Chroniqueuse du mois

Parité: un coup de pouce serait apprécié!

Ne laissons pas aux femmes toute la responsabilité de prendre leur place dans la sphère professionnelle. L’équité au travail, à la maison, en politique, c’est l’affaire de toute la société!

Photo: iStock.com/Artfoliophoto

Le débat concernant les quotas sur le marché du travail me laisse sur ma faim… Parce que j’ai l’impression qu’on en oublie un aspect fondamental. On doit voir la parité comme un enjeu multifactoriel, pas seulement un enjeu pour les femmes qui doivent investir davantage les lieux de pouvoir.

La parité, ce n’est pas juste de dire aux filles « allez-y, présentez-vous aux élections, impliquez-vous dans un conseil d’administration, soumettez votre candidature à un poste de direction ». C’est aussi leur donner les outils sociaux pour qu’elles puissent y arriver.

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La pression sociale

L’engagement des parents dans la scolarité des enfants est cruciale pour la réussite scolaire, concluent de nombreuses études. Donc, il faut être présent pour les devoirs. La lecture chaque jour ferait des miracles contre le décrochage scolaire. Une histoire chaque soir !

Et ça, c’est si le cheminement scolaire de l’enfant va bien. S’il a des difficultés, il y aura certainement des spécialistes pour suggérer des exercices : de diction, de motricité, du coloriage, du bricolage, du découpage… L’enfant sera sur une liste d’attente pendant des mois, voire des années, avant d’obtenir des services pour lui donner « le meilleur » pour son développement. Et pendant ce temps, c’est aux parents, surtout à la mère, en fait, de s’assurer de faire progresser son enfant, parce que c’est en général à elle qu’on s’adresse dans les communications scolaires.

Le temps qu’elle passera à des rendez-vous chez l’orthophoniste, l’ergothérapeute, le psychologue, la psychoéducatrice, en attendant d’avoir accès à des services réels au service de garde ou à l’école, est du temps qu’elle ne passera pas autour d’une table d’un conseil d’administration.

Militer pour la parité dans les sphères professionnelles, c’est aussi militer pour offrir des services aux familles lorsqu’elles en ont besoin.

J’ai souvent l’occasion de discuter avec des mères brillantes, audacieuses et ambitieuses, et je ne peux que constater que les listes d’attente pour les services aux familles et les compressions budgétaires des dernières années en éducation ont eu un incidence importante sur l’engagement des parents, des mères en particulier, dans la société. Beaucoup font le choix de donner la priorité aux soins à leurs enfants plutôt qu’à leur vie professionnelle.

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La fin des Germaine

Pour ceux qui diraient « il faut donner davantage de place aux pères », « ce sont les mères qui veulent tout gérer à leur façon », j’ai deux anecdotes pour vous.

La première : en 2016, alors que mes enfants fréquentaient un CPE, je suis partie une semaine en France pour le travail. J’en ai avisé les éducatrices, qui connaissaient très bien mon conjoint puisqu’il allait chercher les enfants plusieurs fois par semaine. À mon retour, le premier commentaire d’une éducatrice a été :

– J’avais assez hâte que tu reviennes!

– Ah bon? Il s’est passé quelque chose?

– Non, c’est juste qu’on ne communique pas de la même façon avec ton conjoint qu’avec toi.

On m’a aussi fait remarquer qu’il avait oublié des vêtements de rechange une ou deux fois. Alors que ça m’arrivait aussi d’oublier…

Deuxième anecdote : je retournais à Paris pour le travail, l’an dernier. À plusieurs reprises, on m’a demandé : « Mais qui va s’occuper des enfants? ». Comme si un père qui s’absente plusieurs jours ou plusieurs semaines pour le travail est socialement acceptable, mais qu’une mère qui fait la même chose pour une nuit faillit à son rôle de mère. Même en 2018.

Je ne demande pas mieux que mon conjoint prenne plus de place dans la sphère parentale pour que je me déleste de certaines tâches, mais il faudrait aussi, collectivement, arrêter de se méfier de la capacité des pères à prendre soin des enfants!

Des sphères de pouvoir de deuxième classe

On encourage les femmes à « fracasser le plafond de verre », alors qu’en réalité, elles se retrouvent déjà dans des sphères décisionnelles. Depuis que je suis mère, je côtoie de nombreuses professionnelles talentueuses et ambitieuses dans des conseils d’administration vraiment importants : des organismes communautaires, des CPE, des conseils d’établissements scolaires, des comités de toutes sortes…

Si on demande la parité dans les grands conseils d’administration, on doit aussi militer pour la parité dans les conseils d’administration d’organismes sociaux et communautaires. On pourrait aussi exiger la parité dans les directions d’organismes à but non lucratif (OBNL) qui sont actuellement à 70 %… féminins.

Exiger la parité, c’est aussi réfléchir collectivement au message qu’on envoie aux mères de jeunes enfants. On veut les entendre sur la place publique, on veut les voir dans les sphères de pouvoir, mais on les veut aussi présentes auprès de leurs enfants. Or, il n’y a que 24 heures dans une journée. Si on s’attend à ce que toutes les mères soient disponibles pour leurs enfants — comme l’étaient nos mères au foyer — tout en espérant qu’elles prennent leur place dans les sphères décisionnelles, on court tout droit vers un échec monumental.

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Chroniqueuse du mois

Journaliste dans l’âme et mère curieuse de deux tannants de quatre et sept ans, Mariève Paradis est éditrice de Planète F Magazine depuis 2014. La maternité lui a fait redécouvrir la société dans laquelle elle vit, à travers le prisme de la parentalité. Récipiendaire de deux prix en journalisme, d’un diplôme d’honneur de l’Université de Montréal et d’une médaille d’argent d’éditrice indépendante de l’année 2016 aux Canadian Online Publishing Awards, elle aime réfléchir sur les enjeux de société qui jalonnent son parcours de parent.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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