Cette semaine, le National Post a publié un long article sur la nourriture que les enfants mangent, mais surtout celle qu’ils ne mangent pas et qui les rend paresseux de la papille. Je vous le résume en trois phrases choc :
Les doigts de poulet, c’est mal.
Honte à vous, parents nord-américains débordés.
Les Français élèvent des gourmets, eux.
D’après le journaliste Adam McDowell, toute une génération d’enfants se nourrit exclusivement de bouffe beige et de gluten gratiné: doigts de poulet, hamburgers, pizzas, pâtes sans sauce, macaronis au fromage et grilled-cheese. Semble-t-il que ces petits mangeurs partagent rarement le même repas que leurs parents. Ces derniers leur serviraient de quoi satisfaire leurs goûts «difficiles» pour éviter les crises autour de la table et/ou remplir rapidement les estomacs entre trois activités parascolaires.
De leur côté, les parents français considèrent que manger est un apprentissage au même titre que lire, explique-t-on dans l’article. Les enfants ne sont jamais obligés de manger ce qui se trouve dans leur assiette, mais aucun mets de rechange ne leur sera proposé. Ça ne te plaît pas? Pas de problème. Tu mangeras au prochain repas. Et on t’en servira une autre fois pour que tu essaies encore.
Le texte de McDowell manque cruellement de nuance et met tout le monde dans le même panier (de frites). Il n’est pas tendre à l’égard des parents canadiens, surtout ceux qui travaillent, mais ce qu’il avance n’est pas faux. Selon l’Enquête de nutrition auprès des enfants québécois de 4 ans réalisée en 2002, «plus du tiers des enfants prennent de trois à cinq repas par semaine à l’extérieur du foyer et jusqu’à 15 % mangent à l’extérieur plus d’une fois par jour.» On suppose que ces sorties impliquent fréquemment un «menu pour enfants» typique, tel que décrit plus haut. Selon un mémoire de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec, «les hotdogs et les hamburgers figurent au menu deux fois par semaine pour environ deux jeunes (âgés 6 à 16 ans) sur trois. » Et je vous épargne les statistiques sur la folle hausse des ventes de plats préparés et précuits ou celles sur l’augmentation de l’obésité infantile depuis les années 1990!
Je suis troublée. D’abord, je n’aime pas qu’on diabolise les doigts de poulet: j’aime beaucoup les doigts de poulet. Et je m’inquiète de la disparition progressive de cette expérience humaine rassembleuse qu’est le repas familial. Goûter à la même chose en même temps, ça crée des liens.
Fait intéressant, j’ai appris que mon approche était «française», moi qui la croyais simplement «gourmande finie». D’ailleurs, j’ai reconnu une bonne partie des familles de mon entourage dans cette philosophie alimentaire. Question d’éducation, de domaine de travail et de valeurs semblables? À moins que la culture québécoise, à cheval entre l’Europe et l’Amérique, y soit pour quelque chose?
De plus, j’ai une crampe au cerveau quand je pense à l’omniprésence de l’art culinaire dans les médias et à la situation préoccupante que dépeint McDowell. Comment se fait-il qu’on ait accès à des milliards de recettes de «repas de semaine» pour «parents pressés», mais qu’au final, on cuisine si peu? Ou devrais-je dire, si peu pour les enfants, parce qu’ils exigent toujours les mêmes trois repas sortis directement du congélateur?
Croyez-vous qu’il y ait autant de parents qui abdiquent devant les incontournables caprices alimentaires de leurs enfants? Comment ça se passe chez vous? Mon p’tit doigt (de poulet) me dit qu’on essaie trouver le coupable idéal à une situation beaucoup plus complexe qu’elle n’en a l’air…
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