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Roméo écrivait à la main

Je ne veux pas vous faire souffrir avec ma nostalgie romantique, mais j’ai l’impression d’être de la dernière génération qui garde une boîte de chaussures de lettres d’amour écrites à la main.

Avant l’avènement des courriels, j’aimais écrire de longues lettres en jetant mes brouillons au sol, témoins chiffonnés de mon labeur acharné. Au début de la vingtaine, j’écrivais souvent en pleine nuit en écoutant l’adagio d’Albinoni en boucle. C’est la musique que j’exige pour mes funérailles même si je n’entendrai plus rien. Mes premières peines d’amour m’ont appris à écrire.

Au Cégep, j’avais un amoureux qui me laissait des poèmes sur le pare-brise de ma voiture. Il lui arrivait aussi de cogner à ma fenêtre en pleine nuit et de réveiller aussi mes parents qui dormaient à côté. Je revois encore la mine découragée de mon père quand il parlait de « Mon Roméo ».

Nous nous sommes retrouvés des années plus tard, entre deux grands voyages.  Avec l’expérience, il avait raffiné ses techniques : plutôt que de cogner aux fenêtres, il avait appris l’escalade. Je suis rentrée chez moi au petit matin et je l’ai trouvé couché sur le divan avec mon chat qui ronronnait à ses côtés. Roméo avait escaladé la façade de mon édifice jusqu’au balcon du troisième étage, un jeu d’enfant pour un grimpeur de son niveau. Voilà le Roméo moderne : il ne fait plus la cour au bas de la fenêtre et il préfère les textos en franglais aux poèmes écrits à la main.

J’avais noirci plusieurs carnets de mon adolescence à ma crise existentialiste de la vingtaine. Profitant de ma prime de licenciement au plus creux de la crise d’Internet, je me suis réfugiée dans un chalet des Alpes, seule au monde, le troupeau de chèvres malcommodes d’en face. Moi qui trône habituellement au haut de la chaîne des animaux sociaux, j’ai vécu plusieurs journées où mes interactions se limitaient à : « Bonjour-Un pain au chocolat svp-Merci-Bonne journée! » J’ai profité de cet automne pluvieux pour relire mes lettres et mes carnets et tenter d’en tirer quelque chose. Dix ans plus tard, ces écrits déchirants, décousus et désorientés deviennent décidement désespérants. (Essayez cette phrase comme exercice de diction) Hey oui! J’ai vraiment été pathétique avant de transformer la réalité en tragi-comique.  Quand on a assez pleuré sur le coup, c’est parfois plus facile d’en rire plus tard.

La Saint Valentin approche dangereusement, cette date que je redoute autant qu’un rendez-vous chez le dentiste dans mon agenda. Si j’avais un Valentin (ce qui est bien mal parti), inutile de m’emmener dans un restaurant chic, de boire du champagne ou de manger des truffes, j’aimerais juste un petit mot doux écrit de sa main.

C’est la chanson Je te laisserai des mots de Patrick Watson qui m’a rappelé à quel point j’aimais recevoir des lettres écrites à la main… il y a si longtemps déjà.

http://www.youtube.com/watch?v=wCCaUkxRvOI&fs=1&hl=fr_FR

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