Société

Enjeux féminins : des seins qu’on célèbre

On les aime tantôt petits, rebondis, tantôt plantureux, nourriciers… Naturels ou refaits, peu importe !

PHOTOS: LA PRESSE CANADIENNE/EVERETT COLLECTION (TWIGGY), PHOTO LA PRESSE CANADIENNE/MIRRORPIX/EVERETT COLLECTION (JANE FONDA), GETTY IMAGES/GIE KNAEPS (MADONNA), GETTY IMAGES/DONALD MIRALLE (JANET JACKSON), GETTY IMAGES/ANDREW HASSON (#FREETHENIPPLE).

Années 1960
Les poitrines discrètes sont à la page. La marque Wonderbra (de Montréal!) s’apprête pourtant à révolutionner la lingerie avec son modèle «push-up», conçu pour rehausser la poitrine.

Années 1970
Avec la montée du féminisme, plusieurs dégrafent le soutien-gorge. Les seins – comme l’amour − veulent être libres. Ouverture de la première boutique de lingerie Victoria’s Secret à Palo Alto, en Californie.

Années 1980
Munie d’un soutien-gorge de sport, la femme moderne se met à l’entraînement physique. La mode est au décolleté pigeonnant, aux seins rebondis. La première boutique de La Vie en rose, détaillant canadien de lingerie, ouvre ses portes à Toronto en 1985.

Années 1990
La Material Girl arbore le corset (i)conique signé Jean Paul Gaultier. À la télévision, les sirènes de Baywatch (Alerte à Malibu) font tourner les têtes avec leur silhouette de rêve. Le soutien-gorge à armature et muni de coussinets a la cote.

Années 2000
La vue du sein de Janet Jackson au Super Bowl fait scandale en 2004 – et rappelle qu’un malaise entoure toujours le corps de la femme.

Années 2010
L’heure est à l’acceptation de soi. Sur les réseaux sociaux, le mouvement #freethenipple combat la censure des mamelons féminins.

Photo : Getty Images/Glow Images

Du sur-mesure

Elles trouvent leurs seins trop petits, trop gros, asymétriques. Qu’importe la raison, des millions de femmes ont eu recours à la chirurgie pour modifier leur poitrine. L’augmentation mammaire constitue l’intervention chirurgicale la plus pratiquée dans le monde, avec 1,8 million d’opérations en 2018.

Au Québec, 145 000 femmes porteraient des implants mammaires, estime l’Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec (ASCPEQ). Chaque année, elles sont plus de 8 000 à passer sous le bistouri. « En général, le public pose un regard critique sur cette chirurgie. Or, des études ont démontré, à l’aide de scores de bonheur et de satisfaction de l’image corporelle, ses bienfaits psychologiques significatifs », fait valoir le Dr  Éric Bensimon, président de l’Association.

À son cabinet, le Dr  Bensimon voit défiler trois catégories de patientes : les jeunes adultes, les mères de famille et les survivantes du cancer du sein. « Ce que j’entends le plus souvent, c’est: “Je veux me sentir mieux dans ma peau”. Ce n’est pas le conjoint qui insiste, c’est quelque chose de très personnel, qui a été mûri longtemps. »

70 % des augmentations mammaires effectuées au Québec le sont à des fins esthétiques. Pour les autres, il s’agit d’opérations reconstructives (en général, après un cancer). (Source : Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec)

Les implants texturés sous la loupe

En 2019, c’est le choc. Santé Canada déclare que les implants mammaires à surface texturée peuvent provoquer un cancer rare : le lymphome anaplasique à grandes cellules associé aux implants mammaires (LAGC-AIM). Sur 26 cas recensés au pays, 22 impliquent les implants Biocell, qui sont retirés du marché. Pour l’industrie, encore marquée par le scandale du silicone des années 1990, la nouvelle a l’effet d’une bombe. « C’est heureusement un cancer qui se traite bien. Mais il y a un lien de cause à effet direct, comme pour le tabac et le cancer du poumon», déplore le Dr Bensimon. Le plus consternant: les implants texturés étaient particulièrement recommandés en reconstruction mammaire. Que faire si on a reçu ce genre d’implants ? La Dre Louise Provencher, chirurgienne-oncologue au Centre des maladies du sein du CHU de Québec-Université Laval, rappelle que le risque de développer un LAGCAIM est faible, soit de 1/3 817 (pour les Biocell) à 1/30 000. « On ne recommande absolument pas de retirer les prothèses quand les patientes n’ont pas de symptômes», assure-t-elle. La spécialiste conseille plutôt une «surveillance adéquate, soit de regarder le contour de ses seins et de les examiner superficiellement tous les deux à trois mois, pour voir s’il n’y a pas de gonflement anormal ou une masse nouvelle ».

Le sein malade

Le cancer du sein emporte encore trop de femmes – en moyenne 14 par jour au pays. La science poursuit son combat pour l’enrayer. « En 1980, le taux de survie après cinq ans était de 73 %. En 2019, il avait monté à 88 %. C’est un bond énorme, surtout que le cancer atteint souvent des femmes qui ont encore de belles années devant elles », souligne la chirurgienne-oncologue Louise Provencher. Deux facteurs expliquent ce progrès: le dépistage et l’amélioration des traitements. Les patientes elles-mêmes ont joué un rôle crucial. « S’il y a eu autant d’études qui ont fait avancer les traitements, c’est parce que les patientes ont accepté d’y participer, relève la Dre Provencher. Parce qu’elles pensaient aux autres: leur fille, leur sœur… Elles ont été très généreuses. » Merci mesdames.

« En 1960, le traitement standard du cancer du sein était la mastectomie totale. Aujourd’hui, environ 80 % des patientes subissent plutôt une mastectomie partielle. » La Dre Louise Provencher, Chirurgienne-oncologue

Photo : Getty Images/PeopleImages

Allaiter, nourrir, aimer

Nos grands-mères seraient sans doute dubitatives devant les photos de célébrités donnant le sein à leur bébé qui se multiplient sur la Toile – les fameux brelfies. Pas étonnant : rappelons qu’il y a deux générations à peine, le biberon de « formule » était considéré comme LA façon moderne de nourrir son enfant.

« Dans les années 1960, la grande majorité des femmes accouchait sous anesthésie, ce qui rendait l’allaitement difficile ensuite. Les préparations pour nourrissons étaient aussi appréciées des médecins parce qu’elles permettaient de connaître la quantité de lait bu », explique la sociologue Chantal Bayard, qui a codirigé l’ouvrage La promotion de l’allaitement au Québec : regards critiques.

Aujourd’hui, les autorités de santé publique recommandent de nourrir bébé exclusivement au lait maternel jusqu’à six mois, puis jusqu’à deux ans, voire davantage, avec d’autres aliments. « L’allaitement est décrit comme bon pour la santé, bon pour l’environnement, économique et pratique », résume Chantal Bayard. Résultat: 89 % des Canadiennes ont allaité leur bébé en 2011-2012, selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes.

Or, l’omniprésence du message proallaitement peut mener des mères à ressentir une grande pression, constate la sociologue. Lorsque tout ne marche pas comme prévu, plusieurs éprouvent un sentiment d’échec, et même de la douleur. « On peut être une bonne mère même si on n’allaite pas ! » souligne-t-elle.

Paradoxalement, il arrive encore que des mères qui allaitent sans se couvrir, ou passé le premier anniversaire de leur petit, reçoivent des commentaires désagréables. Solution : continuer de normaliser l’allaitement en le rendant visible. Au resto, au boulot… ou sur les médias sociaux !

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