Ma parole!

Un Québec fou de ses enfants ?

Notre chroniqueuse Geneviève Pettersen se désole du manque de place des enfants dans notre société, et surtout, du peu d’indignation que suscite les nombreuses coupes qui les touche.

On va se dire les « vraies affaires » : le Québec n’aime pas les enfants. Suffit de sortir de la Belle Province plus de cinq minutes pour s’en rendre compte. Prenez la France. Il y a des gamins dans les cafés, dans les musées, au cinéma… À Paris, on voit plein de parents déambuler dans les rues à l’heure de pointe avec leur marmaille.

Même nos voisins du Sud, malgré l’absence là-bas de congé de maternité ou d’un système public de garderies, semblent apprécier les enfants plus que nous. Lors de notre plus récent voyage aux États-Unis, ma tribu et moi avons toujours été accueillies à bras ouverts. On évitait les files d’attente et on se faisait traiter comme des rois au resto et sur les sites des diverses attractions culturelles visitées.

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En Inde, on m’a demandé au moins 20 fois pourquoi je n’avais pas emmené mes filles. Je ne savais pas quoi répondre. Je n’allais toujours bien pas avouer à mes hôtes que j’avais peur que ce soit trop compliqué de voyager avec elles dans un pays à la réputation chaotique. Je souriais donc stupidement en me répétant dans mon for intérieur « mais oui, pourquoi donc ? ».

Dans bien des pays, la famille constitue le cœur de la société. Mais pas ici. Que non ! Dans notre beau Québec, je me sens souvent de trop avec ma progéniture. Et quand je dis me sentir de trop, c’est sans compter les airs bêtes que je dois me taper à l’épicerie ou dans les restaurants « pour adultes ». De façon globale, je ne sens pas que la famille est une valeur québécoise importante. Il n’y a qu’à observer le peu d’indignation que suscitent les coupes sauvages dans nos écoles, nos services de garde et les autres programmes sociaux destinés aux enfants. Très peu de gens montent aux barricades. Après tout, me répète-t-on ad nauseam quand je me plains que le filet social s’en va chez le diable, « dans notre temps, il n’y en avait pas de congé de maternité et de garderies à sept dollars par jour, pis on n’est pas mortes ».

Cette façon de parler et cette indifférence me choquent au plus haut point et n’augurent rien de bon pour l’avenir. Ne pas lutter davantage pour des mesures qui – cela a été démontré à maintes reprises – ont permis aux femmes un meilleur accès au marché du travail relève selon moi de la mauvaise foi et de l’égoïsme. J’en ai marre de ce manque de solidarité. J’ai l’impression que, pour une bonne partie de la population, ces préoccupations ne sont pas un enjeu et que nous, les parents, devons défendre notre cause nous-mêmes. Qu’est-ce qu’on attend pour donner à la famille la place qu’elle mérite ?

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Avec le printemps qui est à nos portes, il serait de bon aloi de ressortir nos casseroles et de sortir dehors respirer un bon coup et crier notre ras-le-bol à pleins poumons. Après tout, ce sont nos petits qui prendront soin de nous quand nous serons rendus trop vieux pour nous ­indigner.

Pour écrire à Geneviève Pettersen: genevieve.pettersen@rci.rogers.com
Pour réagir sur Twitter: @genpettersen
Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

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