Voyages et escapades

Puebla: le Mexique haut en couleurs

Dans les montagnes, loin des plages, se cache la région de Puebla, surnommée « le cœur du Mexique ». Situé à une centaine de kilomètres au sud-est de Mexico et considéré comme un joyau culturel, ce coin du pays est pourtant méconnu des Québécois. Et c’est bien dommage.

Photo: Robert Harding

Authentique Mexique

La première chose qui saute aux yeux, c’est la couleur. Dans la ville de Puebla, au centre de l’État du même nom, s’alignent des maisons aux façades multicolores. Pêche, rouge framboise, aubergine, rose bonbon… ça donne presque faim!

Et toute cette beauté n’a rien à voir avec un décor de cinéma. Ça grouille de vie dans les rues! Surtout au zócalo, la place centrale du quartier historique, juste devant la cathédrale de l’Immaculée-Conception. Dans les allées bordées d’arbres tropicaux, des cireurs de chaussures s’affairent, de jeunes universitaires discutent, des couples se promènent main dans la main. Au milieu de tout ça, une fontaine de six mètres où trône l’archange saint Michel, protecteur de la ville.

Le matin, les travailleurs s’arrêtent à la pâtisserie pour prendre un café et une concha, un petit pain typique à la texture légère et un peu sèche, recouvert d’une couche de sucre aromatisé au chocolat ou à la vanille. Si délicieux qu’il vaut la peine de se lever tôt pour s’assurer d’en trouver.

Parmi cette foule occupée, les touristes ne sont pas légion – et c’est tant mieux. Si bien que de nombreux commerçants ne parlent pas un mot d’anglais. L’immersion culturelle est totale. On sort donc son petit dictionnaire français-espagnol ou son « Google Translate ». Un guide peut aussi servir d’interprète, tout en nous faisant découvrir les trésors les mieux cachés de la région.

Photo: Tourisme Mexique

Des secrets à découvrir

Les rythmes de salsa se mêlent aux rires et aux conversations animées. De la rue, impossible de savoir d’où cela vient, jusqu’à ce qu’on passe devant une porte cochère ouverte. Dans la cour intérieure, une dizaine de couples dansent. Est-ce une fête de famille?

Ce genre de découverte se répète souvent en se promenant dans les rues de Puebla. Chaque porte semble s’ouvrir sur un nouveau monde. Comme celles de notre hôtel-boutique, le Marqués del Ángel, aménagé dans une maison coloniale du 17e siècle. Les deux grandes portes de bois donnent sur le hall d’entrée, qui mène directement à la cour intérieure. C’est là qu’est installée la salle à manger avec ses murs jaune safran, son toit vitré et ses banderitas, petits drapeaux colorés, suspendues à la galerie de fer forgé qui ceinture le premier étage.

Et les secrets bien gardés sont jusque sous nos pieds. Une légende qu’entretenaient les habitants au sujet d’un réseau de passages caché sous les rues s’est en effet révélée vraie! Des ouvriers sont tombés sur l’un des tunnels il y a quatre ans, alors qu’ils creusaient pour construire un boulevard. Fascinés par cette trouvaille, ils se sont relevé les manches et ont bénévolement mis au jour une grande partie de ce réseau aménagé au milieu du 17e siècle. Sa fonction originale est encore inconnue, mais on peut maintenant le visiter et traverser tout un quartier, à cinq mètres sous le sol. Claustrophobes, s’abstenir!

Soirées festives

Une fois le soleil couché, l’atmosphère de la ville de 1,6 million d’habitants change, sans pour autant perdre en vivacité. Le nightlife n’est pas trépidant et riche en boîtes de nuit, non. Les soirées ressemblent plutôt à ces chaudes veillées d’été qui donnent envie de se balader toute la nuit. Les fins de semaine, c’est exactement ce que tout le monde fait à Puebla. Les rues sont pleines de passants et les terrasses débordent. À celle d’un café dans le quartier des artistes, un guitariste entame une chanson d’amour langoureuse qui accompagne le bruit des conversations. À quelques pas de là, un garçon d’une dizaine d’années s’entraîne à la planche à roulettes.

Les familles sont aussi nombreuses autour de la place centrale qu’en plein jour, bien qu’il soit presque minuit. Personne ne semble avoir envie d’aller se coucher… et nous non plus. Nous nous attardons donc devant la cathédrale pour observer un rassemblement de voitures anciennes, toutes des Beetle de Volkswagen.

Même après minuit, en marchant vers notre hôtel, nous nous sentons en sécurité. Et les statistiques nous donnent raison: Puebla fait partie des villes les plus sûres du Mexique, avec un taux d’homicides de seulement 5 par 100 000 habitants – les villes les plus violentes du pays ont un taux qui dépasse les 100 victimes par 100 000 habitants. 

Photo: Robert Harding/Christian Kober

Villages magiques

Le petit hameau de Cholula, à une quinzaine de kilomètres de Puebla, a lui aussi gardé un imposant secret pendant longtemps. La colline boisée sur laquelle les Espagnols ont construit au 16e siècle une magnifique église jaune bouton d’or, Nuestra Señora de los Remedios, est en fait une pyramide olmèque datant de trois siècles avant Jésus-Christ, dont l’existence n’a été découverte que dans les années 1930. En parcourant les tunnels qui ont été creusés pour permettre les fouilles archéologiques, on peut aujourd’hui toucher (littéralement) à des siècles d’histoire et voir des marches qu’ont foulées des milliers d’Olmèques, de Toltèques et d’Aztèques durant la période précolombienne.

Au pied de la pyramide, Escuincle, un autochtone de culture cholulteca, exécute avec deux compagnons la cérémonie de bienvenue. Énorme boucle dans le nez et bec d’aigle sur sa coiffe de plumes, il raconte la légende de la grande pyramide en nahuatl, sa langue, au son du tambour, de l’ocarina et des appels soufflés dans un grand coquillage. Trop folklorique? Absolument pas! La cérémonie est si impressionnante et touchante que bien des spectateurs en ont les yeux embués.

Atlixco est un autre village, plus au sud, qui possède quelque chose de magique. Perché tout près du volcan actif Popocatepetl, il est réputé pour son climat tempéré. À la terrasse du café, un groupe de mariachis prend une pause. Notre guide, Juan Gonzales, avance d’un pas nonchalant, saluant une bonne dizaine de connaissances au passage. Il nous mène d’abord à une petite boutique, La Pasadita, où l’on goûte des bières locales et un chocolat artisanal qui n’a rien à voir avec ce qu’on connaît. Il s’agit de fèves de cacao, de sucre et de cannelle cultivés dans la région, broyés à la main dans un mortier en pierre volcanique selon la méthode ancestrale. L’absence de gras lui donne une texture plutôt sèche, un peu comme du sucre d’érable.

Nos papilles n’ont pas fini d’être étonnées. Un ingrédient bien particulier fera partie du dîner au El Mesón de las Diligencias: les chapulines… des sauterelles! Un délice lorsqu’elles sont apprêtées dans des plats aussi recherchés: entières dans une soupe de fleurs de courgette ou en tostadas avec de la mangue fraîche, elles confèrent aux mets une texture et un petit côté épicé pas désagréables du tout. 

Fait avec amour

À Puebla, l’artisanat se déploie partout. Dans le marché El Parián, chaque couverture tissée, chaque chandail brodé est l’œuvre d’un artisan local. Combien pour ce châle? 600 pesos, soit environ 40 dollars canadiens. Et combien de temps a-t-il fallu pour le faire? « Un mois », répond la jeune femme aux cheveux noirs qui lui descendent jusqu’à la taille. De quoi enlever l’envie de négocier.

La méthode artisanale la plus connue de la région est la talavera. Cette technique de céramique importée de la ville espagnole du même nom est même protégée par une appellation contrôlée. Pour voir le procédé de fabrication, on se rend à la toute première fabrique de la ville, Talavera Uriarte, une vraie caverne d’Ali Baba. À chaque étape – modelage de l’argile sur le tour de potier, cuisson, peinture des motifs –, des dizaines de personnes s’affairent à produire ces trésors. Aucune machine. Un vrai travail d’orfèvre.

Photo: Andréanne Moreau

L’odeur de la foi

Toutes les églises de la région embaument le lys. Le parfum des offrandes des paroissiens est omniprésent, encore plus que celui de l’encens. Au Mexique, la foi est encore bien vivante. Au pied de certaines statues de l’Enfant-Jésus, on trouve même des jouets et des bonbons. « C’est parce que c’est un enfant. Les gens lui apportent des choses qui vont lui plaire », explique notre guide, Susana Aguiar.

La jeune femme ajoute un côté ludique à la visite de certaines églises. Avant d’entrer, elle nous demande de fermer les yeux et d’avancer en se tenant à l’épaule de la personne devant nous. On pénètre donc dans l’église en percevant d’abord les odeurs et le silence. Ce n’est qu’une fois arrivés au centre de la nef qu’on ouvre les yeux pour se retrouver complètement éblouis. L’expérience a quelque chose de mystique. Dans la chapelle du Rosaire, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, il y a tellement d’or et de détails qu’il faut plusieurs minutes pour reprendre son souffle.

La deuxième fois que Susana nous demande de nous prêter au jeu, devant Santa María Tonantzintla, nous pensons qu’il est impossible qu’une petite église du village de Cholula surpasse la superbe chapelle du Rosaire. Quelle surprise lorsque nous ouvrons les yeux dans cette mer d’ornements! Massives et colorées, les fioritures, semblables au glaçage d’un gâteau de noces, sont uniques au monde et rappellent davantage l’art aztèque que le style espagnol, plus fin et monochrome. Construit par les autochtones évangélisés, ce lieu de culte se situe à mi-chemin entre une église chrétienne et un temple aztèque. La déesse Tonantzin se dissimule partout dans les ornements. Et pour l’admirer, pas le choix d’y aller en personne. Les photos y sont interdites, ce qui rend l’expérience encore plus exclusive. 

Du soleil dans l’assiette

Oublions les chilis, burritos et autres nachos. La gastronomie mexicaine a beaucoup plus à offrir. Il n’y a pas que les ingrédients frais qui permettent aux chefs de Puebla de briller. « Je mets beaucoup d’amour dans mon métier. Ma récompense, c’est quand j’entends les “¡Qué rico!” (Que c’est bon!) dans la salle à manger », raconte la chef de notre hôtel, Elizabeth Sanchez. Les cheveux gris tirés en chignon et les yeux brillants de fierté, elle parle comme si c’était dans sa propre cuisine qu’elle recevait les invités.

Quelques plats sont des incontournables, dont le mole poblano, cette sauce au chocolat épicée servie le plus souvent sur du poulet qui contient une soixantaine d’ingrédients, dont des piments, des noix, des pruneaux, des graines de sésame et, bien sûr, du cacao.

Six semaines par année, de la mi-août à la fin de septembre, un genre de folie s’empare des habitants. C’est la saison du chile en nogada, un piment farci de viande et de fruits séchés, nappé d’une sauce blanche à base de noix et garni de graines de grenade. Les principaux ingrédients de ce mets arrivent à maturité exactement à cette période, et le plat se retrouve partout, des restaurants les plus réputés aux petits bouis-bouis. Au Casareyna, où nous l’avons goûté, on remet même un certificat d’authenticité. Nous avons mangé le 12 068e chile en nogada servi dans ce seul établissement. Et la saison n’était commencée que depuis trois semaines!

Mais nul besoin de fréquenter les endroits huppés. La cuisine de rue est exceptionnelle: churros frais et croustillants, épis de maïs rôtis sur des braises servis avec mayonnaise épicée et fromage… Les vendeurs ont de simples chariots ou sont installés avec leur brasero sur le trottoir. À la bonne franquette.  

Notre journaliste a été invitée par le Conseil de promotion touristique du Mexique.

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