J’ai bu ma première bière en sixième année. On s’était fait sortir par je ne sais plus trop qui un six pack de Molson XXX au dépanneur, mon amie France-Hélène et moi. Je me rappelle qu’on avait attendu que sa mère se couche pour se siffler une bouteille dans le sous-sol. J’ai su dès la première gorgée que je n’aimerais jamais la bière, mais j’ai tout de suite apprécié l’effet que l’alcool avait sur moi.
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La Molson XXX contenait plus d’alcool que les autres bières et c’est pour ça qu’on l’avait choisie. Il me semble m’être sentie feeling avant d’avoir atteint le fond de la première bouteille. Je ne sais plus si j’étais chaudaille pour vrai ou si j’en mettais un peu pour la forme. Sûrement un peu des deux. Avec mon amie, on parlait fort et on riait des gars qu’on trouvait cutes et des filles qu’on haïssait. Sa mère nous a entendues. J’ai cru mourir quand elle a ouvert la porte de la chambre pour voir ce qu’on faisait et qu’elle a aperçu les bouteilles de bière vides éparpillées sur le tapis gris. J’ai pensé qu’elle nous arracherait la tête, mais non. Elle a simplement ramassé les corps morts en nous fusillant du regard et elle a refermé la porte, nous laissant seules avec notre honte de lui avoir désobéi. Elle était cool, la mère de France-Hélène, et on s’en est voulues de l’avoir déçue.
Je n’aime pas plus la bière aujourd’hui qu’en sixième année. Par contre, cette première brosse fût la première d’une longue série. Vous le savez, je viens du Saguenay. Et sans vouloir mettre tous les Saguenéens dans le même panier, mettons qu’on est de bons buveurs. On s’en fait même parfois une fierté, ce qui ne manque pas de me mettre mal-à-l’aise. C’est que voyez vous, il n’y a rien de glorieux à descendre six bières pis à se prétendre ben correct. Je me rappelle d’une époque où je pouvais boire un 26 onces de Johnny Walker red et marcher à peu près droit jusqu’à chez nous. C’est que des années de travail derrière un bar et dans les restaurants m’avaient bien entraînée.
J’ai toujours bien supporté l’alcool. Je sais boire comme un gars (mon dieu que je déteste cette expression). Ça m’a valu l’admiration de plusieurs personnes quand j’étais ado puis jeune fille. Avec le recul, je trouve ça problématique, cette relation tordue qu’on a avec l’alcool. Comme si le fait d’en boire beaucoup et d’en ressentir peu les effets fait de nous du monde plus cool, plus fort.
J’ai arrêté de boire en malade parce que j’avais dans mon entourage une personne alcoolique. Cette personne n’était pas ma mère, je tiens à le préciser. J’ai dû composer avec les gestes et les paroles inappropriés et violents de cette personne une bonne partie de ma vie. Quand j’ai eu des enfants, je me suis promis que je ne leur ferais jamais subir la même chose. Or, parfois, quand je buvais beaucoup beaucoup trop, je voyais poindre en moi des traits de caractère de cette personne. Et ça, c’était hors de question.
Maintenant je ne bois plus comme avant. Heureusement, je suis capable de me contrôler et je n’aime plus vraiment la sensation d’être saoule. Je préfère boire un verre ou deux, c’est tout. Par contre, j’ai remarqué que j’étais impatiente à l’heure de l’apéro. Que j’avais hâte de boire un verre pour décompresser et passer au travers de l’heure du souper avec les enfants. Je ne me saoule pas, je bois UN verre. Mais on dirait que j’en ai besoin, de ce verre. Et ça, je n’aime pas ça. J’ai donc décidé d’arrêter de boire pendant un mois pour comprendre les effets de l’alcool sur moi. Quand je l’ai annoncé à mon chum, il a décidé d’embarquer lui aussi. On s’est promis de faire un mois complet sans alcool tous les deux, à partir du 9 janvier. Pas une bière, pas un verre de vin. Même pas si on va souper chez des amis. J’ai hâte de commencer, mais j’avoue que j’appréhende un peu le mois à venir. Comme quoi on peut être dépendant de l’alcool même si on ne boit qu’un verre par jour. Je vous dirai comment ça se passe. En attendant, je vais savourer le goût un peu amer de mes derniers apéros.
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Geneviève Pettersen est l’auteure de La déesse des mouches à feu (Le Quartanier)