-t-il d’avoir un effet sur sa forme ? Fraîchement libéré, est-il déjà en train de s’affaisser ?

« Non, pas du tout ! » assure la Dre Maud Bélanger, chirurgienne plasticienne. « En général, un soutien-gorge ne prévient pas la ptose mammaire [un sein tombant]. Qu’on en porte un ou non, les ligaments de Cooper, qui tiennent nos seins en place, s’étirent avec le temps », explique-t-elle.

Les femmes qui pratiquent un sport d’impact, comme le jogging, ont tout de même intérêt à en enfiler un si elles veulent éviter un mouvement de va-et-vient qui risque d’étirer la peau, d’après la chirurgienne. Même chose pour les femmes qui ont une très grosse poitrine. À partir d’un C ? Un D ? « C’est difficile à dire. Un sein peut être glandulaire, donc plus lourd qu’un sein de la même taille, mais graisseux », explique-t-elle. Pour les autres, ça ne change pas grand-chose, à son avis.

Aucune étude sérieuse n’a été effectuée pour connaître les effets à long terme de ce sous-vêtement sur l’aspect des seins. Les travaux les mieux connus à ce sujet sont ceux qu’a menés le DJean-Denis Rouillon, médecin du sport à l’hôpital de Besançon et professeur à l’Université de Franche-Comté, en France, aujourd’hui retraité. Mais ses résultats étaient préliminaires et son groupe de volontaires n’était pas représentatif de l’ensemble de la population, admettait-il lui-même.

Sur une quinzaine d’années, il a mesuré la poitrine d’environ 300 femmes âgées de 18 à 35 ans ayant abandonné le soutien-gorge. Résultat : après un an, les mamelons étaient en moyenne de 7 mm plus… hauts ! Le médecin affirme que la fermeté du sein s’améliorait et que les vergetures s’estompaient.

Selon lui, le tissu musculaire du haut du buste se tonifiait ainsi davantage, et le tissu conjonctif (constitué de collagène et de fibres élastiques) à l’intérieur du sein se raffermissait. Mais chacune de ces femmes était suivie sur une durée limitée et les résultats de l’étude, achevée en 2013, n’ont jamais été publiés dans une revue scientifique. Les travaux du DRouillon ont tout de même inspiré un important courant de pensée sur les médias sociaux où des femmes jurent que leur poitrine a gagné en beauté depuis qu’elles ont largué cette pièce maîtresse de la garde-robe féminine.

L’insoutenable légèreté du sein

À la poubelle, donc, les soutifs ? Pas si vite, tranche la Dre Geneviève F. Caron, chirurgienne plasticienne, en précisant que la méthodologie de l’étude française comprenait de nombreuses lacunes : l’échantillonnage péchait par sa petitesse. Les patientes pratiquaient des sports, ne fumaient pas et avaient 35 ans ou moins. L’effet de la gravité ne s’était donc pas encore fait sentir.

« Le sein tombe en fonction de son poids et de la gravité. C’est de la physique pure. Si nous étions sur la lune, nous n’aurions pas cette conversation… Et je n’aurais pas de travail ! » s’exclame la chirurgienne, qui estime qu’au-delà de 90 % des patientes venant la voir pour un redrapage mammaire ont plus de 35 ans.

Le fait de vivre seins libres pourrait-il tonifier le tissu conjonctif ou les muscles de la poitrine ? La chirurgienne ne voit pas trop comment… Les pectoraux peuvent gonfler le thorax si on les renforce. Mais ils ne soulèvent pas des seins affaissés, estime-t-elle. « Je passe bien du temps à en opérer, et je confirme qu’ils contiennent beaucoup de gras, un peu de glandes et pas de muscles. »

C’est surtout la génétique qui détermine la forme du buste, selon la médecin. « Ça dépend de la qualité de la peau. C’est le point faible, parce qu’elle peut s’étirer facilement », dit-elle. Certaines femmes portent du 34 DD tout en hauteur. D’autres ont la peau mince, et des seins plus tombants.

Pour vraiment savoir si le soutien-gorge peut les préserver, il faudrait des observations rigoureuses. Mais celles-ci exigent du temps et de l’argent. « Ça n’a jamais été fait parce que le sujet a peu d’effet sur la pratique médicale », avance la Dre Caron.

Question de poids

Ce qui risque surtout d’affecter l’aspect de notre buste cette année, selon elle, ce sont les variations de poids, très répandues depuis le début de la pandémie. Environ 15 % des Canadiens ont perdu du poids et plus de 30 % en ont gagné, indique un sondage Léger mené auprès de 1 500 répondants.

C’est ce qu’a constaté Josée Brousseau, propriétaire depuis 40 ans de la boutique J.A.Bourré Corsetière, à Montréal. « Toutes mes clientes me disent qu’elles ont pris du poids cette année : soit du tour de taille, soit du bonnet », relate t-elle. Comme pour lui donner raison, notre conversation est interrompue par l’arrivée de deux clientes qui lui confient ne plus savoir quelle taille leur convient parce qu’elles ont pris quelques kilos.

L’essentiel est de choisir un modèle bien ajusté. À son avis, la plupart des femmes achètent un soutien-gorge trop petit. « Si la première chose qu’on a envie de faire en rentrant à la maison est de le lancer au bout de ses bras, il y a un problème », dit-elle.

Bref, pour triompher de la gravité, un peu de soutien en renfort peut être avantageux. Perso, j’ai pris plaisir à combattre la loi de Newton seins libres. Et mes armatures resteront en repli encore un peu au fond de mon tiroir.

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