Société

5 mythes sur le Québec

L’historien québécois Jacques Lacoursière fait le point sur des passages moins bien connus de notre histoire.

Il y a des idées reçues que trop souvent on ne remet pas en cause. Pourtant, la réalité est tout autre. C’est la tâche des historiens de remettre les pendules à l’heure. Retenons les cinq croyances suivantes :

1. L’esclavage n’a pas existé en Nouvelle-France
Faux ! Selon l’historien Marcel Trudel, il y aurait eu environ 4 000 esclaves sur le territoire entre 1629 et 1834 (date de l’entrée en vigueur du British Imperial Act qui mit fin à l’esclavage dans l’Empire britannique). Environ 2 500 d’entre eux étaient d’origine autochtone alors que les autres étaient des Noirs emmenés d’Afrique. Généralement employés comme domestiques, les esclaves appartenaient surtout à des gens aisés. Chez les communautés religieuses qui en possédaient, ils étaient traités comme des enfants de la maison. Le premier esclave de l’histoire canadienne est un jeune Noir du nom de Gaspard, arrivé à Québec en 1629, avec les frères Kirke. Les Jésuites lui enseignèrent les rudiments de la religion catholique. Le jour où ils voulurent le baptiser (et lui attribuer le nom d’Olivier Lejeune), ils lui dirent qu’il allait devenir comme un Blanc. Le pauvre se mit alors à trembler, croyant qu’on se préparait à lui enlever la peau !

• Lisez le livre Deux siècles d’esclavage au Québec de Marcel Trudel.

• Écoutez l’entrevue avec Marquise Lepage, réalisatrice du documentaire Le Rouge et le Noir… Au service du Blanc.

2. Contrairement aux colons anglais, les colons français entretenaient de bonnes relations avec les Amérindiens.



 


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Vrai, mais avec bémols…
Si les relations entre les Amérindiens et les colons français furent presque toujours cordiales sur le territoire du Québec, il en fut autrement sur le reste du territoire. En effet, en 1730 (voir la carte de la Nouvelle-France), ce sont bien les colons français qui ont cherché à exterminer la tribu des Renards. Ceux-ci vivaient dans la région du lac Michigan (qui faisait alors partie du territoire de la Nouvelle-France) et s’opposaient à ce que les Blancs fassent directement la traite des fourrures avec les Sioux. Environ 1 500 soldats furent envoyés et les trois quarts de la nation furent détruits.

Du côté anglais les relations se sont avérées plus conflictuelles. Rappelons d’abord que lors du soulèvement du chef algonquin Pontiac (à Détroit), en 1763, les colons anglais ont offert aux insurgés des couvertures contaminées par la petite vérole (maladie souvent mortelle à l’époque), dans l’espoir de les exterminer. Vers la seconde moitié du 19e siècle, dans la foulée de la conquête de l’Ouest, les Américains ont quasi fait une guerre d’extinction des Sioux. À la même période (1876), le gouvernement canadien a créé les réserves autochtones.

3. Les mœurs étaient très conservatrices du temps de la Nouvelle-France.
Faux. Trop souvent, on fait de l’histoire à rebours et comme nos arrière-grands-mères étaient très pieuses, on a tendance à croire qu’il en fut de même à l’époque de la Nouvelle-France. Erreur ! En 1682, un évêque, Monseigneur de Laval s’indigne contre les femmes qui se présentent à l’église « …avec des habits indécents, faisant voir des nudités scandaleuses de bras, d’épaules et de gorges, se contentant de les couvrir de toile transparente, qui ne sert souvent qu’à donner plus de lustre à ces nudités honteuses… » (texte tiré de Nos racines)

De leur côté, les coureurs des bois se plaisaient à dire que : « cinq milles passé le village, il n’y a plus de mariage », de sorte que certains prenaient maîtresse chez les Amérindiens. Quand cette relation résultait en la naissance d’un enfant, il arrivait que la mère aille porter le bébé sur le seuil de la maison du père…

4. La Confédération canadienne est née de l’union de deux nations fondatrices (Canadiens français et Canadiens anglais).
Faux, mais c’est un sujet délicat. Dans les faits, ce sont quatre colonies (Québec, Ontario, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) qui, en 1867, ont été unies par une loi britannique pour créer le Canada. Toutefois, les nationalistes québécois préfèrent voir la naissance du pays en termes de nations ou de peuples fondateurs. Ce point de vue, qui ne s’est développé que chez les Canadiens français, donne ainsi « plus de poids dans la balance » aux francophones.

5. Lors des deux guerres mondiales, les Canadiens français n’ont pas voulu participer aux combats.


 


Le commandant Sauvé au milieu de son état-major, photographe inconnu, 1944
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Direction du Centre d’archives de Montréal
Fonds Famille Sauvé
P719, S2, SS2, SSS2, D3, P44

Faux. Le gouvernement du Canada a imposé la conscription en 1917 et en 1944 et plusieurs anglophones ont reproché aux francophones du Québec leur manque d’enthousiasme. Il est vrai que, pour éviter d’être envoyés sur le champ de bataille, quelques-uns sont allés jusqu’à se couper un doigt ou un orteil et que d’autres ont préféré entrer en communauté et revêtir la soutane des frères enseignants. D’autres encore ont pris la direction de la forêt et sont devenus bûcherons (notamment en Mauricie). Au Québec, les déserteurs n’étaient pas plus nombreux que dans les Prairies (Manitoba, Saskatchewan, Alberta.). Les volontaires se comptaient d’ailleurs par dizaines de milliers.

• Lisez le livre Déserteurs et insoumis : les canadiens français et la justice militaire (1914-1918) de Patrick Bouvier.

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