Ma parole!

Des non-vertus de la communication

Non, toute vérité n’est pas bonne à dire et la communication n’est pas la solution à tout! Surtout dans une relation de couple, comme l’explique Geneviève Pettersen, dans sa dernière chronique.

Il m’arrive de faire des faces bêtes à mon chum. Dans ma tête, je lui reproche un paquet d’affaires : ne pas avoir vu la pile – que dis-je, la montagne – de vêtements à plier et à ranger, ne pas me dire assez qu’il m’aime, ne pas m’apprécier à ma juste valeur, trop regarder son téléphone intelligent, ne pas être assez manuel. Je pourrais continuer longtemps comme ça. Et je suis certaine que, si vous incitiez mon mari à révéler la liste des reproches qu’il m’adresse en secret, elle serait assez longue.

Je vous parle de ça parce que j’ai lu un article sur le divorce dernièrement. Ça disait que, quand c’est la femme qui décide de quitter le foyer conjugal, l’homme tombe souvent en bas de sa chaise. « Je ne l’ai pas vu venir » serait la phrase la plus employée pour décrire la situation. C’est le manque de communication qui serait à l’origine de cette incompréhension. Le manque de communication masculine, on s’entend.

Photo: iStock

À LIRE: Pas le temps

Je vous explique : la femme mijoterait dans son coin, pendant deux ans en moyenne, toutes ses insatisfactions et ses frustrations avant de prendre LA grande décision, celle qui ferait voler son couple en éclats. Paraîtrait que, pendant ce temps, elle aurait essayé par tous les moyens de faire comprendre à son compagnon que quelque chose clochait, mais sans succès. Lui n’aurait rien compris. Disons, pour être polie, que je suis un peu lasse de ce cliché. Comme si les femmes étaient les reines de la discussion et que les hommes étaient de vulgaires Cro-Magnons tout juste bons à grogner et à se gratter la raie.

Des femmes incapables de communiquer, j’en ai rencontré des dizaines et des dizaines dans ma vie. Même que, des fois, je suis moi-même la championne de la non-communication. Je trouve particulièrement difficile d’exprimer mes frustrations et mes besoins. Et pas juste dans la sphère intime. Dans ma vie professionnelle aussi. Que voulez-vous, je suis faite de même. Il est beaucoup plus facile pour moi de faire du pile-patates, comme dirait ma mère. C’est-à-dire de piler tout ce qui me dérange au fond de moi et de donner un bon coup de plus sur le dessus quand ça déborde pour en faire entrer encore plus. Avouez que vous le faites aussi.

Je fais du pile-patates, donc, et j’accumule les frustrations jusqu’à ce que le couvercle saute. Ça arrive d’habitude pour une peccadille ou quand je manque cruellement de sommeil. Là, j’explose et expose ma liste de reproches au grand jour. Je vous assure que cette façon de faire n’a rien de gagnant et qu’il ne s’agit pas ici de communication.

Je me demande par contre si partager mes insatisfactions au jour le jour avec mon partenaire serait plus bénéfique pour mon ménage. J’ai des amis qui vont au restaurant de façon régulière pour faire une mise au point maritale. Je ne sais pas quoi penser de cette pratique. Je sais juste que je n’aurais tellement pas envie que l’une de mes rares sorties au resto se transforme en règlement de comptes.

À LIRE: L’égalité des sexes au Québec: où en est-on?

Je pense aussi que la communication n’est pas la réponse à tout. Je crois intimement que, si l’on veut qu’un couple dure, il faut être prêt à passer l’éponge, à oublier certaines affaires et à s’engager à ne pas les ramener à la surface à la prochaine prise de bec. Certains diront que c’est de l’hypocrisie. Moi, j’appelle ça plutôt de l’instinct de survie. Je ne vous dis pas de renoncer à l’essentiel. Je ne vous dis pas de renier ce que vous êtes ou de laisser passer l’inacceptable. À chacun ses limites. Par contre, je ne crois pas que c’est en vidant sans cesse son sac qu’on fait des enfants forts. Ici comme ailleurs, il est bon de se garder une petite gêne. Non, toute vérité n’est pas bonne à dire. Et être toujours en train de se parler dans le blanc des yeux comme si on était dans une sorte de thérapie de couple perpétuelle est un véritable tue-l’amour.

Pour écrire à Geneviève Pettersen: genevieve.pettersen@rci.rogers.com
Pour réagir sur Twitter: @genpettersen
Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)

À LIRE: Les enfants et le sexe sur internet : comment en parler?

Pour tout savoir en primeur

Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
  • En vous inscrivant, vous acceptez nos conditions d'utilisation et politique de confidentialité. Vous pouvez vous désinscrire à tout moment.