Culture

Karine Vanasse: la star sans fard

Première comédie avec De père en flic 2. Premier rôle de mère dans Et au pire, on se mariera. Premier «vrai» appartement. Et première interview où elle se dévoile autant.

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Photo: Geneviève Charbonneau

Karine Vanasse n’avait pas qu’un petit creux, elle était af-fa-mée. « J’ai faaaaaim ! » En survêtement de sport, baskets et queue de cheval, l’actrice arrivait de son cours de boxe et ne jouait pas la fringale. « Il paraît que j’ai un très bon crochet du gauche… » Je l’ai crue sur parole, et on a quitté au galop le Café Lali où elle a ses habitudes pour un Sushi Taxi tout près de là, rue Notre-Dame Ouest, où elle connaît le menu par cœur. « Je suis plate, je prends toujours la même chose: sashimi-dori pas de fruits. »

Nous devions mener l’entretien dehors, quelque part le long du canal de Lachine. (Il y a deux ans, pour un portrait dans Châtelaine, Karine m’avait donné rendez-vous dans un café bondé. Bonjour l’intimité.) Et pourtant, deux heures plus tard, nous n’avions toujours pas décollé de la banquette du resto de sushis. « Cette fois, c’est ta faute », m’a-t-elle fait remarquer. Il faut dire qu’il n’y avait pas un chat en cet après-midi ensoleillé et la conversation était captivante avec une Karine volubile, heureuse d’être là et assez en confiance pour se livrer comme rarement. Briser le charme pour un canal ? Non, merci.

Au moment où cet article sera publié, Karine aura tourné la troisième saison de Blue Moon, et sera à North Bay, en Ontario, jusqu’à l’automne pour les saisons 2 et 3 de Cardinal, excellente production canadienne réalisée par Podz et vendue ailleurs dans le monde. « En Suède, c’est la série étrangère la plus regardée. » Elle y tient le haut de l’affiche, dans la peau de Lise Delorme, une enquêteuse French Canadian qui sait se servir de ses poings (d’où la boxe).

VIDÉO: Karine Vanasse et ses plus beaux souvenirs d’été

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Photo: Geneviève Charbonneau

Une première: la comédie

En juillet, l’actrice devra trouver du temps, et LA robe, pour fouler le tapis rouge du très attendu De père en flic 2 (sortie prévue le 14). « Je suis tellement contente d’avoir fait ce film, c’est fou. J’avais besoin de cette légèreté. Et je sentais qu’on voulait de moi, autant de la part d’Émile [Gaudreault, le réalisateur] que de Denise [Robert, la productrice], qui m’a dit: “On veut exploiter ta spontanéité.” »

Celle qui affirme être « plus spontanée que les gens le pensent » a remplacé au pied levé Caroline Dhavernas, retenue sur un tournage américain, pour interpréter la blonde de Louis-José Houde, donc la belle-fille de Michel Côté. « Je me sentais privilégiée de les voir travailler ensemble, retrouver leur personnage, ajuster leurs répliques. Je braillais souvent. » Euh… ce n’est pas censé être un film drôle ? « Enfin, brailler n’est pas le bon mot, mais disons que j’étais souvent émue. Michel, je l’ai connu à 20 ans, quand il a incarné mon père dans Ma fille, mon ange. J’étais fière de lui montrer où j’étais rendue. »

L’humoriste Mariana Mazza fait aussi partie de la distribution, au grand plaisir de Karine. « C’est mon amie. On s’est connues à l’émission de radio L’autre midi à la table d’à côté (ICI Radio-Canada Première) et on s’est revues après. Elle me rentre dedans, elle ose me bousculer. »

Entre ces deux univers qu’on pourrait imaginer aux antipodes, le jello a pris. Mariana a écrit sur Instagram: « Des fois on rencontre ce genre d’humain, pis on tombe en amour avec son âme. »

« Les gens peuvent dire qu’elle est loud et ci et ça, a résumé Karine. Moi, elle me touche. Dans ses éclats de passion, de frustration, ses questionnements, je la sens à fleur de peau. Je la regardais aller sur le tournage – elle ne s’excuse de rien, c’est un mélange de bravade et d’insécurité très authentique. »

De père en flic 2 est la première comédie de Karine, malgré une carrière de près de 20 ans. « Je ne suis pas la comique de la gang, mais j’ai compris que je devais me laisser aller. Pour être plus à l’aise dans ce  genre-là, j’ai travaillé avec Danielle Fichaud. » Cette comédienne, devenue une coach d’acteurs très cotée dans le milieu, l’a aussi aidée à aborder le défi posé par un autre film tourné simultanément: Et au pire, on se mariera, réalisé par Léa Pool.

Elle y joue la mère – encore une première – d’une ado (Sophie Nélisse) « rebelle, impertinente et charismatique », dixit l’actrice. « Retravailler avec Léa ne m’angoissait pas, mais je voyais le symbole tellement gros [C’est Léa qui l’a « mise au monde » en 1999 en la dirigeant, à 14 ans, dans Emporte-moi.] que la situation avait le potentiel de me paralyser. » 

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Photo: Geneviève Charbonneau

Le mot « potentiel » reviendra souvent dans la conversation. En fait, ces temps-ci, il l’obsède. « J’ai grandi avec l’idée que, dans la vie, il faut aller au bout de son potentiel, que ça fonctionne ou non. Mais c’est quoi, au juste, le potentiel professionnel, humain ? Si j’avais voulu aller au bout des possibilités de ma carrière américaine, après Pan Am, je serais restée là-bas, et après Revenge, je ne serais pas revenue ici. Mes agents américains me l’ont reproché et m’ont laissé tomber. » Y croit-elle encore un peu, ou plus du tout, à cette notion de potentiel ? Sa réflexion n’est pas terminée.

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En 2011, un portrait publié dans L’actualité la disait « chaleureuse, mais inaccessible », cachée derrière « sa carapace ». Cette description ne correspondait plus à la personne que j’avais devant moi. Il est indéniable que son image de première de classe à qui tout réussit fait écran à la vraie fille, la fille vraie imparfaite, qui se trompe à l’occasion et qui a ses problèmes, comme tout le monde. « On ne sait jamais ce que les gens vivent dans le privé, a-t-elle observé, en sirotant un thé vert glacé. Tout n’a pas toujours bien été dans ma vie. »

Le meilleur chemin pour accéder à la native de Drummondville derrière la vedette internationale: explorer son compte Instagram, qui tient plus du -projet artistique que d’une vitrine de promotion. « Je m’y dévoile beaucoup. » En effet. À son rythme, sans intermédiaire, avec ses mots et ses photos.

Par exemple, voici sa mère, Renée Gamache, avec une petite note: « […] je la regarde avec mes yeux de fille de 33 ans et je suis fière de la femme que je vois. On a travaillé fort. Ça aurait pu nous échapper, ça reste un défi, les relations mère-fille… mais on y est arrivées. » Un témoignage qui n’a pas été simple à formuler et qu’elle me récite de mémoire. « Je suis contente d’être rendue à un moment dans ma vie où je suis capable d’écrire ça. Maman a géré ma carrière jusqu’à ma vingtaine. » Jusqu’à la coupure, qui a fait jaser. « Ce n’était pas un désaveu de son travail, juste un besoin de remettre les rôles à la bonne place. »

Toujours bonne conseillère, Renée lui a suggéré de ne pas commenter l’élection de Trump sur Instagram, même si ça lui brûlait les doigts. « J’étais sur le point d’obtenir ma green card [carte de résidence permanente aux États-Unis]. Ma mère n’arrêtait pas de me dire que ce serait con de ne pas l’avoir à cause de ça. Maintenant, je l’ai, et je vais passer plus de temps là-bas. » Un projet serait en branle au réseau ABC, diffuseur de Pan Am. Karine y incarnait Colette, une hôtesse de l’air française qui a fait décoller sa carrière américaine et l’a par la suite parachutée dans Revenge et les talons aiguilles de Margaux, une éditrice parisienne. « Il y a des rôles que je ne peux pas obtenir encore, à cause de mon accent. C’est LA chose sur laquelle je veux travailler au cours des prochaines années. Ma bête noire : faire des entrevues en anglais. Ça me cause un stress qui finit par me prendre à la gorge. »

C’est une perfectionniste. On le voit dans le soin qu’elle met à décorer son nouveau condo, à Pointe-Saint-Charles, un ancien quartier industriel. Après des années à louer un pied-à-terre, toujours entre deux avions, elle s’est décidée à acheter en ville. « Mais mon chalet en Estrie, c’est vraiment chez moi. » Elle a publié une photo (sur Instagram, toujours) de sa galerie ouverte sur le lac qui fait rêver. « Je n’y vais pas assez souvent. Ma forêt me manque. À l’époque de Revenge, ça m’arrivait de quitter Los Angeles pour y passer une journée. » Elle le prête à des amis triés sur le volet. « Je crois que les endroits recueillent l’énergie, et celle du chalet est belle, donc je veux qu’elle le reste. »

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Photo: Geneviève Charbonneau

D’autres projets?

Un autre cliché de son compte m’avait frappé: elle tenait un bébé dans ses bras. « Ah oui, c’est William, le fils de Chantal, une amie d’enfance. » « Ça te va bien », ai-je ajouté, avec subtilité (!). Elle m’a regardé d’un air qui disait : je sais où tu veux m’emmener. « C’est pour ça que je porte des vêtements amples. » Elle a ri, puis sérieuse: « Je ne peux pas dire que je sens la pression. J’ai conscience que je vieillis, que les gens autour de moi ont des enfants, que c’est ben beau de voyager partout et de travailler tout le temps, mais… Si c’est un choix, il faut le faire à un moment donné, et ça dépend de plein de choses, d’avec qui t’es. Dans les dernières années, ça ne se présentait… pas. » 

Après une relation  de plusieurs années avec Maxime Rémillard, riche homme d’affaires et propriétaire de V, sa plus récente liaison connue, avec le rappeur algonquin et acteur Samian, n’a duré que quelques saisons. Le temps pour elle d’aborder le sujet une fois sur Instagram: « Devant lui, je me surprends à oser avoir le courage d’être celle que je suis. Profondément. Entièrement. C’est un privilège d’être la femme à tes côtés. » C’était peu, mais c’était énorme pour elle, qui est d’habitude si privée. « Disons que c’était exceptionnel », a précisé Karine.

Je l’ai accompagnée jusqu’à sa voiture, et l’ai quittée avec en tête une certaine phrase: « Des fois on rencontre ce genre d’humain, pis on tombe en amour avec son âme. »

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