Nutrition

Régime cétogène: pourquoi il ne fonctionne pas

Ce régime restrictif exclut les glucides, bénéfiques pour la santé, et peut être dangereux. Voici ce que l’on doit savoir.

Photo: Pexels

On connaît tous quelqu’un qui est «devenu céto». Quand on tape «keto» (le terme anglais) dans la barre de recherche du site d’Amazon, on obtient pas moins de 3 000 résultats rien que dans la section des livres. Ce régime extrêmement populaire, faible en glucides et riche en lipides, compte parmi ses adeptes des célébrités comme la journaliste Katie Couric, l’actrice Halle Berry et Vinny Guadagnino, vedette de Jersey Shore. Blaze, la chaîne de pizzerias américaine associée au joueur de basketball LeBron James, lançait récemment une croûte céto sans gluten. Les bouchées aux œufs, cuisson sous vide, de Starbucks? Céto. Il existe même un groupe Reddit dont les abonnés échangent des recettes de cocktails faibles en glucides et supposément délicieux – tout un exploit quand on sait que la plupart des boissons alcoolisées et des allongeurs regorgent de sucre. Parmi les nouveaux régimes en vogue, c’est le plus populaire… parce qu’on peut perdre beaucoup de poids rapidement. Mais pour ce qui est de ne pas le reprendre, c’est une tout autre histoire.

Regardons tout ça de plus près.

Qu’est-ce que le régime céto?

Avec le régime céto, on mange beaucoup, beaucoup de gras et très peu ou pas de glucides. Aucun sucre. Pas de fruits non plus. Même certains légumes, tels que les pois et le maïs, sont interdits. Le régime privilégie la viande, les œufs, le fromage, le poisson, les noix, le beurre, les huiles, les graines et les légumes fibreux. D’habitude, notre alimentation comprend au moins 50% de glucides. Le régime cétogène, quant à lui, prône un apport énergétique constitué de 90% de lipides, de 6% de protéines et de 4% de glucides. C’est un gros défi de le suivre à long terme (sans parler du coût). Le régime céto, malgré tout le marketing qui l’entoure, n’est qu’une variante du régime Atkins, selon la Dre Ali Zentner, de Vancouver, spécialiste de l’obésité et des maladies métaboliques. «Il peut sembler plus sexy [que le régime Atkins]. Il s’adresse à une classe socioéconomique plus aisée», dit-elle.

Comment fonctionne-t-il?

Le principe du régime céto est d’amener l’organisme à utiliser les graisses – plutôt que le sucre –comme combustible. Nos cellules préfèrent utiliser le glucose présent dans le sang, qui provient des glucides, comme principale source d’énergie de l’organisme. Lorsque le sang qui circule dans le corps est dépourvu de glucose, l’organisme se met à dégrader ses réserves de gras en molécules appelées corps cétoniques – processus qu’on nomme cétose. La plupart des cellules utiliseront alors les corps cétoniques pour produire de l’énergie. Le passage à l’état de cétose survient habituellement au bout de quatre jours d’une faible consommation de glucides: entre 20 et 50 grammes par jour. Toutefois, ce processus est très variable d’un individu à l’autre – certaines personnes devront avoir un apport de glucides beaucoup plus restreint avant de commencer à produire suffisamment de corps cétoniques.

«Chaque personne a un métabolisme différent», dit la Dre Zentner. Prétendre que ce régime – ou tout autre régime – fonctionnera de telle manière pour vous est comme «prescrire la même chimiothérapie pour tous les types de cancers». D’une certaine façon, le régime céto paraît simple – on a une liste d’aliments autorisés, et tout ce qui ne se trouve pas sur la liste est interdit. «Mais il faut se souvenir qu’on doit suivre le régime à vie, ajoute-t-elle. C’est comme pour les médicaments: si l’on cesse de prendre ses pilules pour traiter l’hypertension, la tension artérielle remontera immédiatement», précise-t-elle. Mise en garde plus importante encore, si l’on souffre d’un problème métabolique ayant entraîné une prise de poids ou de l’obésité. Suivre le régime céto ou tout autre régime ne réglera pas le problème sous-jacent, même si l’on perd (temporairement) du poids. «Il s’agit là d’une idée fausse qui circule au sujet des régimes.»

Quels sont les risques?

Le régime céto met l’accent sur les protéines et les lipides, sans faire de distinction entre les aliments protéiques maigres (comme le poisson, les lentilles, les œufs et les noix) et les aliments riches en gras saturés ou ultratransformés (bœuf, porc, bacon, saucisse). Il est plutôt facile de commander un burger à n’importe quel comptoir de restauration rapide, d’enlever le pain et de penser qu’on suit les préceptes du régime céto…

De très nombreuses études ont cependant établi un lien entre une alimentation trop riche en protéines de source animale et les maladies cardiovasculaires ainsi que certains cancers. Le régime céto peut également causer des carences nutritionnelles (on dit adieu aux substances bénéfiques contenues dans les fruits, les légumes et les céréales, comme le sélénium, le magnésium, le phosphore et les vitamines B et C), des problèmes de foie (qui doit travailler très fort pour métaboliser tout ce gras) et des troubles rénaux (les reins interviennent dans le métabolisme des protéines et doivent également travailler plus intensément).

Effets indésirables?

Et comment… Mauvaise haleine, nausées, vomissements, constipation, problèmes de sommeil accompagnent le passage à l’état de cétose les premières semaines – on regroupe ces symptômes sous l’expression «grippe cétogène». On rapporte aussi souvent des idées confuses, des sautes d’humeur et de l’irritabilité. Tout ceci parce que le cerveau a besoin, pour fonctionner, de sucre provenant de glucides non raffinés, c’est-à-dire qui ont conservé leurs fibres, comme les grains entiers, les fruits, les légumes et les légumineuses.

A-t-il de bons côtés?

Ce régime a originalement été mis au point au début des années 1920 par un médecin de la Clinique Mayo, le Dr Russell Wilder, pour réduire les crises chez les enfants épileptiques, ce qu’il fait, parfois plus efficacement que la médication. En raison de ses effets neuroprotecteurs, des théories ont été avancées récemment quant aux bienfaits possibles du régime pour les maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques et même le cancer du cerveau. Mais – il y a un gros mais – aucune étude n’a encore été réalisée sur des humains pour permettre de recommander le régime cétogène comme traitement de ces maladies.

Il ne faut pas perdre de vue l’ensemble du contexte. «Le monde des régimes est une industrie qui a su convaincre toute une population, les femmes en particulier, qu’en s’alimentant d’une certaine façon et en faisant suffisamment d’exercice, on pouvait obtenir le corps et la santé de ses rêves – ce qui est faux, explique la Dre Zentner. Et le message subliminal qui accompagne cette promesse, c’est que si vous n’avez pas atteint votre objectif, c’est que vous n’y avez pas mis suffisamment d’efforts. Ce qu’on a fait, comme société, c’est inciter les individus à suivre une thérapie, un peu comme si on leur demandait de croire aux prières, pour résoudre un problème complexe comportant de multiples aspects. Et le régime céto se trouve à être le plus récent évangile de cette religion.»

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