À bien y penser

La mode me passionne, nous dit notre blogueuse Josée Boileau

J’aime les plaisirs des frivolités. À l’heure où le laisser-aller est à la mode, je reste du clan coquetterie!

Photo: inarik / iStock.com

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé l’idée de se faire belle –ravie même de ne pas être un gars, si limité dans sa panoplie vestimentaire et cosmétique.

Je ne suis pas pour autant devenue une maniaque de mode pour moi-même, pas plus que je cours tout ce qui s’écrit et s’illustre sur le sujet. Mais j’aime que mon œil soit séduit.

Prenons la série Ruptures. J’apprécie la qualité du scénario, des dialogues et du jeu, mais mon plaisir d’écoute, c’est aussi la garde-robe du trio de juristes de feu jouées par Mélissa Désormeaux-Poulin, Isabel Richer et Dominique Laniel! Je scrute chaque coupe, chaque bijou.

Et j’ai eu un pincement au cœur en apprenant que l’émission Les échangistes ne revenait pas à l’antenne de Radio-Canada l’été prochain. Pas parce que, au gré du mélange des invités, ça mettait souvent de la belle humeur dans une soirée d’été, mais parce que je n’aurai plus la plaisante curiosité de vérifier comment Pénélope McQuade sera vêtue, coiffée, maquillée. Un look différent, soir après soir! Qui donc me redonnera ça?

J’ajoute que chaque fois que je suis allée en vacances à New York, j’ai été capable d’attendre très, très longtemps en file pour entrer aux expositions de grands couturiers du Costume Institute du Metropolitan Museum.

Sans compter mon admiration pour ceux et celles de mon entourage qui savent s’habiller chic (et ça, c’est plus que «propre») ou chouette (et ça, c’est plus que «n’importe comment») – ce qui est un talent, pas une question d’argent.

C’est futile? Non, c’est vivant.

Je l’ai encore réalisé cet automne, alors que ma mère a dû quitter la maison pour être longuement hospitalisée. Elle n’allait vraiment pas bien, puis a eu du mal à prendre du mieux. Mais l’un des derniers gestes qu’elle a laissé aller et l’un des premiers qu’elle a repris, c’est de se mettre du rouge à lèvres. Touche d’éclat dans la grisaille hospitalière, jolie manière de se raccrocher à la vie.

Et moi, je voyais tout le sel de la civilisation dans sa main tremblante devant un miroir.

Ça me ramenait à cette affiche placée à côté du miroir dans ma salle de bain: une reproduction de la une de La Presse du 17 octobre 1908 où l’on voit une dame portant un superbe chapeau à plumes. Et sous le dessin on lit: «L’idée que l’homme se fait du beau s’imprime dans tout son ajustement, note Baudelaire dans ses Curiosités esthétiques.» Oui, il y a de la beauté et de la poésie, donc de la civilisation, dans le paraître.

À lire: Les dames de l’autobus

C’est dans cet esprit que j’ai plongé dans le tout récent ouvrage Quand la vie défile (éd. de l’Homme) du grand créateur de mode Jean-Claude Poitras, lui-même emblème de l’élégance.

Alors que les regards se portent toujours vers les couturiers de Londres, Milan, New York, Paris, lui nous ramène ici, en jetant, comme le veut le sous-titre de son livre, un «Regard sur la mode au Québec des années 1950 à aujourd’hui». Il le fait avec générosité envers ses collègues et envers nous qui lisons, arrimant chaque décennie de mode avec les événements sociaux et politiques qui se déroulaient au Québec, avec la toile du monde en arrière-fond. Il a raison, l’un ne va pas sans l’autre, notamment parce que cela a des impacts sur la structure économique même de la mode. Tout ça nous est raconté sans lourdeur, avec passion.

Et que de souvenirs ça ranimait en moi! Les défilés hebdomadaires commentés par Mariette Lévesque à Bon dimanche, émission culturelle culte de TVA qui fut en ondes pendant plus de 20 ans; l’ouverture des premières boutiques de mode au centre-ville, dont je reluquais les vitrines; les shops de couture, aujourd’hui fermées, dans les villages du Québec où l’une de mes cousines a durement travaillé.

Surtout, il y avait le rappel de générations successives de créateurs et de créatrices (oui, bien des femmes dans le lot, savoureuse distinction québécoise!), au nombre desquels se trouve le duo Serge et Réal. Et voici qu’il est question de ma voisine d’enfance!

Madame Long faisait partie des petites mains des deux couturiers. Une dame au foyer très ordinaire, mais qui prenait de temps en temps des contrats de couture pour arrondir les fins de mois.

Mais c’est un tout autre contrat qui la rendait vraiment pas ordinaire à mes yeux! Ma mère lui avait confié la confection des vêtements de mes nombreuses poupées Barbie. Sous ses doigts habiles naissaient jupes seyantes, costumes de ville, robes de bal, pantalons de ski, maillots de bain et bien sûr «la» robe de mariée. Grâce à elle, qui, paradoxalement, se vêtait très simplement, j’avais une collection complète, unique, exclusive pour chaque saison. La joie quand elle venait me présenter ça, déployant le tout sur la table de cuisine! Les vêtements de Barbie vendus au magasin faisaient pâle figure en comparaison.

C’est aujourd’hui que je mesure la richesse de ces morceaux minuscules aux détails finement travaillés et que j’ai encore. Ils sont jaunis, défraîchis (j’ai tellement joué aux Barbies!), mais je trouve fabuleux pareil d’avoir un ersatz de Serge et Réal dans mes souvenirs de petite fille.

Et je trouve fabuleux le pouvoir qu’ont chiffons, rubans et petits pots – et nœuds papillon, tuques rigolotes, bottines bien cirées! C’est un clin d’œil assumé à la vie.

À lire: Mes vacances british à l’accent féministe!

Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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