Chroniques

Mains sales et coeur joyeux

Un jardin qui guérit.

Photo: iStockphoto

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Début avril, 7 h 30. La neige fond, les oiseaux sont hyper occupés et il y a un embouteillage d’écureuils sur le fil au-dessus du garage du voisin. Moi, pieds nus dans mes bottes, un chandail sur ma robe de chambre, je prends mon café sur la terrasse. Je dois avoir l’air d’une vraie folle. Je m’en fiche.

Les doigts gelés autour de ma tasse, je rêve au samedi où il fera assez chaud pour, enfin, pelleter au soleil la neige qui ne fond pas assez vite. À mon amélanchier qui, bientôt, aura l’air d’une boule de dentelle blanche. Aux fines herbes que je vais faire pousser dans ma boîte à fleurs. Aux expéditions à la pépinière où, coude à coude avec deux millions de Québécois aussi fous que moi, je vais emplir mes yeux du bleu des gloires du matin et mon panier de sacs de terre et de fumier de mouton. Aux matinées au marché pour acheter trop de tomates, de laitues, de haricots et de fraises, de tout ce que ma terre septentrionale est capable de produire. Aux déjeuners du dimanche sur la terrasse. Aux barbecues avec les amis quand, une fois la nuit vraiment tombée, on ouvre une autre bouteille pour prolonger la conversation…
Mon jardin urbain est petit. Mais ses 900 pieds carrés m’offrent un sentiment d’infini, un lien avec la nature, avec la vie. C’est un cadeau immense.

Les jours passés à genoux dans la terre, sale jusqu’aux sourcils, à déménager mon hosta (pour la quatrième fois au moins !), à remplumer le massif de pervenches malmené par les chiens et à vider mon composteur sont des jours de plénitude. La nature, même grande comme un mouchoir de poche, guérit. D’instinct, l’homme le sait depuis toujours. Les premiers hôpitaux étaient, paraît-il, des monastères construits autour d’un jardin intérieur. Mais la science commence à peine à creuser la relation que l’homme entretient avec le monde végétal.

Des chercheurs ont ainsi pu confirmer que les fonctionnaires qui, de leur fenêtre (quand ils ont la chance d’en avoir une dans leur bureau), voient un coin de verdure sont moins stressés et plus productifs que ceux qui ont un mur de béton pour tout horizon. Qu’une fenêtre sur un arbre véritable prodigue plus de calme et de sérénité que l’image d’une forêt diffusée par un écran plasma géant. Que quelques plantes vertes dans une chambre d’hôpital accélèrent la guérison des gens.

Les scientifiques ont établi que, bien oui, la vie quotidienne cause un stress constant et crée une fatigue mentale. Ils ont aussi vérifié scientifiquement que marcher dans un parc, monter une boîte à fleurs ou arroser son jardin implique de troquer cette attention soutenue contre ce qu’ils appellent une fascination : une attention reposante en quelque sorte, comme quand on regarde les vagues rouler sur la plage ou les flammes danser dans la cheminée du salon. La restauration de l’attention, ils appellent ça.

Je fais confiance à la science. Mais il me semble que les plantes, les fleurs, les arbres nous donnent quelque chose de bien plus fort et de bien plus précieux qu’un meilleur rythme cardiaque. Mes pétunias se fichent que je sois avocate ou chômeuse. Ils ne connaissent pas la différence entre le jardin d’une maison cossue et la boîte à fleurs d’une fenêtre de la basse-ville. Si je les soigne bien, ils poussent. Et me donnent, en plus de leur beauté, un sentiment d’accomplissement. Une connexion directe avec la grande nature. Ça aide à nous souvenir que nous, poussière d’étoiles, sommes liées à autre chose qu’à nous-mêmes. Ça agrandit la famille.

Et puis, le basilic de ma cour, c’est le meilleur pour la salade de tomates.

louise.gendron@chatelaine.rogers.com

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