Sauf pour mon adolescence et quelques mois ici et là, j’ai toujours été ronde, à différents degrés. Enrobée, bouffie, grassouillette, enveloppée, corpulente, grosse; appelez ça comme vous voulez, je l’étais et je le suis encore. La seule chose qui n’a jamais changé? Mon amour du sport. Non, pardon: mon besoin du sport. À tous les jours.
Surpris? Choqués? Perturbés? Une grosse qui fait du sport au quotidien, ça n’existe pas? Oh que oui; j’en suis la preuve vivante. Voilà que je casse vos croyances et que je défonce vos préjugés? Tant mieux. C’est comme ça qu’on va continuer à avancer, ensemble. Vers le mieux, cette région pas si lointaine où l’acceptation est reine.
Plus jeune, j’ai pratiqué la gymnastique, le patinage artistique, le ballet classique. Le jogging, le basketball, la natation. J’ai couru, j’ai sauté, j’ai lancé. J’ai sué, j’ai craché, j’ai bavé. Toujours, ce sentiment de bien-être. Cette paix intérieure qui m’emplissait quand mon corps se cambrait, s’élançait et s’étirait. Cet apaisement total quand je cherchais mon souffle, que je me dépassais ou que je m’accomplissais. Une émotion si forte et si fragile, que je voulais garder en moi, comme un petit secret. Un mode de vie à cultiver avec amour et passion, avec sérieux et attention. Qui m’habite encore aujourd’hui, mais différemment.
En vieillissant, on attrape souvent la maladie des excuses: le manque de temps, le manque d’argent, le manque d’envie, le manque d’énergie. J’ai tout fait pour m’en protéger. Le sport, on peut le pratiquer où l’on veut, quand on veut, comme on peut. C’est comme ça que j’ai réussi à m’adapter: en grimpant les marches plutôt que l’escalier roulant, en marchant plutôt qu’en prenant la voiture, en courant après le bus. En prenant le vélo pour me rendre au boulot, en gravissant la montagne près de chez moi au réveil, en faisant du ski/de la raquette/du kayak/du surf à pagaie/du yoga/de la Zumba avec les amis. En apprenant à dire oui même quand je pensais non. En arrêtant d’avoir peur, de moi et des autres, de mes faiblesses et, surtout, de mes limites. En comprenant que je peux tout faire, à ma façon. Sans me comparer, sans me forcer, sans me brûler. Prendre soin de moi en me poussant tout en me protégeant.
Évidemment, j’ai essuyé des tonnes de regards méprisants, de paroles blessantes et de sourires mesquins, à travers les années. Au gym comme sur l’eau ou dans les parcs, lancés par des hommes et des femmes de tout âge et de toute forme. À chaque fois, je pensais: «J’ai manqué le cours où l’on nous apprend que le sport, c’est pour les minces?» ou encore «J’ai loupé l’épisode où l’on nous dit que les gros n’ont pas le droit de courir en paix?». J’ai arrêté de compter le nombre de fois où l’on m’a gentiment dit: «On commence tous quelque part» – pas assez de doigts ni d’orteils pour ça. Et si je ne commençais rien? Et si je gardais simplement vivant mon mode de vie actif? Et si je bougeais pour me tenir en forme et être heureuse? Et si…?
C’est dur à comprendre, une personne active dans un but autre que la perte de poids; je suis d’accord. Et c’est encore plus dur à comprendre, une personne active qui ne perd pas de poids; je vous l’accorde. Les raisons peuvent être nombreuses: héréditaires ou médicales, physiques ou sentimentales, inexistantes. Toutes superflues. Pourquoi? Parce que ce n’est pas de nos affaires, la vie des autres. Mais là est ma vérité: je ne me défonce pas pour manger plus, pour faire disparaître mes bourrelets ou pour impressionner les autres. Je le fais pour retrouver ce sentiment de bien-être, cette paix intérieure, comme perdus puis retrouvés chaque matin. Je le fais pour moi.
P.S.: Châtelaine a publié, dans le passé, un super texte sur le sujet: En chair et en forme. Tous les jugements préconçus sur le sport quand on est ronde y sont démystifiés, un à un.
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