Un vaste sondage sur la conciliation travail-famille est sorti la semaine dernière aux États-Unis. On y apprend ce que tout le monde savait déjà : lorsque les deux parents travaillent à temps plein, ils sont plus enclins à être fatigués, stressés et à manquer de temps. QUELLE SURPRISE. Selon le Pew Research Center, qui a mené cette enquête, 46% des familles américaines sont dans cette situation, une proportion semblable à celle qu’on retrouve au Québec.
Bien qu’on n’apprenne rien de nouveau dans cette étude, elle reste tout de même pertinente. Comme on l’expliquait dans le New York Times, c’est une autre preuve tangible d’un décalage immense entre deux sphères majeures de la vie des parents : « Alors que le modèle familial a changé pour de bon, le monde du travail et les politiques publiques ne se sont pas encore adaptés à cette nouvelle réalité où les deux parents travaillent.»
Parmi toutes ces statistiques, une donnée a attiré mon attention : les pères ont tendance à surestimer leur part des tâches familiales.
Dans ce sondage, les pères étaient plus nombreux que les mères à dire que les responsabilités étaient équitablement réparties au sein de la famille. Les mères, quant à elles, croyaient qu’elles avaient la plus grande part des responsabilités familiales.
Tiens tiens, un autre décalage.
Mais qu’en est-il dans les faits? Dans la majorité des familles où les deux parents travaillent à temps plein, le père et la mère se séparent équitablement les tâches ménagères, le temps de jeu avec les enfants et la discipline. Toutefois, quand les enfants tombent malades, la mère prend plus souvent congé de son travail. Et dans 54% des cas, c’est aussi elle qui est responsable de la planification dans la maisonnée. Bref, si un parent en fait plus, c’est beaucoup plus probable que ce soit la mère. QUELLE SURPRISE (BIS).
À LIRE: Comment alléger sa vie?
Mais pourquoi les pères croient-ils qu’ils en font autant que les mères alors que ce n’est pas tout à fait le cas? D’où vient cette différence de perception?
Peut-être du fait qu’une partie des tâches qu’accomplissent les mères sont invisibles? La fameuse «charge mentale» de la logistique familiale, celle qui occupe le cerveau avec des questions telles que « Qui pourrait venir garder samedi soir? », « Est-ce qu’il reste de quoi faire des lunchs? » et « C’est quand, la clinique de vaccination contre la grippe au CLSC? » C’est beaucoup moins tangible qu’une pile de vaisselle sale sur le comptoir.
Aussi, lorsque les pères se comparent aux générations d’hommes qui les ont précédés, ils ont raison d’être fiers. Les papas modernes sont beaucoup plus impliqués dans la sphère domestique, et c’est tant mieux. Mais peut-être que cela affecte leur lecture de la situation en glorifiant un tantinet leur engagement?
Revenons à la question de la perception. Pour un homme, tenter la conciliation travail-famille et le partage équitable des tâches fait de lui une bonne personne, voire un héros. On le félicite. C’est un progrès. Tandis que pour une femme, le choix d’avoir une carrière ET des enfants doit constamment être justifié. Est-ce vraiment nécessaire? Et quand elles demandent la même équité dans le partage des responsabilités, on traite les femmes d’exigeantes et de chialeuses. C’est un casse-tête.
À LIRE: Quand la femme gagne plus que son conjoint
Je vous propose donc un défi pour la semaine prochaine, question de rééquilibrer nos perceptions teintées de sexisme.
- Mesdames : à chaque fois que vous faites une tâche invisible, textez votre co-parent pour le tenir au courant de votre activité mentale.
- Messieurs : Prenez une ou deux responsabilités supplémentaires pour voir.
Le but, ce n’est pas de tout partager à 50/50. Cette formule ne convient pas à toutes les réalités. Mais je crois qu’il est réaliste d’essayer de viser un partage un peu plus équitable, où le poids des tâches est réparti de façon juste et sensée, pour que tout le monde soit « essoufflé égal » à la fin de la semaine.
– – –
Pour écrire à Marianne Prairie: chatelaine@marianneprairie.com
Pour réagir sur Twitter: @marianneprairie