Ma parole!

Je suis dépendante de mon téléphone intelligent

Notre dépendance à la technologie est bien réelle, mais Geneviève Pettersen a envie d’en rajouter une couche, car, écrit-elle, « je me rends compte que ce maudit petit bidule est en train d’avoir raison de moi ». Sommes-nous dépendants de notre téléphone intelligent?

Début décembre, nous avons emmené les enfants à Disney. Que voulez-vous, j’aime parfois fréquenter le célébrissime parc d’attractions, haut lieu du capitalisme sauvage. Je mets ma switch altermondialiste à off et j’accompagne ma famille dans toutes ses démesures. Allez-y, jugez-moi.

Je suis allée à Disney donc. Ce n’était pas la première fois que j’y amenais les enfants. Sauf que cette fois-ci, ce n’était pas pareil. Il y avait quelque chose de pourri au royaume des princesses, des pirates et des souvenirs de vacances beaucoup trop chers. Et cette chose était le maudit téléphone intelligent. Partout, je voyais des parents rivés à leurs écrans. C’est qu’il y a désormais une application pour connaître en temps réel le temps d’attente aux manèges. On peut même y télécharger les fameuses fast pass et je ne sais quelles autres gogosses technos dont j’ignore l’existence parce que j’ai choisi, cette fois-ci, de ne pas télécharger l’application et d’y aller old school. Grossière erreur, mais ce n’est pas le sujet de ce billet.

Photo: iStock

Cette virée à Disney aura vraiment été la goutte qui aura fait déborder le vase de mon écœurantite face à la présence du téléphone intelligent dans mon existence. Je ne compte plus le nombre invraisemblable de pirouettes que j’ai mises au point afin de réussir à effectuer mes tâches quotidiennes en tenant mon iPhone dans mes mains. Faire l’épicerie, plier du linge, promener le chien, aller chercher les enfants à l’école, choisir une bouteille de vin à la SAQ, préparer le souper, déneiger ma voiture, changer la couche du petit dernier : toutes des tâches que je suis capable d’effectuer avec un téléphone dans la paume. Toutes des tâches dont je pourrais m’acquitter plus efficacement et plus rapidement si je ne manquais pas d’échapper mon cell toutes les deux minutes et si mon attention n’était pas sans cesse détournée par les notifications Facebook.

Je le sais qu’il y a eu quarante-douze textes dénonçant notre dépendance à la technologie, mais j’ai quand même envie d’en rajouter une couche, car je me rends compte que ce maudit petit bidule est en train d’avoir raison de moi. Je regarde mon cellulaire en me réveillant et en me couchant. Je le regarde aussi la nuit, lorsque j’allaite et quand j’endors mon bébé. Ça me prend tout mon petit change pour ne pas consulter mes courriels ou les réseaux sociaux à l’heure du souper, et je réussis seulement parce que je veux donner l’exemple à mes enfants. C’est que je passe mon temps à leur dire de lâcher leurs écrans. Je leur dis ça, iPhone à la main, en réalisant immanquablement l’ironie de la situation.

Je suis dépendante de mon téléphone. Mon chum aussi. Des fois, on se texte plus dans une journée qu’on se parle en vrai. Une partie de moi trouve ça pathétique, et l’autre se dit que ce n’est vraiment pas si grave que ça et que l’important, au final, c’est qu’on se parle et ce peu importe le moyen employé. Je me dis ça, mais il y a une petite partie de moi qui sait très bien que c’est une menterie que je me raconte juste pour justifier ma dépendance.

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Existence 2.0

Le problème, avec les maudits téléphones, c’est qu’ils s’immiscent dans toutes les sphères de nos vies. Ils nous font rater plein d’affaires même si le but premier est supposément d’améliorer nos expériences et de nous les faire vivre plus intensément. L’application de Disney, même si elle facilite la vie des visiteurs, a tout de même des résultats pernicieux. Pendant que les parents vérifient le temps d’attente ou l’heure à laquelle ils doivent se présenter aux montagnes russes, ils vont faire un petit tour sur Facebook ou textent des gens. Ils le font parce que c’est difficile de faire autrement lorsqu’on a déjà le téléphone dans les mains. Au lieu de profiter de cette journée avec leur famille, journée qui leur a coûté un bras pis une jambe, précisons-le, ces parents — et j’en suis — passent la journée avec leur cellulaire.

En revenant de voyage, je me suis vraiment demandé si pendant que je filmais mes filles dans la pitoune ou que je prenais le petit dernier en photo sur la plage en cherchant le meilleur angle, je ne passais pas à côté de quelque chose de plus essentiel. Je me suis aussi demandé si ma dépendance était si grave, au fond. Étais-je en train de me transformer en réactionnaire et de démoniser mon iPhone à la manière de nos grands-mères et de la télévision? Est-ce que mon téléphone m’empêchait vraiment d’être là, d’avoir du fun et de passer un agréable moment en famille? Peut-être que oui et peut-être que non. Je n’en suis pas certaine et je n’arrive pas à trouver une réponse claire à mon questionnement.

Une chose dont je suis sûre, par contre, c’est que mon téléphone intelligent est en train de venir à bout de mon attention en la divisant sans cesse. Je ne suis plus capable de rester dans le moment présent, de me concentrer sur une seule chose, de lire un livre ou de regarder un film par exemple, sans ressentir l’envie de consulter mon téléphone. Je ne suis plus capable de faire la file en quelque part sans me servir de mon iPhone pour me désennuyer.

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Je me rappelle de cette époque pas si lointaine où je discutais avec mes parents en attendant d’embarquer dans le Space Mountain. Je me souviens que ma mère m’inventait des histoires, des jeux et des devinettes pour que les minutes s’écoulent plus vite. Si je veux être honnête, je me rappelle aussi qu’elle perdait patience, parfois, qu’elle se tannait de me divertir, et qu’elle a finit par m’acheter un Game Boy pour les longs voyages en auto. Un iPhone, est-ce que c’est pire qu’un Game Boy? Je ne pense pas. Sauf que le Game Boy ne s’est jamais immiscé dans tous les pans de la culture. Il n’a jamais figuré en tête des objets à posséder si l’on veut se situer au sommet de la pyramide de la désirabilité sociale. Non, mon Game Boy n’a jamais été investi de tant de représentations. Et je n’ai jamais eu besoin de lui pour lire le journal, entrer à Disney, payer une facture, écrire un billet de blogue, et surtout, entretenir mon image.

Dans l’interminable file du monde ordinaire qui n’a pas téléchargé de fast pass pour voir Cendrillon, mes filles m’ont supplié de jouer avec mon téléphone. Je leur ai volontiers tendu l’appareil. Tout le monde était content. Cendrillon aussi, quand on l’a finalement vue.

Pour écrire à Geneviève Pettersen: genevieve.pettersen@rci.rogers.com
Pour réagir sur Twitter: @genpettersen
Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

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