Je n’ai jamais fait de budget de ma vie. Jusqu’à ce que naisse dans mon esprit l’idée (folle et hors de prix) de faire un safari photo au Kenya avec mes deux ados. Une affaire de 15 000 $ au bas mot.
Puis-je épargner tout cet argent avant de devenir grand-mère? Ma technique habituelle – sabrer sauvagement les dépenses quand mon compte descend trop vite – ne suffit pas pour répondre à la question. «Un budget sert à ça: déterminer les dépenses essentielles et trouver l’argent pour pouvoir réaliser son grand projet, peu importe ce que c’est», dit Béatrice Bernard-Poulin, autrice du blogue Béatrice et du livre Vivez mieux pour moins (Éditions Goélette). Malgré des revenus plutôt modestes, cette trentenaire voyage régulièrement et s’accorde des douceurs.
Des applis à la rescousse
Pour celles (j’en suis) qui rechignent à classer leurs factures, il existe des tonnes d’applis, souvent gratuites, qui peuvent faire le travail à notre place, comme Mint ou CountAbout. La plupart des institutions financières en proposent également. Il suffit de lier son compte bancaire à l’application et cette dernière catégorise automatiquement les dépenses en fonction du nom du commerce; elle se trompe parfois, mais c’est certainement mieux que pas de budget du tout. Si nous payons tout avec nos cartes, rien ne lui échappe.
Cette solution ne convenait cependant pas à Béatrice Bernard-Poulin, qui retire un montant fixe au guichet chaque semaine pour payer ses achats comptant, justement pour garder le contrôle de ses dépenses. Après avoir cherché en vain un outil budgétaire qui correspondait à sa réalité, elle a décidé d’en créer un.
«Certains outils étaient trop compliqués pour moi ou ne comportaient pas les catégories qui me convenaient», dit-elle. Son budget contient, par exemple, une entrée pour Netflix, une autre pour l’esthéticienne et une catégorie «Plaisirs de la vie». Pensé pour les néophytes en matière de finances, il est ultrasimple à utiliser – même si on redoute Excel. Pas étonnant qu’il soit devenu l’article le plus populaire de sa boutique en ligne.
L’idée d’établir des prévisions, c’est d’être ensuite en mesure de les suivre! La jeune femme a créé un «outil de gestion du cash flow» exprès pour ça. Elle y inscrit ses dépenses réelles pour voir si le plan tient la route, une tâche qui ne requiert que quelques minutes par semaine.
Cette travailleuse autonome a pris l’habitude de conserver toutes ses factures dans un classeur accordéon transparent. «Sans même calculer les montants, je vois si le nombre de factures d’une catégorie – celle des vêtements ou des restos, par exemple – grossit plus vite que les autres. C’est un signal d’alarme», rigole-t-elle.
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Pour conserver sa motivation à épargner, Béatrice Bernard-Poulin conseille de ne pas éliminer toutes les dépenses «bonheur». C’est l’inverse de l’approche militaire préconisée par Ian Sénéchal, conseiller financier, et David Descôteaux, analyste à l’Institut économique de Montréal, coauteurs du best-seller D’endetté à millionnaire (Éditions Québec-Livres). Selon eux, toute personne traînant un solde de carte de crédit ou ne disposant pas d’un fonds d’urgence devrait déclencher sur-le-champ un «protocole d’austérité»: interdiction de manger au restaurant, d’aller au cinéma, d’acheter de l’alcool ou toute autre gâterie tant qu’on n’est pas au-dessus de ses affaires.
«On se fait toujours dire d’arrêter d’acheter des lattés, remarque Béatrice Bernard-Poulin. Moi, je dis plutôt: si tu aimes vraiment ton café, pas besoin de t’en priver complètement. Demande-toi si tu seras vraiment malheureuse d’en acheter deux par semaine au lieu de cinq. Tu vas peut-être même l’apprécier encore plus.»
C’est un principe de base de la psychologie de la motivation, explique la psychologue Josée Blondin. «Si l’objectif fixé est trop difficile à atteindre, on risque davantage d’abandonner en cours de route.» Personne ne monterait le Kilimandjaro sans d’abord faire un trekking de 10 km; c’est la même chose pour l’épargne. Présidente du cabinet-conseil InterSources, cette psychologue organisationnelle offre des ateliers nous permettant de découvrir de quelle façon nos émotions influencent nos décisions économiques. Pour favoriser l’adoption d’un nouveau comportement comme l’épargne, on gagne à y associer un peu de plaisir, selon elle. Autre truc: visualiser ses objectifs, que ce soit en pensée ou grâce à un montage de photos. «C’est plus inspirant qu’un fichier Excel», lance-t-elle.
Être honnête
La clé d’une prévision budgétaire réussie, c’est aussi de ne pas se raconter d’histoires. «Si on fume, il faut prévoir la dépense au budget, pas prétendre qu’on va arrêter de fumer », dit Sonia St-Pierre, coordonnatrice à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) du Grand-Portage, à Rivière-du-Loup, un organisme spécialisé en finances personnelles. Il y a des ACEF dans toutes les régions du Québec et leurs conseillers sont d’une aide précieuse, peu importe nos revenus.
Avec le soutien de développeurs web, Sonia St-Pierre a conçu Budget en ligne (budgetenligne.net), auquel on peut avoir accès sur un ordinateur ou sur un téléphone. Grâce à cette appli, on note les dépenses au moment même où on les fait. Plus d’excuses.
Conçu pour les Québécois, cet outil à l’interface conviviale dresse la liste de toutes les sources de revenus et allocations imaginables – on est certaine de ne rien oublier. «Quand on prend l’habitude de suivre ses finances, on fait de meilleurs choix», observe Sonia St-Pierre. Dans un magasin ou au moment de planifier ses vacances, on sait exactement de combien d’argent on dispose.
La section «Bilan» de Budget en ligne fournit une radiographie complète de notre situation financière, de nos actifs et de nos dettes. Pas juste pour réaliser un projet, mais pour élaborer un plan de vie.
Les gens qui la consultent prennent parfois conscience qu’ils n’ont pas atteint les objectifs qu’ils s’étaient fixés, constate Sonia St-Pierre. «Le budget permet de corriger la trajectoire», dit-elle. Pour certains, ce sera sortir de l’endettement, pour d’autres, acheter une maison ou un chalet. Il arrive que la réflexion mène à des changements majeurs: trouver un emploi plus payant, retourner à l’école, déménager…
Le portail Tout bien calculé, créé par les associations de consommateurs du Québec, regorge de ressources pour entamer cette réflexion.
Quant à moi, grâce à Budget en ligne, je sais désormais que, si je change certaines habitudes, le safari au Kenya sera à ma portée… en 2024. Mes ados seront alors de jeunes adultes, mais qu’importe!
En bref
- Réfléchir à nos objectifs
- Utiliser une application comme Mint ou CountAbout
- Explorer les outils budgétaires offerts par notre institution financière
- Trouver l’outil budgétaire qui nous convient pour faire des prévisions précises – le portail Tout bien calculé (toutbiencalcule.ca) en présente toute une gamme
- Prendre conscience de nos habitudes de consommation et de leur incidence sur nos finances