Annabel Duval-Guévin
Pour Annabel, le choc a été brutal. Ce jour-là, assise avec son bébé de cinq mois dans une ambulance filant à toute allure vers l’hôpital Sainte-Justine, elle venait d’apprendre que Mayden avait contracté la méningite de type B, une maladie dont les conséquences peuvent être graves, voire mortelles.Dans les jours précédents, la jeune maman à l’aube de la trentaine avait noté que son fils faisait des poussées de fièvre importantes. Jusqu’à 41 °C (106 °F). Il a sans doute attrapé un virus, s’est-elle dit. Elle ne s’est donc pas souciée outre mesure de son manque d’appétit ni de son air maussade. Après une première visite rassurante à l’hôpital de Nicolet, où on fera une prise de sang à Mayden pour s’assurer qu’il n'a rien de sérieux, elle revient à la maison avec son enfant. Mais bien vite, l’état du poupon se détériore : il régurgite le peu de lait qu’il avait bu quelques heures plus tôt, il semble très souffrant et, surtout, il fait de nouveau 41 °C de fièvre.
Prise d’inquiétude, Annabel retourne à l’hôpital – à Trois-Rivières, cette fois – où elle finit par apprendre que son bébé est gravement malade. « On me dit qu’il a une méningite B, une infection bactérienne potentiellement mortelle, et qu’il doit être transféré à Sainte-Justine de toute urgence », se rappelle-t-elle. L’instant suivant, elle est dans l’ambulance avec Mayden sous antibiotiques, en compagnie d’une pédiatre qui surveille ses signes vitaux.
Après huit jours passés à l’hôpital, l’enfant recouvre la santé. Mais les médecins doivent encore vérifier qu’il n’a aucune atteinte neurologique. « Son papa et moi, on était très confiants. On se disait que Mayden est un battant, qu’il n’en garderait aucune séquelle », raconte Annabel, encore émue. Or, la réalité rattrape les jeunes parents : Mayden a perdu l’audition dans son oreille droite.
De 5 % à 10 % des Québécois – soit jusqu’à 800 000 personnes – sont porteurs d’un des cinq types de méningocoques à l’origine de la méningite bactérienne. Et cette bactérie, qui se loge dans la gorge, peut se transmettre dans l'entourage d'un patient atteint de méningite. « Elle se transmet par gouttelettes respiratoires, par exemple lorsqu’on tousse ou qu’on postillonne », dit le Dr Alex Carignan, médecin microbiologiste infectiologue et professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.
Parmi tous ces porteurs, il arrive que certains développent une maladie sévère comme la méningite B, qui s’attaque aux tissus entourant le cerveau et la moelle épinière.
Et le pire, c’est que les symptômes de la méningite B s’apparentent souvent à ceux d’une grippe ou d’un vilain rhume : fièvre, courbatures, irritabilité, somnolence, frissons, vomissements, diarrhée, respiration rapide. Un bébé peut devenir lent ou léthargique, être irritable, perdre l’appétit ou vomir. Il faut donc savoir que cette maladie peut aussi provoquer des maux de têtes inhabituels, une raideur de la nuque et s’accompagne parfois d’éruptions violacées sur la peau. Dans ce cas, il faut vite consulter, car il y a urgence. « Beaucoup d’enfants se présentent à l’hôpital très, très malades, parce que la méningite évolue trop vite, poursuit le Dr Carignan. C’est souvent une question de minutes avant que ça dégénère. »
Les séquelles que peut laisser la méningite B dans son sillage sont nombreuses. Et peu rassurantes : surdité, problèmes neurologiques, déficience intellectuelle, amputation d’un membre, décès. « Le pire, c’est que ça s’attaque souvent aux nourrissons, aux enfants en bas âge, aux adolescents et aux jeunes adultes. On ne s’habitue pas à voir mourir un enfant », dit le Dr Carignan.
Tricia Derouin, elle, a gardé des problèmes de vision à la suite de la méningite B, qu’elle a contractée à 14 ans. Elle voit double. Heureusement, à force de traitements et de rééducation, cette condition est presque disparue. « Je vois double seulement lorsque j’approche quelque chose à trois pouces de mon visage, dit la femme de 27 ans. Quand je donne des becs à mes enfants, par exemple. »
Son retour vers une vie normale, après une hospitalisation de presque trois semaines, a été semé d’embûches. « Je suis ressortie de Sainte-Justine avec un cache-œil, qui m’évitait de voir en double. Pour une fille qui avait peu confiance en soi, c’était très difficile », se remémore-t-elle. Et puisque la maladie a frappé en fin d’année scolaire, Tricia n’a pu faire ses examens du Ministère. Résultat : la méningite B ne l’a pas uniquement affectée physiquement, mais a également vécu des répercussions sur sa vie sociale et sa santé mentale, ce qui l'a obligée à reprendre sa 3e année du secondaire au complet.Aujourd’hui, bien qu’elle ait presque retrouvé une vision normale, elle est restée avec un grave trouble anxieux et souffre d’hypocondrie. « Ai-je besoin de vous dire que toute ma famille est vaccinée contre la méningite B ? » lance la jeune maman de deux – bientôt trois – enfants.
Car oui, des vaccins contre la méningite B existent. Ils ne font cependant pas partie du calendrier de vaccination habituel des enfants dans le cadre du Programme québécois d’immunisation (PQI), contrairement à ceux contre les méningites de types A, C, Y et W135, soit les quatre autres souches de méningites. Une hérésie, selon Annabel Duval-Guévin. « Je ne peux pas croire qu’aucun médecin ne m’avait parlé de cette maladie ni des vaccins pour la prévenir. Si mon bébé était mort, je ne sais pas ce que je serais devenue », dit-elle en essuyant ses larmes.
Le Dr Carignan estime lui aussi que la méningite B devrait être incluse dans le calendrier vaccinal des enfants au Canada.
Aujourd’hui, Tricia, Annabel et Mayden vont bien. Si la vie donne un second enfant à Annabel, « je vous garantis que tous mes enfants seront vaccinés », conclue-t-elle.
Parlez à votre médecin ou votre professionnel de la santé pour en apprendre davantage à propos de la méningite B et visitez le www.meningiteB.ca.