Société

Catherine Fournier : droit devant

ll en a fallu du courage à l’ex-députée Catherine Fournier pour dénoncer un collègue qui l’avait agressée sexuellement. Et elle l’a fait avec aplomb !

Au premier abord, c’est son regard franc et droit qui frappe chez elle. Celui qui émane de ses grands yeux expressifs, et celui qu’elle porte sur les gens et les choses. On le sent bien : Catherine Fournier, 31 ans, est une femme de conviction. Elle en impose – mais sans avoir besoin de lever le ton. Son modus operandi : le travail acharné. « Ah ! pour être travaillante, je suis travaillante ! » s’exclame la fille d’une serveuse et d’un électricien, qui lui ont appris tôt à se relever les manches.

Son parcours impressionne. Élue en 2016 dans la circonscription de Marie-Victorin, en Montérégie, elle devient la plus jeune députée de l’Assemblée nationale, à 24 ans. Elle y restera jusqu’en 2021 avant de remporter la mairie de Longueuil, la cinquième ville en importance au Québec, avec 61 % des voix. L’étoile poursuit sa course dans le firmament politique.

Mais, en avril dernier, coup de théâtre. Elle convoque les médias pour une annonce : c’est elle qui a été agressée par le député Harold Lebel du Parti Québécois en 2017. Elle révèle son identité qui, jusque-là, était protégée par une ordonnance de la cour.

Très médiatisé, le procès, tenu à l’automne 2022, a conduit l’élu derrière les barreaux pour une peine de huit mois – il y passera moins de deux mois à la suite d’une décision de la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

En ce jour printanier, Catherine Fournier reprend le contrôle de sa destinée. En conférence de presse, elle s’explique. « [Quand c’est arrivé,] j’ai choisi de ne pas en parler à personne. Je savais que si je parlais, il y aurait des gestes et des conséquences pour lui. Mais derrière ça, je me doutais qu’il y aurait des conséquences pour moi aussi. C’était plus simple de faire comme si ce n’était pas arrivé plutôt que dénoncer », affirme-t-elle alors.

Or, plus le temps passe, plus Catherine a du mal à vivre avec ce secret. Surtout qu’elle craint que le député de Rimouski fasse d’autres victimes. À l’été 2020, elle se rend à un poste de la Sûreté du Québec. Et porte plainte.

Le procès se tient en novembre 2022 et fait l’objet du documentaire Témoin C. F., offert sur la plateforme Vrai. « J’y ai participé parce que je me disais que ça pouvait faire œuvre utile et faire changer les choses. Et ça donnait du sens à ma démarche », laisset-elle tomber.

On le perçoit bien dans Témoin C. F. : Catherine a pris la honte qui l’accablait pour la remettre sur les épaules de son agresseur. « J’ai eu vraiment honte. Et c’est assez commun [chez celles qui ont été agressées]. Parce que tu t’en veux et tu ne veux pas porter l’étiquette de la victime. Mais aujourd’hui, je ne ressens plus ce sentiment. Je me sens fière et forte », dit-elle avec assurance de sa voix flûtée.

Et qu’a-t-elle envie de dire aux femmes qui sont l’objet d’inconduites sexuelles ? « Il faut respecter la décision de toutes les personnes qui ont été agressées. On ne trouve pas son sentiment de justice ou sa paix intérieure de la même façon. Certaines se sentiront mieux de ne pas aller de l’avant dans le système de justice. Et c’est correct. Mais pour celles qui choisissent la voie judiciaire, il y a des ressources, des gens pour les accompagner. On est bien soutenues. Les choses ont changé », souligne-t-elle.

L’accompagnement dont elle a bénéficié a été exemplaire – elle le répète avec insistance. Que ce soit de la part de la sexologue du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels, des procureurs ou des policiers. « Quand je suis arrivée au poste de la SQ, un 24 juillet, en pleines vacances de la construction, il était 4 h 45… Je suis pas mal sûre que le policier qui était là finissait son shift, le pauvre. Mais il m’a reçue et m’a tellement bien accueillie », dit-elle, encore reconnaissante.

Catherine Fournier insiste : ces malheureux événements ne la définissent pas.

Malgré d’importantes responsabilités, Madame la Mairesse prend le temps de vivre – « je ne veux pas travailler 7 jours sur 7, 24 heures par jour » – et de s’épanouir auprès de son amoureux, de ses amis et des membres de sa famille. « Je veux montrer qu’on peut faire de la politique autrement, sans tout sacrifier. C’est comme ça qu’on peut convaincre d’autres femmes à s’engager », conclut-elle.

Pas de doute. Catherine regarde droit devant.

Vous avez besoin d’aide ? Pour toute agression à caractère sexuel, le centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) : 1 888 933-9007 (Sans frais) OU 514 933-9007 (Région de Montréal)

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