Mode

Les hommes et la mode

Quelle personnalité inspire le co-fondateur de la boutique en ligne Frank & Oak? Quels grands courants définissent la mode pour hommes actuellement? On a posé toutes ces questions à Ethan Song, lors d’un shooting photo organisé par la marque de lunettes BonLook. Une conversation fascinante.

Hommes_Ethan_Song

Photo: BonLook

Pourquoi avoir accepté d’être mannequin pour la nouvelle collection de lunettes pour hommes de BonLook?
Je ne crois pas que je suis ici à titre de mannequin, mais plutôt à titre de personnalité. Je suis un bon ami de Sophie (la créatrice de la marque BonLook) et j’admire ce qu’elle fait. Quand elle m’a dit qu’elle voulait que son prochain catalogue soit incarné par des hommes montréalais qui contribuent au dynamisme de la ville, j’ai tout de suite dit oui. Ce qui est intéressant avec le shooting d’aujourd’hui, c’est qu’il rassemble des gars qui évoluent dans des milieux complètement différents : le sport pour Brandon Prust, la musique pour Gabriel Malenfant, la restauration, l’architecture… Ça montre à quel point le style masculin a évolué depuis les dix dernières années. C’est plus créatif et diversifié aujourd’hui. Même notre façon de percevoir la virilité a changé : avant, être viril était lié à des qualités physiques, tandis que maintenant, c’est devenu un concept plus intellectuel. Aujourd’hui, c’est cool d’être intelligent!

Vous dites que le style masculin est devenu plus créatif et plus diversifié. Avez-vous des exemples?
Prenez les musiciens : beaucoup d’entre eux sont intéressés à créer des objets mode ou des œuvres d’art en parallèle de leurs albums. Ce côté multidisciplinaire, c’est une tendance de fond, et c’est de plus en plus courant. C’est pour ça que chez Frank & Oak, par exemple, on ne fait pas juste des vêtements; on publie aussi un magazine, on tourne des vidéos… Une des personnes qui m’inspire le plus dans ce sens-là, c’est Pharrell Williams. Ce n’est pas vraiment une pop star dans le sens traditionnel du terme. Il peut ne pas sortir d’album pendant dix ans, mais il s’implique dans mille autres projets et trouve moyen de s’exprimer autrement. Il investit dans des compagnies, il fait du mentorat auprès de jeunes artistes, il dessine une collection de vêtements… C’est le mélange de toutes ces activités qui est intéressant.

Que pensez-vous de son style et surtout, de ses shorts?
C’est très différent du mien, mais je l’apprécie. Il ne se prend pas trop au sérieux et ça se voit. Il ne porte pas toujours des trucs de bon goût, mais ça paraît qu’il a un sens de l’humour.

Comment décririez-vous votre propre look?
Je préfère ne pas être au centre de l’attention, alors je porte des vêtements très simples. J’aime les basiques agrémentés de détails discrets. Je m’intéresse aux matières, à la coupe. Il y a deux ans environ, on a fait une collection capsule pour Dave 1, du groupe Chromeo, et j’ai beaucoup parlé de mode avec lui. Il possède tout en plusieurs exemplaires : des smokings, des jeans déchirés, des t-shirts, des perfectos en cuir. Comme ça, il ne se trompe jamais quand il s’habille le matin! J’ai adopté la même mentalité, et j’ai fait le ménage de ma garde-robe. Je n’ai gardé que des jeans noirs, des t-shirts blancs, des chemises blanches et des manteaux en cuir noirs. Comme ça, je sais que peu importe la combinaison, ça va marcher.

Vous parlez de simplicité, mais pourtant chez Frank & Oak on retrouve des imprimés, du tartan, des couleurs fortes…
Oui, c’est un peu à l’opposé de ce que je porte au quotidien! On créé des pièces intéressantes qui inspirent les gens, alors que moi, je gravite de plus en plus vers la simplicité. J’achète plusieurs versions du même t-shirt blanc, mais je crois aussi que c’est cool de suivre les tendances. À chaque saison, je me procure LES pièces les plus hot du moment. Quand on connaît son propre style, la base reste la même, ce ne sont que les accessoires qui changent.

Comment fait-on pour trouver son style?
C’est instinctif. Je crois qu’en ce moment, on peut diviser la mode pour hommes en deux courants principaux : ce que j’appelle le style « campagne » (« countryside ») et le style « ville », en noir et blanc (« city black & white »). On peut immédiatement voir qui se situe dans quel courant. Ce n’est pas juste une question d’esthétique mais aussi de valeurs. Pour vous donner un exemple : le courant campagne est lié à une sorte de retour à la terre, à un intérêt pour l’environnement et pour les traditions. Ça transcende les vêtements. Les gens qui s’y intéressent trouvent important de manger local, par exemple. Ils aiment les vêtements faits au Canada ou aux États-Unis, parce qu’ils veulent encourager l’économie de leur propre pays. Le courant « ville », lui, est davantage axé sur le sportswear et l’innovation. On voit beaucoup de marques de mode se tourner vers le sport et intégrer des éléments presque futuristes dans leur design. C’est une façon de briser le moule et d’innover.

Et dans quelle catégorie vous situez-vous?
Je crois que je suis davantage du côté urbain. Je suis plus tourné vers l’avenir que vers le passé.

Au-delà de la mode, qu’est-ce qui vous inspire?
Le design industriel. Des gens comme Dieter Rams. J’admire le côté intemporel des produits qu’il a créés pour Braun. On ne se rend pas compte de tout l’impact qu’il a eu sur le monde dans lequel on vit. Il a dessiné des calculatrices, des stéréos… Tous les gadgets électroniques de son époque. Il les a rendus ludiques et amusants, alors qu’ils auraient pu paraître complexes ou intimidants. Ça a contribué à ce que les gens adoptent rapidement ces nouvelles machines.

Quel rôle les vêtements ont-ils joué dans votre vie?
Adolescent, j’étais très timide. Dans ma vingtaine, les vêtements m’ont aidé à sortir de ma coquille. J’ai essayé beaucoup de choses, j’ai expérimenté avec différents looks. Et puis, avec le temps, j’ai compris un peu mieux qui j’étais.

Votre intérêt pour la mode vous vient-il de vos parents?
Pas du tout. Mon père a un doctorat en physique! Il ne s’intéresse ni à la mode ni à l’esthétique. Mais je crois que ça vient de son enfance. Il a grandi en Chine, où tout devait être fonctionnel. Je crois que j’ai hérité de son côté rationnel. Quand on fait une collection pour Frank & Oak, je ne me vois pas comme un artiste, mais comme un réalisateur. J’imagine une histoire, articulée autour de certains faits saillants. Ensuite, on habille cette histoire en créant des vêtements et une esthétique.

Comment vous vous habillez quand vous voulez impressionner une fille?
Avant, j’adaptais mon style à ma date. Si elle était plus réservée, je m’habillais plus sobrement. Maintenant, je n’en ressens plus le besoin. Je crois que ça ne fera aucune différence de toute façon. Quand vous vous habillez pour impressionner quelqu’un, c’est comme si vous tentiez de vous aligner sur ce que vous pensez qu’il ou elle aime. Alors que si vous arrivez avec votre propre look, vos propres intérêts, c’est comme si vous disiez : « Voici qui je suis. » Ça vient avec l’assurance et la connaissance de soi. Ça prend un peu plus de temps à bâtir, mais c’est plus transparent, plus authentique.

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