Vie pratique

Première maison: voici comment entrer dans le marché immobilier

Taux d’intérêt hypothécaires élevés, prix de l’immobilier en hausse constante… Devenir propriétaire semble un rêve qui semble de plus en plus inaccessible. Faut-il y renoncer pour autant ? Pas forcément. Il suffit de bien planifier son achat.

Achat première maison

Photo : iStock

Vous l’aurez, votre première maison !

Mireille n’en avait jamais douté : elle posséderait un jour sa maison. Ce dont cette travailleuse sociale ne se doutait pas, par contre, c’est que ce rêve se réaliserait aussi vite. À 26 ans, après quelques années passées à Montréal, elle trouve un emploi sur la Côte-Nord et s’installe aux Escoumins, où elle déniche une maison ancestrale. Prix de vente: 67 000 $. Pour Mireille, pas question de laisser passer cette aubaine, même si elle doit contracter un prêt pour rénovations de 120 000 $ parce que la belle a besoin de beaucoup d’amour.

Pour constituer la mise de fonds nécessaire à cet investissement, sa mère lui vient en aide.

« J’avais un peu d’argent de côté, mais ce qui a fait la différence, c’est le montant qu’elle m’a donné, qui correspond à ce qu’elle prévoyait me laisser à son décès », raconte-t-elle. Et depuis décembre 2022, la maison lui appartient.

Pour bien des ménages, il est désormais difficile – voire impossible – d’acheter une première propriété. La Banque Nationale qualifie même les perspectives d’accès à la propriété de « moribondes ». Les économistes et autres experts de la finance l’ont expliqué maintes fois: la lutte que mène la Banque du Canada contre l’inflation et la forte hausse des taux d’intérêt pèsent lourd. Lorsqu’on y ajoute une offre réduite du nombre de propriétés à vendre, on se retrouve au cœur d’une tempête parfaite.

Mireille, de son côté, a eu la chance d’acheter sa maison hors des grands centres, où les prix sont plus avantageux. Car dans le grand Montréal, pour 67 000 $, elle aurait pu s’offrir… un espace de stationnement. Dans la métropole, le prix médian des propriétés s’élève à près de 510 000 $. Il était de 346 000 $ il y a quatre ans. C’est l’une des raisons qui font que depuis 2019, le revenu annuel requis pour y acquérir un logement au prix médian a plus que doublé, passant de 60 000 $ à plus de 126 000 $.

Aujourd’hui, à Montréal, les paiements hypothécaires représentent près de 44 % du revenu brut des ménages. Or, selon le planificateur financier et conseiller en sécurité financière André Lacasse, le pourcentage des revenus que l’on consacre à nos paiements hypothécaires ne devrait pas dépasser 25 % à 35 %…

Penser à sa mise de fonds

Une fois qu’on a déterminé le type de propriété qui nous intéresse, on fixe le montant maximal qu’on est en mesure de payer. Ensuite, on établit un plan qui nous aidera à constituer notre mise de fonds. Elle doit équivaloir à au moins 5 % du prix de vente de la propriété. Cela dit, il faut garder que plus cette mise de fonds sera élevée, moins on aura besoin d’emprunter à la banque, donc moins on devra verser d’intérêts !

Le secret pour se constituer une belle cagnotte, selon André Lacasse: se faire un budget et s’y tenir. « On note nos revenus et nos dépenses pendant un mois ou deux, et on effectue un bilan pour savoir à quoi sert notre argent. De cette façon, on saura quels postes budgétaires on peut réduire », recommande-t-il. Jamais fait de budget ? Pas de souci. Le web regorge d’outils pour nous aider, comme celui de l’Agence de consommation en matière financière du Canada. On passe ensuite ce budget au peigne fin pour en dégager quelques centaines de dollars par mois. En économisant 500 $ par mois pendant cinq ans, on obtient 30 000 $, soit 5 % d’une propriété de 600 000 $. On l’aura compris, la patience est de mise. « On ne peut pas tout avoir tout de suite », prévient le planificateur financier.

Une chose est sûre, l’épargne devrait arriver en tête de nos priorités, estime Antoine Chaume Legault, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital. Il recommande d’appliquer la méthode « je me paye en premier ». « C’est simple, dit-il. On programme des prélèvements automatiques, par exemple à chaque paye, et la somme est virée dans un compte épargne ». Ni vu ni connu.

Contribuer à un CELIAPP

Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), programme d’aide à l’accès à la propriété créé par le fédéral en 2022, est l’outil par excellence pour les futurs acquéreurs, pensent les experts consultés. Pourquoi ? Parce qu’il combine les avantages du REER et du CELI, tout simplement. Comme le CELI, il permet de faire fructifier de l’argent à l’abri de l’impôt, les retraits n’étant pas imposés. Petite particularité du CELIAPP, cependant: pour ne pas être imposés, les retraits doivent être faits dans le cadre de l’achat d’une première propriété. Et comme pour le REER, les cotisations génèrent un crédit d’impôt, ce qui réduit la facture fiscale. Autre avantage, les sommes qu’on en retire n’ont pas à être remboursées, comme c’est le cas lorsqu’on se prévaut du Régime d’accession à la propriété (RAP).

« La différence avec le REER, c’est que les droits de cotisation ne s’accumulent pas si le CELIAPP n’est pas ouvert. Il faut donc en ouvrir un le plus rapidement possible », recommande Sussy Galvez, planificatrice financière formatrice et experte en conseil et planification financière.

Actuellement, il est possible de cotiser jusqu’à concurrence de 40 000 $ à vie (maximum 8 000 $ par an) dans un CELIAPP. Ce dernier doit être fermé au bout de 15 ans. Au besoin, on peut le transférer dans son REER sans impact fiscal.

Le RAP

Instauré il y a plus de 30 ans, le régime d’accession à la propriété (RAP) est un autre outil avantageux. Il permet de retirer jusqu’à 35 000 $ de son REER sans impact fiscal afin d’acheter une maison. Plusieurs conditions s’appliquent pour y être admissible, notamment ne pas avoir été propriétaire, ni son conjoint, l’année du retrait ou durant les quatre années précédentes.

La différence avec le CELIAPP, c’est que les sommes puisées dans un REER dans le cadre du RAP doivent être remboursées. On a 15 ans pour le faire, faute de quoi, les montants non remboursés seront ajoutés à nos revenus imposables.

Bonne nouvelle, il est possible de combiner à la fois le RAP et le CELIAPP. Une championne de l’épargne pourrait donc bénéficier d’une mise de fonds de 75 000 $ pour l’achat de sa première maison.

Coup de pouce des parents

Pas assez d’argent pour constituer la mise de fonds ? Pourquoi ne pas demander à un proche s’il peut mettre l’épaule à la roue, par le biais d’un prêt ou d’un don ? Il sera important d’officialiser les termes de l’entente dans un document, devant notaire ou non.

Pour nous aider à nous qualifier pour un prêt, on peut aussi demander à un parent d’être coemprunteur hypothécaire. Son nom figurera sur le titre de propriété et il sera responsable du prêt comme si c’était le sien. Le désavantage pour lui: il ne bénéficiera pas de l’exemption pour gain en capital au moment de la revente puisqu’il ne s’agit pas de sa résidence principale, précise Sussy Galvez. Il devra donc déclarer sa part de gain en capital dans ses revenus et sera imposé sur ce montant. Un désagrément qui n’existe pas s’il ne fait qu’endosser l’hypothèque, puisqu’il ne sera pas considéré comme copropriétaire de l’immeuble.

Autre possibilité, plus risquée du point de vue budgétaire: la garantie collatérale. « Lorsque la propriété du parent est entièrement payée ou presque, la valeur de celle-ci peut servir de garantie pour le prêt, ce qui remplace la mise de fonds », précise Antoine Chaume Legault. Il faut toutefois avoir la capacité de payer un prêt hypothécaire parfois beaucoup plus élevé, puisqu’il aura été contracté sans la moindre mise de fonds. Mieux vaut avoir les reins solides…


Conseils d’experts

Le montant du prêt hypothécaire accordé par l‘institution financière est basé sur des calculs effectués à partir du revenu brut et non du revenu net, ce qui crée une distorsion par rapport à nos capacités financières réelles. Gardez cela en tête au moment de calculer votre capacité de payer…

Pour augmenter vos chances d’obtenir un prêt hypothécaire, réduisez votre endettement au maximum (prêt auto, prêt étudiant, cartes de crédit, marges, etc.) avant d’effectuer la demande.

Bien des frais se rattachent à l’achat d’une première propriété : honoraires du notaire, droit de mutation (la fameuse taxe de bienvenue), déménagement, achat de meubles et d’électroménagers. Mieux vaut prévoir ces extras, qui s’accumulent vite !

N’oubliez pas l’inspection préachat, non seulement pour vous éviter de mauvaises surprises, mais aussi pour pouvoir négocier le prix à la baisse, le cas échéant.

N’hésitez pas à avoir recours à un courtier hypothécaire. Il vous aidera à dénicher la meilleure offre auprès des institutions bancaires. Comme il est généralement rémunéré par les institutions prêteuses, ses services sont gratuits pour vous.

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